
Bibi réussira-t-il son pari politique ?
(Photo : Reuters)
Un coup de théâtre largement prévisible. Une manoeuvre planifiée d’avance. Telles sont les deux appellations qui s’appliquent le mieux aux dernières évolutions survenues sur la scène politique israélienne, entraînant des législatives anticipées le 17 mars 2015. Sans aucune surprise, le premier ministre, Benyamin Netanyahu, a limogé deux ministres centristes opposés à sa politique Yaïr Lapid (Finances) et Tzipi Livni (Justice), les accusant d’avoir ourdi un « putsch » contre lui, convoquant des élections anticipées. Une façon de précipiter la crise ou de faire noyer un bateau qui chavire depuis les résultats des élections de 2013. En fait, le résultat des dernières législatives étaient décevant pour Bibi et son parti (le Likoud) qui n’a reçu que 18 sièges à la Knesset (120), de quoi obliger le premier ministre à faire une coalition « difficile » avec des centristes souvent opposés aux projets du Likoud. Selon les analystes, Netanyahu a provoqué ce séisme politique d’une façon « préméditée », dans l’espoir de former un gouvernement plus à droite qui l’aide à gouverner en toute liberté. « Dans l’état actuel des choses et avec ce gouvernement, il m’est impossible de gouverner», s’est justifié le premier ministre.
Fustigeant ce geste « irresponsable » de la part du premier ministre, tous les ministres du parti centriste ont démissionné, dont les ministres de la Santé, de l’Education, des Affaires sociales et le ministre des Sciences. « La révocation des ministres est un acte de lâcheté de quelqu’un qui perd tout contrôle. Nous regrettons que le premier ministre ait choisi d’agir de façon irresponsable », a regretté le parti centriste Yesh Atid, dirigé par Yaïr Lapid.
Vers une coalition plus à droite ?
Si le premier ministre a convoqué des élections anticipées, c’est parce que tous les sondages lui assurent un quatrième mandat à la tête du gouvernement. Le pari ne semble donc avoir aucun risque pour un Netanyahu qui va désormais demander l’appui de la droite. Selon les politologues, Bibi pourrait se forger une coalition gouvernementale beaucoup moins turbulente que l’actuelle, en s’élargissant à sa droite, du côté des ultra-nationalistes et des formations religieuses. « Les partis de droite ont la majorité selon les sondages, ce qui signifie qu’il y a de grandes chances que M. Netanyahu conserve son poste », estiment les experts. Pour former sa prochaine majorité, M. Netanyahu a entamé ses négociations avec les partis ultra-orthodoxes, relégués dans l’opposition alors qu’il les considère comme des « alliés naturels du Likoud ». Il entend aussi s’unir avec deux partis de la droite dure, Israël Beiteinou du chef de la Diplomatie Avigdor Lieberman, et le Foyer Juif, de Naftali Bennett, ministre de l’Economie, favorables à une colonisation touts azimuts dans les territoires palestiniens. Israël Beitenou est, en fait, le premier allié stratégique de Netanyahu lors des dernières élections. Selon les récents sondages, le Likoud arriverait en tête des prochaines législatives avec de 22 à 24 sièges contre 18 (sur 120) actuellement. Le Foyer Juif devrait connaître la plus forte progression en passant de 12 à 16-17 sièges. Israël Beiteinou est stable avec 10-12 mandats contre 13, alors que Yesh Atid, le parti de Yaïr Lapid, et HaTnuha, la formation de Tzipi Livni, subissent une forte baisse en passant de 25 sièges à 14-15.
D’après les experts, une coalition gouvernementale plus à droite serait de très mauvais augure pour les négociations de paix israélo-palestiniennes. Déjà, le processus de paix est au point mort depuis 2000, malgré des tentatives américaines de le ressusciter. « Le gouvernement que Netanyahu nous propose est un vrai cauchemar qu’il promet aux Israéliens », s’inquiète le quotidien Yediot Aharonot.
Pour ne pas plonger dans le pessimisme, on doit se rappeler que rien n’est sûr dans le jeu de la politique israélienne. En Israël, la formation des coalitions n’est pas si facile et la coalition de Bibi avec la droite n’est pas un fait acquis. Preuve: lors des législatives passées, Netanyahu n’a pas pu former un gouvernement avec ses alliés préférés à savoir, la droite et les ultranationalistes. Peut-être, ce scénario se répéterait-il la fois prochaine. Déjà, le bloc de centre-gauche semble déterminé à s’unir afin d’empêcher Netanyahu d’obtenir un quatrième mandat et remettre les négociations avec les Palestiniens en tête des priorités. Cette semaine, ce bloc a entamé des pourparlers sur la création d’une « alternative à Netanyahu ». A la lumière de ce bras de fer, Netanyahu va-t-il réussir son pari risqué ou sacrifiera-t-il le tout pour le tout ?
Le projet de l’Etat juif à l’origine de la crise
Ce qui se passe ces jours-ci en Israël n’est qu’un bras de fer entre les hommes forts du pays, MM. Netanyahu, chef du Likoud (droite), et Lapid, chef de Yesh Atid, (centre-droit ), ayant tous les deux une vision complètement différente de la paix avec les Palestiniens. La crise a commencé quand Netanyahu a demandé aux centristes d’arrêter leurs critiques sur la colonisation israélienne à Jérusalem-Est annexée et de soutenir le projet de loi sur l’Etat « juif ». Des revendications rejetées par les deux ministres centristes limogés, Livni et Lapid, qui se sentaient déjà mal au sein du gouvernement depuis la rupture des négociations de paix avec les Palestiniens en avril dernier. Ces deux ministres s’opposaient souvent à la ligne dure adoptée par Bibi sur les négociations de paix car elle ne fait qu’accentuer l’isolement d’Israël et aggraver la guerre avec les Palestiniens. D’après les experts, c’est surtout cette loi sur le renforcement du caractère juif d’Israël qui a fait tomber la coalition au pouvoir car elle a rencontré l’opposition virulente de Lapid et Livni, qui ont promis de s’opposer à son adoption à la Knesset. De quoi pousser Netanyahu à précipiter la crise.
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