Alors que les négociations nucléaires s'intensifient, des manifestations anti-américaines se sont déclenchées de par Téhéran.
(Photo:AP)
A l’approche de la date butoir du 24 novembre, les négociations s’intensifient entre Téhéran et les Six, pour parvenir à un accord final sur le nucléaire iranien. Dimanche et lundi, le chef de la diplomatie iranienne, Javad Zarif, et le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, se sont retrouvés à Mascate, capitale omanaise, sous l’égide de la négociatrice européenne Catherine Ashton, en vue de paver le chemin au dernier cycle de négociations entre Téhéran et les Six, prévu du 18 au 24 novembre, à Vienne, afin de conclure un accord sur le nucléaire iranien qui serait un succès pour les deux présidents Barack Obama et Hassan Rohani. Mauvais augure: à la veille de ces négociations cruciales, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) a nourri le climat de méfiance entre les deux parties, affirmant que l’Iran reste peu coopératif sur son programme nucléaire.
Malgré ces propos inquiétants, Téhéran et Washington se sont montrés plus déterminés que jamais à avancer, même si leurs positions restent inconciliables sur deux questions-clés: l’enrichissement de l’uranium et le calendrier de la levée des sanctions internationales. « Il y a encore un écart entre les deux parties sur ces deux sujets », a déclaré, dimanche, M. Zarif, alors que le président américain a affirmé de sa part qu’il existait « encore un fossé important à combler » avant le délai. « Nous n’y parviendrons peut-être pas avant le 24 novembre », a déploré M. Obama. Ceci dit, l’aboutissement à un accord avant le délai serait « peu sûr », notamment que des oppositions farouches à un tel accord se sont accentuées à Washington et à Téhéran ces derniers jours.
Dans les deux pays, l’aile dure, toujours sceptique et réticente, tente de mettre les bâtons dans les roues. Commençons par l’Iran, M. Zarif est déjà sous forte pression. Le Parlement iranien, dominé par les conservateurs, a souligné cette semaine que l’accord global devrait être ratifié par les députés pour être valide. Dimanche, 200 parlementaires ont exigé que les négociations doivent défendre vigoureusement les droits nucléaires de l’Iran, et garantir la levée totale des sanctions. Les plus radicaux ont déjà mis en garde le gouvernement du président modéré Hassan Rohani sur d’éventuelles concessions.
Bien qu’officiellement favorable à un accord, l’aile dure du régime iranien a toujours été ambigüe sur le sujet des négociations avec l’Occident. Tantôt, elle paraît ouverte à un accord qui va lever des sanctions occidentales qui ont courbé l’économie iranienne. Tantôt, elle paraît réticente de peur que l’équipe des négociateurs ne fasse trop de concessions. Une façon de souffler le chaud et le froid pour maintenir la pression sur l’Occident.
Washington s’impatiente
Du côté du camp américain, l’impatience est de mise. A Mascate, Washington s’est montré fermement opposé à toute prolongation des négociations au-delà du 24 novembre. Dans cette perspective, le président américain, Barack Obama, a présenté à l’Iran le « cadre » d’un éventuel accord international sur son programme nucléaire. « Nous leur avons présenté un cadre qui leur permettrait de répondre à leurs besoins pacifiques en matière d’énergie », a déclaré le président américain. C’est la première fois que Washington évoque une proposition de règlement définitif aux Iraniens, de quoi refléter l’impatience américaine à conclure un accord avant le délai. Dimanche, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a affirmé qu’une prolongation des discussions n’était pas à l’ordre du jour. Selon les experts, cette impatience américaine est motivée par la sévère défaite électorale qu’a subie M. Obama avec la perte par les Démocrates du contrôle du Sénat, au profit des Républicains très critiques, sur les négociations avec Téhéran. « Les deux dernières années du second mandat de Barack Obama seront les plus difficiles », pronostiquent les experts. Tout au long des dernières années, Barack Obama avait les mains libres sur le nucléaire iranien. Grâce à ses alliés démocrates du Sénat, il a réussi à arrêter les projets de nouvelles sanctions, avancés par les élus sceptiques sur la bonne volonté des Iraniens. Mais, désormais, la situation va fort changer. Les Républicains pourraient freiner l’aboutissement à un accord, car ils s’opposent à tout allégement des sanctions contre Téhéran. Bien plus, ils n’accepteraient pas la prolongation des négociations. « Il est difficile d’imaginer qu’une extension des négociations puisse être acceptable par le Congrès, sans des conséquences contre l’Iran », a prévenu un haut collaborateur républicain au Congrès.
Selon les experts, si les discussions achoppent, le Congrès pourrait adopter un nouveau train de sanctions contre l’Iran, ce qui va compliquer la crise. Déjà, les parlementaires discutent, dans les coulisses, un possible recours à la force contre Téhéran, une fois que le nouveau Congrès aura pris ses fonctions en janvier. Un scénario à haut risque, qui pose, d’ores et déjà, une question importante: une éventuelle offensive militaire réussira t-elle à détruire le programme nucléaire iranien? La réponse semble négative, selon le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey, qui a affirmé que des frappes contre l’Iran « retarderaient le problème », mais « ne l’élimineraient pas ». « Ce qui rend la capacité nucléaire iranienne problématique, ce ne sont pas les centrifugeuses et les missiles, c’est le capital humain qui possède le savoir-faire nécessaire pour reconstruire les infrastructures, si elles étaient détruites », a mis en garde le général.
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