
Malgré les pommes de discorde, les négociations entre Téhéran et les Six vont s'intensifier avant le délai.
(Photo : Reuters)
Ii ne reste que trente jours. Pourtant, l’approche du 24 novembre, délai fixé pour signer un accord nucléaire entre Téhéran et les Six, ne fait que renforcer la méfiance et le scepticisme entre les deux parties. Dans trois semaines, une nouvelle rencontre, peut-être la plus cruciale, doit avoir lieu entre l’Iran et l’Occident pour faire le point des progrès et des obstacles. Pour paver le chemin à cette rencontre décisive, les deux camps ont fait, cette semaine, un travail de fourmi à Vienne pour parvenir à un accord «
historique » avant le délai. Selon les observateurs, les discussions étaient «
complexes et intensives » entre le secrétaire d’Etat américain John Kerry, son homologue iranien Mohamad Javad Zarif et la représentante de l’UE Catherine Ashton. Pourtant, les négociations n’ont fait aucune avancée concrète, les deux protagonistes reconnaissant que des écarts de position persistent.
Malgré cette impasse, les deux camps ont joué à l’optimisme cette semaine, ayant, tous deux, intérêt à signer un accord le plus tôt possible. « Nous avons suffisamment de temps pour conclure un accord qui n’est pas hors de portée », a affirmé M. Kerry, faisant écho à son homologue iranien qui a jugé l’écart des positions « pas insurmontable ». En effet, Téhéran a fait une volte-face inattendue à Vienne. Alors que le régime iranien avait auparavant manifesté sa volonté de prolonger les négociations au grand dam des Etats-Unis, il a vite changé d’avis : « L’Iran ne veut pas prolonger les négociations nucléaires après la date butoir, malgré les écarts de positions », a affirmé Javad Zarif à l’issue des discussions, affirmant que le dialogue entre les parties serait désormais orienté vers la recherche d’une solution, plutôt que sur l’examen des problèmes. De quoi s’interroger sur ce changement de position. Selon l’expert Mohamad Abbas, il s’agit d’une manoeuvre iranienne visant à maintenir l’ambiguïté ou plutôt à souffler le chaud et le froid. « C’est un moyen de faire pression sur l’Occident. En brandissant la menace des atermoiements à l’infini, Téhéran joue avec les nerfs de l’Occident car les Iraniens savent, pertinemment que le groupe des 5+1 ne veut plus traîner dans les négociations et veut conclure cet accord », analyse Abbas.
Un jeu dont Téhéran n’a pas choisi le timing fortuitement : à l’approche des élections parlementaires américaines du 4 novembre, le président américain Barack Obama, dont la popularité est en baisse dans les sondages, espère aboutir rapidement à un accord avec l’Iran dans l’espoir que son parti remportera la majorité lors des élections de mi-mandat qui doivent renouveler 33 des 100 sièges du Sénat. En fait, le Sénat actuel, dominé par les républicains, est passé dans l’opposition, et il est très sceptique sur l’intérêt de traiter avec l’Iran. Bien plus, ses faucons insistent à ne lever aucune sanction contre Téhéran, de quoi compliquer la crise. « Si Obama réussit son accord historique avec Téhéran, il donnera une grande chance aux démocrates de remporter la majorité au Sénat. Ce sera un grand atout pour son parti. Bien plus, il laisserait une trace avant de quitter le pouvoir à l’instar d’un Jimmy Carter qui a conclu le traité de Camp David entre l’Egypte et Israël. Obama aspire à effacer ses échecs en politique extérieure en concluant cet accord avec l’Iran », analyse Abbas. Outre les intérêts américains à signer un tel accord, il va sans dire que le régime iranien a aussi grand intérêt à le signer, le plus vite possible, afin d’en finir avec les sanctions économiques.
Questions en suspens
Mais pour cela, les deux camps doivent en finir avec leurs pommes de discorde: l’ampleur de l’enrichissement de l’uranium iranien, le calendrier de la levée des sanctions internationales et l’avenir du réacteur à eau lourde d’Arak. En effet, Téhéran a paru flexible sur ce dernier dossier seulement, prouvant sa disposition à changer le coeur du réacteur d’Arak qui produit une grande quantité de plutonium susceptible de fabriquer une bombe atomique. Bien plus, le régime iranien a fait une autre ouverture, en acceptant le contrôle accru de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) sur ses sites nucléaires. Malgré cette ouverture, Téhéran a refusé récemment à l’agence onusienne l’accès au site souterrain de Fordo, de quoi alimenter les inquiétudes occidentales. La durée de validité d’un éventuel accord reste aussi entre parenthèses: Washington souhaite qu’il porte sur au moins dix ans, Téhéran sur beaucoup moins. Selon les experts, deux points pourraient retarder la signature d’un accord. Le premier est la levée des sanctions qui exige l’approbation des faucons du Congrès, sceptiques vis-à-vis de Téhéran. Le second semble le plus crucial car il concerne le degré de l’enrichissement de l’uranium que Téhéran milite depuis une décennie pour en obtenir la reconnaissance internationale. « Il n’y aura pas de retour en arrière », a assuré le président Rohani pour qui l’Iran a « fait un grand pas » vers la reconnaissance de son droit à l’enrichissement d’uranium. Reste à savoir si les pas à venir seront toujours vers l’avant et non vers l’arrière …
Lien court: