Dossier nucléaire iranien toujours insoluble, casse-tête afghan, violences confessionnelles en Birmanie, processus de paix israélo-palestinien en déroute, relations tendues avec Pékin et risque de perdre le soutien d’Islamabad. Avec cette longue liste de défis extérieurs, le président Obama, réélu à la tête des Etats-Unis, ne pourra pas longtemps savourer sa victoire, car il doit vite se lancer au travail. Outre les dossiers intérieurs qui alourdissent sa charge, tels l’économie et la démission surprise du chef de la CIA, David Petraeus, Obama doit redorer son image sur la scène internationale avec un bilan en demi-teinte lors de son dernier mandat. « Obama n’a pas atteint en matière de politique étrangère des résultats fabuleux », souligne l’ancien ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé. « Le conflit proche-oriental est totalement bloqué. Sur la prolifération nucléaire, aussi bien du côté de l’Iran que de la Corée du Nord, c’est le statu quo. La situation en Afghanistan est difficile et les relations avec le Pakistan sont détériorées », a-t-il expliqué.
Selon les experts, l’administration Obama va faire de l’Asie le « pivot » de sa diplomatie, et les Etats-Unis vont accroître leurs capacités diplomatiques et militaires dans cette région qu’ils considèrent comme un « moteur de la croissance mondiale », afin de contrebalancer l’influence de Pékin. Signe de l’importance qu’il va accorder à l’Asie, M. Obama va effectuer la semaine prochaine une tournée asiatique (17-20 novembre), à l’occasion du 21e sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean). Lors de cette tournée, le locataire de la Maison Blanche se rendra en Birmanie — une première pour un président américain — pour rencontrer son homologue birman, Thein Sein, et l’opposante Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix. Lors de ces discussions, Obama discutera des violences confessionnelles qui embrasent le pays et encouragera les réformes politiques entreprises par le gouvernement. Outre Myanmar, Obama se rendra au Cambodge et en Thaïlande, l’un de ses alliés en Asie.
L’Iran et l’Afghanistan,
deux bombes à retardement
En fait, le grand malheur d’Obama vient principalement de ce continent asiatique où il a presque échoué dans tous ses paris. Commençons par l’Afghanistan — un vrai casse-tête pour Obama — car il n’a pas réussi à y installer la paix après une décennie de guerre face à des talibans incassables qui se préparent à reprendre le pouvoir après le retrait des troupes de l’Otan fin 2014, comme l’affirment plusieurs rapports. A peine réélu, Obama a souhaité que son second mandat serve à construire la paix en Afghanistan où il devra résoudre plusieurs dilemmes pour achever dignement « la plus longue guerre de l’histoire américaine ».
Faut-il dialoguer ou non avec les rebelles ? Maintenir des hommes et bases militaires américaines au-delà de cette date pour y sauvegarder la paix ? Autant de questions que M. Obama devra trancher rapidement. Pour Maleeha Lodhi, ancienne ambassadrice du Pakistan à Washington, le scénario le plus souhaitable est une paix négociée, un partage du pouvoir issu d’une réconciliation afghane impliquant des pourparlers entre les talibans et les Etats-Unis. Or, les talibans — têtus et incassables — refusent tout dialogue avant le retrait des troupes étrangères. Vendredi, ils ont invité M. Obama à prendre acte de sa défaite en Afghanistan et retirer immédiatement ses troupes du pays. « Obama doit savoir qu’il a perdu la guerre en Afghanistan. Il doit donc quitter notre terre sacrée et se concentrer sur son pays », a défié le porte-parole des rebelles, Zabiullah Mujahed.
Outre le dossier afghan, une autre bombe à retardement perturbe le sommeil du numéro un américain : le nucléaire iranien. Désormais, trois options pourraient se produire pendant le nouveau mandat d’Obama : soit l’Iran sera doté de l’arme atomique, soit, à cause des sanctions, il y aura totalement renoncé, soit Israël, avec l’aide ou au moins l’assentiment de la Maison Blanche, aura bombardé Téhéran. Jusqu’à présent, aucun indice ne prouve l’approche d’une frappe américaine. Preuve de l’éloignement d’une telle hypothèse — au moins pour le moment — c’est la reprise des négociations entre Téhéran et les six grandes puissances fin novembre ainsi que la reprise des discussions entre l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) et l’Iran le 13 décembre, afin de trouver une issue diplomatique à la crise. N’oublions pas qu’un autre facteur pourrait retarder le scénario de la violence, à savoir la tension survenue entre Israël et Washington à cause de la date d’une frappe contre Téhéran, Obama préférant la reporter jusqu’à la fin des élections.
Aggravant la crise, Netanyahu a manifesté son large soutien à Romney, adversaire d’Obama lors de la campagne électorale. De quoi inquiéter les experts et les médias israéliens qui sont sur la défensive cette semaine, craignant la vengeance d’Obama. Ce dernier n’a-t-il pas promis à son allié israélien d’attendre la fin des présidentielles pour déclencher une frappe militaire contre les installations nucléaires iraniennes ? Honorera-t-il ses engagements rapidement ou bien punira-t-il un « Bibi » soucieux de « presser sur le bouton » pour aller frapper Téhéran en le privant de son soutien ? Méfiant, l’Iran a accueilli « avec prudence et sans enthousiasme » la nouvelle de la réélection d’Obama, mettant en garde contre tout espoir que cette réélection facilite une normalisation des relations entre Washington et Téhéran. Sans pour autant fermer la porte à des négociations directes.
« Il y a quatre ans, Obama est arrivé au pouvoir avec le slogan du changement, et il a affirmé qu’il tendait la main à l’Iran, mais dans la pratique, il a imposé les sanctions les plus dures contre l’Iran », a rappelé le chef du pouvoir judiciaire, l’ayatollah Larijani, alors que le président iranien a déclaré vendredi que la question du nucléaire iranien devait être réglée avec les Etats-Unis.
Outre le dossier iranien, un autre dossier épineux où Bibi est toujours engagé doit vite être tranché par Obama : le processus de paix paralysé. Cette semaine, Israël et les Palestiniens se sont disputés le soutien de Washington. Alors que Netanyahu a affirmé qu’Obama poursuivrait sans doute sa « politique fondée sur la sécurité d’Israël », le président palestinien Mahmoud Abbas a de sa part félicité Obama, souhaitant qu’il « continue ses efforts pour la paix ». Le négociateur palestinien, Saëb Erakat, a dit « espérer qu’un Etat palestinien sera établi pendant le prochain mandat d’Obama », lui rappelant son souhait exprimé en 2010 à la tribune de l’Onu de voir un Etat de Palestine indépendant, vivant en paix avec Israël, siéger aux Nations-Unies. Obama pourra-t-il concrétiser cet espoir « lointain » lors de ce mandat ? Va-t-il lâcher son « enfant gâté » — Israël — au profit des Palestiniens ?
Quel avenir pour les
relations sino-américaines ?
Enfin, reste à se poser la question la plus urgente : quel est l’avenir des relations entre les deux grandes superpuissances économiques du monde qui désignent, à quelques jours d’intervalle, leur nouveau président ? Juste une semaine après la réélection d’Obama, le nouveau leader chinois a été désigné lors de la réunion du 18e congrès du Parti Communiste Chinois (PCC) dont les travaux ont commencé le 8 novembre et doivent prendre fin le 14 novembre. Il s’agit de Xi Jinping, vice-président depuis 2008, qui a été appelé par le PCC à prendre la tête du parti, et donc à la succession du président, Hu Jintao, en mars, pour cinq ou dix ans.
Désormais, Obama trouvera en face de lui un leader chinois plus jeune (59 ans), plus sûr de lui et plus proche de l’armée que Hu Jintao. Comment donc les deux leaders vont-ils gérer une cohabitation difficile en tant que partenaires et adversaires ? Jamais dans l’histoire américaine la Chine n’avait été tant évoquée lors de la campagne électorale : la Chine est, en fait, jugée responsable de tous les maux dont souffre l’Amérique, surtout les difficultés économiques. Xi Jinping a déjà rencontré Obama en février et ont tenté de rapprocher leurs points de vue. Mais les relations entre les deux pays s’annoncent plus tendues que jamais et un affrontement sera inévitable sur deux dossiers épineux. Le premier c’est la guerre économique qui a commencé depuis longtemps. Même si les Etats-Unis demeurent la première puissance économique mondiale, ils s’inquiètent d’une Chine qui progresse économiquement année après année et cherche en plus à asseoir sa puissance en Asie et dans toute la planète. Cette inquiétude était envenimée par un rapport publié vendredi par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) qui affirme que les Etats-Unis perdront leur place de première puissance mondiale, dépassés par la Chine en 2016, puis par l’Inde.
En plus de la guerre économique, l’affrontement entre les deux géants a une dimension militaire : les Etats-Unis ne vont pas permettre à Pékin d’étendre son hégémonie en Asie et ne vont pas lui donner la chance de s’attribuer une souveraineté sur les îles de Diaoyu en mer de Chine orientale disputées par le Japon, allié fidèle de Washington. C’est pourquoi les Etats-Unis ont tenté d’encercler la Chine avec des alliances militaires régionales et des bases en Asie du Sud-Est : Philippines, Japon, Taiwan et Corée du Sud. Pour l’heure, le principal défi d’Obama serait de ne pas exacerber le conflit avec la Chine, surtout que son nouveau président est beaucoup plus proche de l’armée que son prédécesseur. Tout un déluge de défis qui alourdissent l’agenda du président américain pendant les 4 ans à venir ...
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