La montée de la menace talibane n'augure rien pour le pays à l'approche du départ de l'Otan.
(Photo : AP)
Après trois mois d’impasse électorale, l’Afghanistan a célébré, lundi, lors d’une cérémonie officielle à Kaboul, la première transition démocratique de son histoire, avec l’intronisation du président Ashraf Ghani qui a remporté 55% des voix lors du second tour de la présidentielle du 14 juin. Il s’agit d’une toute première lueur d’espoir pour ce pays qui sombre dans l’anarchie, la pauvreté et la violence talibane, à trois mois du retrait des troupes de l’Otan. Désormais, on s’attend à la formation d’un gouvernement d’union nationale entre M. Ghani et son rival défait Abdullah Abdullah qui serait «
chef de l’exécutif », sorte de premier ministre.
Selon les experts, cet accord de partage du pouvoir est loin d’instaurer la paix dans un pays déchiré par les violences ethniques, car M. Ghani concentre ses appuis chez les Pachtounes du Sud, et M. Abdullah chez les Tadjiks du Nord. Ce qui fait craindre un embrasement, voire une éventuelle partition du pays. Outre ce grave enjeu à craindre, une autre menace plus urgente a endeuillé cette semaine un Afghanistan à peine sorti d’une grave crise électorale: la menace talibane. Lundi matin, juste après l’intronisation du président, un attentat suicide commis par les rebelles a fait 4 morts près de l’aéroport de Kaboul. La veille, une autre offensive, beaucoup plus grave, a eu lieu quand 100 civils et membres des forces de sécurité étrangères et afghanes ont été tués lors d’un attentat taliban. Cet attentat, l’un des plus meurtriers, grave un souvenir inoubliable dans l’esprit des Occidentaux.
A l’approche de l’hiver, les rebelles auront de la peine à porter leurs coups en raison de la neige qui bouche les routes dans un pays à la nature montagneuse. Par ces vastes offensives, les rebelles voulaient faire passer deux messages à la communauté internationale: Le premier est de prouver que ses pertes humaines et les fonds colossaux dépensés tout au long de 13 ans n’ont aucunement réussi à les rompre. Le second est de prouver que même le choix d’un nouveau président ne pourrait en rien garantir la sécurité au « cimetière afghan » qui tomberait dans les mains des insurgés à l’aube 2015.
Objet de tractations
C’est dans ces conditions délicates que les Etats-Unis ont affirmé samedi qu’ils comptaient signer dans les prochains jours l’accord de sécurité (BSA) avec l’Afghanistan, régissant la présence d’un contingent militaire américain après 2014. Déjà, Ashraf Ghani a affirmé sa disposition à signer l’accord le plus vite possible pour ne pas faire face, seul, au défi taliban. En effet, ce texte est l’objet de tractations entre les deux pays depuis un an et le paraphe a sans cesse été repoussé, notamment en raison du refus de Karzaï qui ne voulait pas être cité dans l’histoire comme celui qui a vendu son pays aux Américains. L’Isaf, qui compte aujourd’hui 41000 soldats, dont 29000 Américains, a prévu de retirer toutes ses troupes du pays d’ici à la fin de l’année. Mais, une fois le BSA signé, 12500 soldats étrangers, dont 9800 Américains, resteraient dans le pays pour soutenir les forces afghanes. Selon les experts, la signature du BSA va enflammer la colère des talibans qui exigent le départ rapide des forces étrangères. Samedi, les rebelles n’ont pas tardé à qualifier MM. Ghani et Abdullah de « nouveaux employés américains au gouvernement de Kaboul » et ont décidé de se venger.
Dans ce cercle infernal, quel avenir attend l’Afghanistan? L’image paraît sombre. Le gouvernement d’union nationale ne pourra jamais faire face aux défis qui l’attendent: insécurité politique, chômage massif, corruption, paralysie économique et défi taliban. Même la signature du BSA ne constituera pas une « baguette magique » puisque les forces étrangères n’ont pas réussi, en 13 ans, à casser des rebelles qui trouvent une bonne source de financement dans les plantations d’opium et qui recrutent facilement les jeunes Afghans proies au chômage. Dans une tentative de résoudre la crise talibane susceptible d’envenimer son pouvoir, le nouveau président afghan a appelé, juste après son intronisation, à des discussions de paix avec les insurgés. Un appel qui demeurera lettre morte car les talibans n’accepteront jamais de dialoguer avec un président qui a affirmé sa volonté à signer rapidement l’accord de sécurité avec les Américains.
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