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Un scrutin crucial

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 06 novembre 2012

Alors que la violence talibane s’aggrave, la commission électorale a confirmé la tenue des élections présidentielles et a appelé les rebelles à y participer le 5 avril 2014, soit quelques mois avant la fin de la mission de l’Otan sur place.

Afghanistan
Les talibans reprendraient-ils le pouvoir début 2015 ?

Sous la pression de la communauté internationale, la commission électorale afghane a enfin décidé cette semaine de la date des élections présidentielles et provinciales afghanes. Ce sera le 5 avril 2014, quelques mois avant le retrait des troupes de l’Otan (Isaf) du « bourbier afghan ». Le président Hamid Karzaï, qui n’est pas autorisé par la Constitution à briguer un troisième mandat présidentiel, a confirmé la date des prochaines élections, démentant les rumeurs de report du scrutin en raison de problèmes liés à la sécurité et au retrait des troupes étrangères. Pour prouver le sérieux de la date fixée, la commission électorale a affirmé samedi qu’elle recevrait les candidatures du 16 septembre au 6 octobre 2013. Elle examinera ensuite les dossiers des candidats pour publier une liste préliminaire le 19 octobre suivant, puis une liste finale le 16 novembre.

Créant la surprise générale, le chef de la commission électorale, Fazel Ahmad Manawi, a indiqué que les talibans et d’autres groupes armés opposés au gouvernement pourraient se présenter et voter à ces prochaines présidentielles qui seront cruciales pour la stabilité du pays. Selon les experts, cette main tendue aux talibans pourrait être interprétée comme le résultat de la publication de plusieurs rapports internationaux inquiétants qui affirmaient ces derniers jours que les talibans pourraient facilement reprendre le pouvoir par les armes fin 2014. « Nous sommes prêts à ouvrir la voie aux groupes armés de l’opposition, que ce soit par exemple les talibans ou le Hezb-e-Islami, afin qu’ils participent au scrutin comme candidats et électeurs »,a déclaré M. Manawi.« Il n’y aura aucune discrimination », a-t-il ajouté. Le Hezb-e-Islami est le deuxième mouvement le plus important de l’insurrection afghane après les talibans. Dirigé par Gulbuddin Hekmatyar, un ancien chef de la résistance à l’invasion soviétique (1979-1989), ce groupe armé s’est déjà montré ouvert à des pourparlers de paix avec le gouvernement Karzaï et entretient des liens ambigus avec les talibans. Les talibans qui avaient, eux, attaqué les bureaux de scrutin lors des présidentielles de 2009 afin de décourager la participation populaire. Hamid Karzaï avait été reconduit au pouvoir au terme d’un processus électoral marqué par une faible participation et entaché par des allégations de fraude.

Crédibilité fondamentale

Se félicitant de l’arrêt d’une date pour ce scrutin tant attendu, le représentant spécial de l’Union européenne dans le pays, Vygaudas Usackas, a affirmé que ce pas montre que les « autorités afghanes prennent très au sérieux leurs engagements pris à la conférence de Kyoto ». Les bailleurs de fonds internationaux de l’Afghanistan ont promis en juillet une aide totale de 16 milliards de dollars d’ici à 2015, soumise à conditions, dont la tenue de présidentielles crédibles en 2014. La crédibilité de ces élections est fondamentale à l’approche du départ des troupes occidentales, ainsi que l’a affirmé Dominic Medley, porte-parole de l’Otan en Afghanistan. Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, selon qui ces élections représentent une « occasion historique » pour l’Afghanistan, a déclaré « accueillir favorablement les engagements pris par les autorités afghanes d’organiser des élections inclusives, transparentes et crédibles ».

Cet enthousiasme sonne cependant creux alors que la semaine a été marquée par une série d’explosions de bombes artisanales, plantées en bordure de route dans deux provinces instables du sud du pays, tuant au moins 17 civils et faisant des dizaines de blessés. C’est même l’une des semaines les plus meurtrières de l’année pour les civils en Afghanistan. Selon l’Onu, plus de 1 145 civils ont perdu la vie en raison du conflit depuis le début de l’année. Outre les civils, quatre policiers afghans ont été tués vendredi par balles par leurs collègues dans le sud du pays : un nouvel épisode de tirs sur des alliés par des individus probablement insurgés portant pourtant l’uniforme des forces afghanes.

L’intensité du défi taliban ne faiblissant pas, nul ne saurait garantir au « cimetière afghan »un avenir sûr et stable après 2014. Avec un gouvernement fragile, une insécurité chronique et des infrastructures moribondes, le pays va sans doute sombrer dans l’anarchie et les talibans pourraient aisément revenir au pouvoir juste après le retrait de l’Isaf. Un scénario repris par maints rapports internationaux et que même les Occidentaux peuvent difficilement nier. Samedi, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a reconnu que le chemin vers la construction d’un Afghanistan pacifique et stable demeure « parsemé de défis et d’embûches ». Signe de l’inquiétude européenne, le chef du gouvernement italien, Mario Monti, s’est rendu à Kaboul dimanche matin pour une visite surprise au contingent italien de l’Isaf. Le fiasco d’un Occident qui a perdu son pari face à une insurrection talibane impossible à briser ne devient jour après jour que plus indéniable.

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