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Afghanistan : Une transition décisive pour Obama

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 02 juin 2014

Diversement apprécié, le calendrier du retrait progressif des forces américaines annoncé par le président Obama laisse 9800 soldats en Afghanistan jusqu'à fin 2016. Ce à quoi les talibans promettent de faire payer le prix.

Afghanistan  : Une transition décisive pour Obama
La persistence des violences talibanes ne promet rien de bon pour le pays. (photo:AP)

A deux ans de la fin de son dernier mandat, le président américain Barack Obama a tenté cette semaine de redorer son image ternie en matière de politique internationale, à quelques jours de sa visite à Bruxelles pour la réunion du G7 les 3 et 4 juin. Déjà alourdi par son échec cuisant en Iraq, Obama est critiqué aux Etats-Unis et à l’étranger pour ce qui est perçu comme une absence de leadership international, surtout sur les dossiers ukrainien et syrien. Et il ne reste au leader américain qu’un dernier dossier à bien gérer pour laisser un beau souvenir au monde: l’Afghanistan.

Après maintes hésitations, Barack Obama a mis cette semaine un terme à la plus longue guerre des Etats-Unis, annonçant enfin sa décision sur les effectifs qui resteront en Afghanistan après le retrait des forces fin 2014: 9800 soldats resteront dans le pays jusqu’à fin 2016. Les troupes restantes seront chargées de deux missions: la poursuite d’opérations antiterroristes contre les restes d’Al-Qaëda, et l’entraînement des forces afghanes pour faire face à la menace talibane. Début 2017, les Etats-Unis n’auront plus qu’une ambassade à Kaboul, protégée par quelques centaines de soldats. Un tel calendrier permettrait à Obama de voir les derniers soldats américains rentrer à quelques jours de la fin de son second mandat. Selon des experts américains, Obama veut ainsi « tourner la page de plus d’une décennie pendant laquelle la politique étrangère a été consacrée aux guerres de l’après-11 septembre en Afghanistan et en Iraq », selon ses propos. Sous la présidence d'Obama, les Etats-Unis ont compté 100000 hommes en Afghanistan. Un tiers d’entre eux ont été rapatriés en 2012, un tiers en 2013. Les effectifs sont actuellement de 32800 hommes (auxquels s’ajoutent 17700 soldats de pays alliés).

Or, l’application de ce calendrier dépendra de la signature du traité bilatéral de sécurité (BSA) qui encadre la présence des soldats américains en Afghanistan et garantit notamment l’immunité à ces soldats. Cette dernière condition— considérée comme une violation à la souveraineté afghane— a été rejetée par le président afghan Hamid Karzai, qui a refusé de signer le traité, laissant cette responsabilité à son successeur, pour ne pas être cité par l’Histoire comme « celui qui a vendu son pays aux Américains ».

Faisant pression sur le nouveau président afghan avant même son arrivée au pouvoir, Barack Obama a affirmé: « Si le traité n’est pas signé, les troupes américaines se retireront en totalité. Il faut donner à nos soldats l’autorité pour remplir leur mission ». L’Iraq ayant refusé d’accorder l’immunité aux soldats américains, Washington en a retiré toutes ses troupes fin 2011, laissant le pays baigner dans le chaos et les violences intercommunautaires.

Pour ne pas subir le sort de Bagdad, les deux candidats à la présidentielle afghane— Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani— qui s’affronteront lors d’un second tour le 14 juin, ont confirmé leur volonté de signer l’accord juste après leur élection. Mais comment ce nouveau président affrontera-t-il seul des talibans incassables qui menaceront son pouvoir dès la première minute ? Déjà, l’Afghanistan connaît une grave vague de violences à l’approche du second tour de la présidentielle. Au moins 14 personnes ont été tuées samedi dans l’est du pays, par l’explosion d’une bombe artisanale. La veille, deux Américains ont été blessés dans une attaque contre leur véhicule à Hérat (ouest). « Si les talibans, qui ont lancé il y a deux semaines leur offensive de printemps, n’ont pas réussi à perturber le premier tour du 5 avril, ils vont redoubler d’efforts pour saboter le second », pronostiquent les experts. Une menace qui a poussé le candidat à la présidentielle, Ashraf Ghani, à affirmer qu’il va signer le BSA une semaine après son éventuelle victoire au second tour.

« Contribution significative »

En effet, ce calendrier proposé par le président Obama a été félicité par les uns et critiqué par les autres. Enthousiaste, l’Otan a salué un retrait progressif considéré comme « une contribution significative conforme aux plans de l’Alliance atlantique », alors que Karzaï a paru optimiste. « Mettre un terme à la présence militaire américaine et attribuer la responsabilité de la sécurité aux forces afghanes ont toujours été des demandes priori­taires du gouvernement et du peuple afghans », affirme le chef de l’Etat, appelant les talibans à « se saisir de cette chance historique pour que la guerre, lancée sous prétexte de la présence de soldats étrangers, puisse s’achever ». Les talibans avaient un avis différent. Plus menaçants que jamais, ils ont dénoncé le maintien de milliers de soldats américains jusqu’en 2016, promettant de faire payer aux Etats-Unis le prix de cette « occupation prolongée ». « Les Etats-Unis vio­lent la souveraineté du pays et les droits de l’homme. Nous poursui­vrons le djihad même si un soldat américain reste en Afghanistan », ont menacé les talibans. A la lumière de telles menaces, beaucoup de voix s’élèvent pour arguer que le calendrier de retrait annoncé par Obama est « arbi­traire » et n’est pas fondé sur les évolutions de la situation sur place dans ce pays déchiré par la guerre. « Si les Américains se retirent de manière irresponsable, l’Afghanis­tan deviendra comme l’Iraq », crai­gnent les experts. Dans cette même optique, le chef républicain de la commission des forces armées à la Chambre des représentants a estimé que fixer une échéance pour un retrait complet n’était pas logique. « Est-ce que le président veut repro­duire ses erreurs de l’Iraq, quand il a abandonné la région au chaos ? », dit-il. De sang froid, Obama a reconnu que « l’Afghanistan ne sera pas un endroit parfait après 2016, et ce n’est pas aux Etats-Unis de le rendre ainsi ».

A l’heure actuelle, la politique étrangère américaine « est à un tournantdécisif» après celle de l’Iraq qui est en train d’être tournée. Dans deux ans, Obama quittera la Maison Blanche après avoir mis fin à ces deux sanglants conflits qui ont marqué les Etats-Unis depuis les attentats de 2001 et qui ont coûté la vie à plus de 6800 militaires américains. Selon les analystes, l’important n’est pas de tourner la page, mais de savoir comment la tourner sans laisser autant de victimes, de chaos et d'avenir sombre aux pays délaissés .

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