Tensions régionales, incertitudes sur l’avenir du cessez-le-feu à Gaza et offensive israélienne en Cisjordanie, trêve fragile au Liban, transition délicate en Syrie, retour de Donald Trump à la Maison Blanche … Les sujets qui préoccupent sont nombreux et la région est en ébullition. Dans une conférence de presse tenue lundi 3 février au siège de l’ambassade de France au Caire, l’ambassadeur français en Egypte, S.E. M. Eric Chevallier, a abordé toutes ces questions. Ce dernier a commencé par déclarer que son pays « reconnaît parfaitement le rôle central et majeur de l’Egypte pour tenter de résoudre les grandes crises de la région. L’Egypte est un acteur incontournable dans la recherche de l’apaisement régional ».
Actualité oblige, le cessez-le-feu à Gaza, censé entrer dans sa deuxième phase, est au centre des préoccupations. « La France apprécie et soutient le travail de l’Egypte, l’un des médiateurs-clés qui ont permis un cessez-le-feu qu’on espère durable », a déclaré Eric Chevallier, qui a mis l’accent sur le rôle de l’Egypte pour réactiver l’aide humanitaire alors que la population de Gaza a beaucoup souffert et continue de souffrir.
Refus du déplacement forcé des Palestiniens
« Mais au-delà de l’humanitaire, c’est la question politique qui est posée. Sur ce sujet, nos vues sont extrêmement convergentes. Nous ne sommes absolument pas favorables à un déplacement forcé des Palestiniens. La position française est très claire, elle a été affirmée par des déclarations officielles, nous sommes très alignés sur la position de l’Egypte et de la Jordanie », a affirmé l’ambassadeur de France, qui estime qu’il est nécessaire de continuer à pousser à la solution à deux Etats, d’où l’inquiétude de Paris quant aux développements en Cisjordanie. D’où aussi l’intérêt qu’accorde la France à la question palestinienne. « C’est dans ce cadre que nous allons co-présider avec l’Arabie aux Nations-Unies une réunion internationale au mois de juin pour continuer à oeuvrer à une solution politique avec deux Etats, qui est la seule façon de trouver le chemin de la paix et de la sécurité. D’ailleurs, la réunion ministérielle arabe tenue cette semaine en Egypte a mentionné cette conférence comme étant l’une des étapes importantes sur ce chemin », a affirmé l’ambassadeur. Et d’ajouter : « Ce qui est très important, c’est qu’il y ait une position arabe la plus unie possible, une position européenne la plus unie possible et une position euro-arabe la plus unie possible. C’est ça qui peut permettre de peser dans le débat. C’est ce à quoi nos diplomaties travaillent ». Et ce, pour garantir la réussite des phases deux et trois, entamer la reconstruction de la bande de Gaza et, plus généralement, oeuvrer à la mise en place d’une solution durable. « On est conscient des difficultés, et parce que c’est difficile, il ne faut surtout pas qu’on relâche nos efforts. Mais l’effort n’a de sens que s’il est coordonné. Comme l’Egypte et de très nombreux partenaires, nous considérons que la seule voie vers la paix durable, ce sont deux Etats qui vivent en paix et en sécurité l’un à côté de l’autre ».
Soutenir une transition pacifique en Syrie
Autre sujet d’actualité, la Syrie. La France s’apprête à accueillir, le 13 février, une conférence ministérielle sur la Syrie à laquelle participera également la société civile. Une sorte de suivi des deux réunions qui ont eu lieu en Jordanie et en Arabie saoudite, alors que les efforts actuels vont dans le sens de garantir une transition pacifique en Syrie, « une transition comme souhaitée par les Syriens, par la communauté internationale, qui respecte les différentes composantes syriennes, les droits fondamentaux de tous les Syriens, qui aille vers une stabilisation et un développement du pays, mais aussi de la région », estime Chevallier. A cela s’ajoutent d’autres critères nécessaires : garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie et préserver les institutions de l’Etat. Si la France s’est réjouie de la chute de Bachar Al-Assad vu les actions de ce régime, elle est tout à fait lucide quant aux nécessités de la transition, a explicité l’ambassadeur. C’est pour cela que la France insiste aussi sur la lutte contre le terrorisme car elle « souhaite que la sécurité et la stabilité soient assurées, pour que la nouvelle Syrie joue un rôle pacifique dans la région ».
Or, les nouvelles autorités syriennes ne cessent de réclamer la levée des sanctions pour relancer l’économie et attirer les investissements, conditions nécessaires à la reconstruction économique du pays, qui va de pair avec la reconstruction politique. Chevallier a rappelé la décision européenne à cet effet qui envisage la levée de certaines sanctions et qui rappelle les principes à respecter.

Une coopération bilatérale à tous les niveaux
Les développements dans les Territoires occupés et en Syrie ne font pas oublier ceux d’un autre pays de la région : le Liban qui, lui aussi, connaît une trêve fragile avec Israël. En effet, un délai supplémentaire pour le retrait des forces israéliennes a récemment été décidé, alors que celles-ci devaient initialement, en vertu de l’accord de cessez-le-feu conclu fin novembre, quitter les lieux fin janvier. Certes, l’élection d’un président et la nomination d’un premier ministre apportent un élan d’espoir au Liban, il n’en demeure pas moins que la situation reste précaire. A ce sujet, l’ambassadeur de France, un pays très impliqué au Liban et faisant partie du mécanisme de suivi du cessez-le-feu au Liban, a déclaré : « Comme pour Gaza, il faut tout mettre en oeuvre pour que la trêve au Liban soit durable. Nous savons que cela nécessite des efforts quotidiens. Il est aussi important que les institutions libanaises — surtout maintenant qu’il y a un président élu — et que la mission des Nations-Unies, la Finul, puissent jouer pleinement leur rôle ». Là aussi, l’Egypte et la France, tous deux membres du Quintet sur le Liban (le groupe de pays mobilisés durant la période du vide présidentiel pour débloquer la crise institutionnelle libanaise), coordonnent leur action et ont des vues convergentes.
Parallèlement à ces actions communes régionales, l’Egypte et la France entretiennent de solides relations bilatérales à tous les niveaux. Eric Chevallier a rappelé que la coopération entre les deux pays est extrêmement diversifiée. « Nous avons continuellement un dialogue sur les questions stratégiques de sécurité et de défense. La France considère l’Egypte comme un véritable partenaire », a-t-il dit.
Au-delà des questions politiques, les relations économiques sont fortes avec, par exemple, plus de 200 entreprises françaises implantées en Egypte et quelque 7 milliards d’euros d’investissements. « Un forum économique et d’entreprises très important se tiendra en mai prochain, il rassemblera plus de 300 parties françaises, en plus d’autres parties régionales et internationales qui seront ici à l’initiative de la France pour discuter avec les acteurs économiques égyptiens ».
Chevallier a également rappelé les différents domaines de coopération : le développement des grands projets, comme le métro, la santé, « où d’importants projets seront bientôt annoncés » et la sécurité alimentaire. Sans oublier la coopération en matière d’éducation et d’enseignement supérieur. « Dans ce contexte, nous allons organiser pour la première fois des assises universitaires et de recherches franco-égyptiennes ici au Caire, avant l’été. 50 nouveaux projets sont en discussion et qui, on l’espère, pourraient, du moins en partie, être concrétisés lors de ces assises. Nous avons aussi convenu d’augmenter le nombre de bourses, notamment doctorales et postdoctorales. Il existe aussi un programme pour développer le nombre d’écoles francophones ». Il y a également le sport. « A la demande du ministère égyptien de la Jeunesse et du Sport, une équipe qui a participé à l’organisation des Jeux olympiques de l’été dernier en France va venir ici pour partager son expérience parce qu’on sait que l’Egypte a des ambitions d’organiser de grands événements sportifs à l’avenir ».
Autre volet de la coopération entre Le Caire et Paris, et pas des moindres, la culture. L’égyptologie, bien sûr, avec la présence de nombreuses missions archéologiques françaises en Egypte à travers les années. « La France est un partenaire qui contribue au projet de développement du Grand Musée Egyptien, le GEM », qui sera inauguré en juillet prochain. Mais il y a aussi la culture contemporaine avec les multiples événements organisés par l’Institut français, comme le rappelle l’ambassadeur.
Tout cela est résumé en une phrase : « Je suis en poste depuis un an et je découvre chaque jour que s’il y a une passion française pour l’Egypte, il y a aussi une passion égyptienne pour la France ».
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