La Corée du Nord fait à nouveau parler d’elle. Pyongyang entend renforcer son arsenal nucléaire. Lors de sa visite en Russie jeudi 31 octobre, Choe Son-hui, ministre nord-coréenne des Affaires étrangères, l’a assuré à son homologue russe, Sergueï Lavrov : le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a « clairement indiqué que la situation actuelle (...) nous oblige plus que jamais à renforcer nos armes nucléaires stratégiques offensives modernes, ainsi qu’à améliorer notre capacité de riposte nucléaire ».
L’annonce préoccupe au plus haut niveau l’Occident qui, non seulement s’inquiète depuis des années déjà du programme nucléaire de Pyongyang et de ses missiles balistiques, mais aussi voit d’un très mauvais oeil le rapprochement entre la Corée du Nord et la Russie.
Mais face à un Occident crispé, Pyongyang semble entreprendre des pas rapides. Parallèlement à l’annonce sur le renforcement de l’arsenal nucléaire, l’armée nord-coréenne a confirmé le même jour le tir de l’un de ses plus puissants missiles. Le projectile nord-coréen aurait parcouru 5 500 kilomètres avant de venir s’écraser en pleine mer du Japon. Le missile testé est connu pour être particulièrement puissant et est spécifiquement conçu pour porter des charges nucléaires.
Fébrilité dans la péninsule coréenne
Un tir « fermement » condamné par la Maison Blanche qui a dénoncé une « violation flagrante » des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, tout comme le chef des Nations-Unies, Antonio Guterres. Mais ce sont les voisins de la Corée du Nord qui s’inquiètent le plus. « Nous demandons instamment à la Corée du Nord de cesser immédiatement sa série d’actions provocatrices et déstabilisatrices qui menacent la paix et la sécurité dans la péninsule coréenne et au-delà », ont déclaré le secrétaire d’Etat américain et ses homologues japonais et sud-coréen, à la suite d’un appel téléphonique. Le ministre japonais de la Défense, le général Nakatani, a estimé que le missile était sans doute nouveau, puisque sa durée de vol et son altitude maximale dépassaient les données correspondantes des précédents tests de missiles nord-coréens. Quant à l’agence de renseignement militaire sud-coréenne, elle a prévenu que son voisin du nord avait probablement terminé les préparatifs de son septième essai nucléaire.
Une alliance russo-nord-coréenne qui inquiète
Cette nette accélération en la matière, Pyongyang la justifie en accusant Washington et Séoul de travailler au développement d’une nouvelle alliance suscitant une tension au sein de la péninsule coréenne. Elle intervient surtout alors que la Corée du Sud, les Etats-Unis et d’autres pays ont récemment accusé la Corée du Nord d’avoir envoyé des troupes pour soutenir la Russie dans la guerre en Ukraine. Selon Séoul et Washington, Pyongyang a déjà expédié de l’artillerie, des missiles et d’autres armes conventionnelles à la Russie. Qui plus est, certaines voix estiment que la Corée du Nord pourrait, en échange de son soutien militaire à l’armée russe en Ukraine, récupérer des technologies russes qui lui permettront de perfectionner ses missiles à capacité nucléaire, voire d’accéder à l’arme nucléaire.
Quoi qu’il en soit, le rapprochement entre Pyongyang et Moscou se fait de plus en plus évident. Pyongyang restera aux côtés de la Russie jusqu’à sa « victoire » en Ukraine, a assuré vendredi Choe Son-hui, cheffe de la diplomatie nord-coréenne, depuis Moscou, lors d’une rencontre avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. Ce dernier a, lui, salué la coopération militaire et des services de sécurité des deux pays. Et selon la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, les deux pays ont conclu un « traité sur le partenariat stratégique global » qui prévoit notamment « une aide militaire immédiate » en cas d’agression armée de pays tiers. Une alliance affichée ouvertement qui s’inscrit dans la volonté des deux pays d’établir un nouvel ordre mondial. Sans pour autant confirmer la présence de troupes nord-coréennes aux côtés de l’armée russe.
Séoul a pourtant d’ores et déjà affirmé que Pyongyang a fourni plus de « 1 000 missiles » à la Russie, alors que Blinken a estimé qu’entre 8 000 et 10 000 soldats nord-coréens auraient été envoyés en Russie et seraient « déployés dans la région de Koursk », frontalière de l’Ukraine.
Crainte d’un élargissement du conflit en Ukraine
Or, les risques d’une implication de la Corée du Nord ne sont pas des moindres. Dans ce contexte, la Corée du Sud, importante exportatrice d’armes, a fait savoir qu’elle étudiait la possibilité d’envoyer de l’armement directement à l’Ukraine « en fonction de l’évolution de la coopération militaire entre la République populaire démocratique de Corée et la Russie », a rapporté le journal The Korea Times.
C’est donc l’ombre d’une escalade qui plane. L’Ukraine, déjà en recul, craint de se retrouver dans une position encore plus délicate. D’où le nouvel appel du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lancé à ses partenaires occidentaux pour intensifier leur soutien militaire. Certes, Washington a annoncé une nouvelle aide de 425 millions de dollars à l’Ukraine, incluant de l’équipement de défense antiaérienne, des munitions pour l’artillerie, des véhicules blindés et des armes antichar, comme l’a détaillé le ministère américain de la Défense dans un communiqué, mais Kiev veut encore plus, notamment la levée des restrictions occidentales sur l’emploi de missiles à longue portée pour frapper des cibles militaires sur le sol russe. Indiquant que seulement 10 % de l’aide militaire approuvée par le Congrès américain en avril 2024 aurait jusqu’à présent été envoyée à l’Ukraine, Zelensky a exprimé son mécontentement envers ses alliés, les accusant de rester passifs face à la mobilisation présumée de soldats nord-coréens en Russie. Selon lui, l’Ukraine devrait pouvoir utiliser des armes à longue portée pour frapper « préventivement » les positions où la Russie « rassemble les soldats nord-coréens » sur son territoire.
Or, côté américain, rien de plus ne peut être fait avant l’arrivée du nouveau président à la Maison Blanche. Et c’est là une autre source d’inquiétude pour l’Ukraine, qui craint une baisse du soutien américain si Trump arrive au pouvoir.
Mais l’appel de Kiev comprend un autre risque, celui de voir le conflit s’élargir. La Russie et les Etats-Unis sont « au bord d’un conflit militaire direct », a mis en garde le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a dénoncé, dans un entretien publié vendredi 1er novembre par le quotidien turc Hürriyet, la « spirale de la russophobie » américaine.
Pékin en équilibriste
Dans cette cacophonie, un autre acteur est important : la Chine. Le renfort présumé apporté par les troupes nord-coréennes à l’armée russe et les tergiversations des pays alliés à Kiev quant à la réponse à y apporter mettent la Chine dans une position délicate. Si Volodymyr Zelensky a fustigé la réaction « nulle » des pays occidentaux face au déploiement présumé de soldats nord-coréens, il s’est également dit « surpris du silence de la Chine » sur ce sujet. Cependant, Pékin a affirmé ne pas être au courant de la démarche nord-coréenne, expliquant que le rapprochement entre Pyongyang et Moscou ne la concernait pas.
La Chine et la Corée du Nord ont pourtant récemment célébré leurs 75 ans de relations diplomatiques en réaffirmant des liens décrits comme étant aussi étroits que « les deux doigts de la main ». Une alliance avec Pyongyang, mais aussi avec Moscou. Or, si la Chine reste un allié stratégique à la Russie, elle prône la neutralité et un règlement pacifique du conflit en Ukraine pour éviter d’être perçue comme directement impliquée. Aussi Pékin ne compte en aucun cas franchir la ligne d’un engagement militaire direct.
En équilibriste, la Chine tente de profiter de ses alliances tout en préservant ses relations économiques avec les Etats-Unis et l’Europe, et en affichant une position en faveur de la sécurité mondiale sans isoler Moscou. La semaine dernière, lors du sommet des BRICS+, le président chinois, Xi Jinping, a déclaré à son homologue russe, Vladimir Poutine, que le partenariat stratégique entre Pékin et Moscou était une force de stabilité, alors que « la situation internationale est en plein chaos » et que « le monde traverse des changements inédits en une centaine d’années ».
Mais alors que les deux puissances avaient promis en mai dernier d’ouvrir une « nouvelle ère » de leur partenariat stratégique pour le renforcer face à ce qu’elles ont décrit comme l’« agressivité » des Etats-Unis, Washington continue de voir la Chine comme son principal rival et la Russie comme la principale menace.
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