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Crise ukrainienne : Moscou contre vents et marées

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 14 avril 2014

Alors qu’une réunion internationale est prévue le 17 avril pour tenter de trouver une issue à la crise ukrainienne, Moscou et les Occidentaux campent toujours sur leurs positions.

Crise ukrainienne : Moscou contre vents et marées
Des manifestations pro-russes secouent toujours avec force l'Est ukrainien. (Photo:Reuters)

Une percée diplomatique est-elle possible lors de la réunion quadripartite qui se tiendra le 17 avril à Genève entre l’Ukraine, la Russie, les Etats-Unis et l’Union européenne, afin de trouver une solution à la crise ukrainienne qui oppose Moscou à l’Occident ? « Nous n’avons pas d’attentes fortes pour ces pourparlers, mais nous pensons qu’il est très important de laisser ouverte cette porte diplomatique », a déclaré la secrétaire d’Etat adjointe pour l’Europe, Victoria Nuland. En fait, ce pessimisme est alimenté par la féroce guerre des mots qui s’est enflammée cette semaine entre l’Occident et Moscou décidé à ne pas lâcher le « gâteau » ukrainien.

Malgré les menaces et les sanctions, la Russie continue d’alimenter les tentations séparatistes dans l’est russophone dans l’espoir de créer de « nouvelles Crimées ». Une semaine après une première série d’attaques à l’issue desquelles les séparatistes pro-russes avaient détenu les principaux bâtiments publics dans les villes de l’Est — comme Donetsk, Lougansk et Slaviansk — les séparatistes ont lancé samedi un nouveau défi au gouvernement de Kiev confronté au spectre d’un éclatement du pays. Soutenus par Moscou, les activistes pro-russes ont lancé une série d’offensives contre des objectifs symboliques dans l’est pour réclamer le rattachement à la Russie ou au minimum un référendum sur plus d’autonomie. « Pas de négociations, rien que l’indépendance », clamaient les séparatistes. Rejetant « l’agression russe » contre ses territoires, le gouvernement ukrainien a lancé dimanche une opération « antiterroriste » dans l’est. L’opération a commencé à Slaviansk, où des séparatistes ont pris des bâtiments de la police faisant des morts et des blessés des deux côtés, selon Kiev qui accuse toujours Moscou de vouloir « démembrer » le pays ou au moins torpiller la présidentielle prévue le 25 mai, surtout que les favoris de ce scrutin sont des pro-européens, décidés à arrimer à l’ouest une Ukraine frontalière de plusieurs pays de l’UE.

En effet, toutes ces évolutions alarmantes sont intervenues malgré la visite du premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, dans l’est pour trouver une issue à la crise. Tendant sa main aux séparatistes, M. Iatseniouk a offert une amnistie à ceux qui déposeraient les armes et a promis « d’équilibrer les pouvoirs entre le pouvoir central et les régions ». Une amnistie qui ne plaît toujours pas aux plus radicaux parmi les pro-russes qui exigent une « fédéralisation » du pays. Selon les autorités ukrainiennes, ces troubles font craindre une intervention russe, Moscou ayant massé jusqu’à 40 000 hommes à la frontière et le président Vladimir Poutine s’étant engagé de longue date à protéger « à tout prix » les populations russes de l’ex-URSS.

Prenant ces troubles comme prétexte à son intervention, Poutine n’a pas tardé à mettre en garde le pouvoir de Kiev contre tout acte « irréparable », jugeant inadmissible tout recours à la force contre les séparatistes. Selon les observateurs, Poutine cherche tout simplement à entretenir le chaos dans les régions russophones de l’Ukraine pour discréditer les autorités pro-européennes de Kiev et asseoir son influence, mais il ne va probablement pas recourir à une invasion militaire. « Le scénario de la Crimée ne devrait pas se répéter en raison des risques de nouvelles sanctions brandies par les Etats-Unis et l’Union européenne contre Moscou, et du manque de soutien parmi la population », affirment les experts.

Le gaz : une arme à double tranchant

Outre la pression militaire, Moscou cherche à faire payer à Kiev ses penchants pro-européens, en lui coupant le robinet du gaz. Samedi, Vladimir Poutine a mis en demeure les Européens d’assurer le paiement des milliards de dollars de dette de l’Ukraine, faute de quoi leur approvisionnement en gaz serait menacé comme en 2009. Les achats de gaz à la Russie couvrent 25 % des besoins des pays européens qui ont refusé samedi la politisation de l’énergie. « L’Union européenne attend de ses fournisseurs le respect de leurs engagements. L’UE est un bon client. Elle achète 70 % des exportations russes d’énergie qui contribuent pour près de 50 % des recettes du budget fédéral russe », a rappelé la porte-parole de l’exécutif bruxellois, Pia Ahrenkilde-Hansen.

Selon les experts économiques, le gaz russe est un jeu risqué. Cette arme a perdu de son efficacité, car contrairement à 2006 et 2009, la crise intervient en fin d’hiver et les répercussions seraient limitées. Bien plus, l’Union européenne s’est vite mobilisée pour réduire sa dépendance au gaz russe, en s’alimentant en gaz naturel liquéfié en Norvège et en Algérie. De quoi expliquer la temporisation de la Russie qui a fait une volte-face samedi, affirmant sa disposition à remplir ses obligations en termes de livraisons de gaz vers les pays européens, sans pouvoir garantir le transit par le territoire ukrainien. « La Russie temporise car l’arme gazière risque de lui coûter une partie du marché européen et d’affaiblir sa position dans les négociations en cours pour accéder au marché chinois », expliquent les analystes.

De toute façon, Moscou doit s’attendre à des sanctions beaucoup plus lourdes les jours à venir. Déjà, le président américain Barack Obama a prévenu qu’une escalade de la situation en Ukraine conduirait à de « nouvelles sanctions américaines et européennes beaucoup plus dures contre Moscou ». Le président américain a évoqué la situation inquiétante dans l’est de l’Ukraine, tout en annonçant des sanctions à l’encontre de six responsables de Crimée, un ancien responsable ukrainien ainsi qu’un groupe gazier, soupçonnés de menacer la paix en Ukraine. Pour conforter le soutien américain à Kiev, le vice-président américain, Joe Biden, a décidé de se rendre en Ukraine le 22 avril, alors que Paris a préconisé dimanche dernier de nouvelles sanctions contre Moscou en cas d’escalade. Il semble que Poutine soit décidé à ne pas céder face à l’Occident, quelles que soient les pertes .

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