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Moscou maintient la pression sur Kiev

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 07 avril 2014

La Russie joue désormais sur deux cartes de poids : stimulation des tentations séparatistes en Ukraine et menace d’une guerre de gaz. Objectif : faire plier Kiev et montrer ses griffes aux Européens.

Ukranie
Photo: Reuters

Foulant aux pieds les menaces occidentales, la Russie a envenimé cette semaine la pire crise Est-Ouest depuis la fin de la Guerre froide, en continuant d’alimenter les tentations séparatistes dans les régions ukrainiennes pro-russes. Dimanche, la tension était montée brusquement dans l’est russophone où des manifestants pro-russes ont attaqué et pris le contrôle des bâtiments officiels dans les grandes villes de Kharkiv, Lougansk et Donetsk. De quoi rendre de plus en plus probable la répétition du scénario de la Crimée qui a été volée à l’Ukraine il y a trois semaines. Inquiet, le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a accusé lundi Moscou de mettre en oeuvre un « plan pour démembrer l’Ukraine, pour qu’une armée étrangère passe les frontières et envahisse le territoire ukrainien ».

Ne se cantonnant pas dans l’arme militaire qui déchire l’Ukraine, Moscou a passé cette semaine à l’arme économique. Cette arme n’est autre que celle du gaz russe indispensable à l’Ukraine et à l’Europe. Afin de faire pression sur Kiev pour punir ses penchants européens et son refus de toute fédéralisation, la Russie a annulé le dernier rabais octroyé à l’Ukraine sur les livraisons de gaz russe, faisant passer le prix des 1 000 m3 à 485 dollars, ce qui représente l’un des prix les plus élevés appliqués aux pays européens. Accentuant la pression, le président de la compagnie gazière russe Gazprom, Alexeï Miller, a affirmé que l’Ukraine devrait rembourser les 11,4 milliards de dollars correspondant à la réduction sur le prix du gaz qui lui avait été accordée ces 4 dernières années en échange du maintien de la flotte russe en Crimée. Moscou a déjà coupé le robinet de l’Ukraine lors de conflits bilatéraux en 2005 et 2009, et par là même le flux d’exportation vers l’Europe. De quoi relancer le spectre d’une « guerre de gaz » qui affecterait toute l’Europe. « La Russie a échoué à s’emparer de l’Ukraine par l’agression armée. Elle lance maintenant le plan pour s’emparer de l’Ukraine par l’agression gazière et économique », a tonné le premier ministre ukrainien. En fait, cette sanction russe n’inquiète pas seulement Kiev, mais plutôt l’Europe. Gazprom, ce géant gazier russe souvent accusé d’être un bras armé du Kremlin, fournit le tiers des approvisionnements de l’UE qui affirme son intention de réduire cette dépendance. Et près de 40 % de ce gaz transite via l’Ukraine. Selon les experts économiques, cette sanction russe va entraîner de lourdes séquelles pour l’Europe, et surtout Kiev, qui succomberait dans l’abîme d’une forte récession, surtout qu’elle est au bord de l’asphyxie financière.

Face à cette escalade russe, l’Occident a paru cette semaine plus menaçant que jamais. Furieux, l’UE et les Etats-Unis ont dénoncé cette utilisation de l’énergie comme « arme politique ou instrument d’agression ». « Ce que fait Moscou souligne la nécessité d’assurer la sécurité énergétique, pas seulement de l’Ukraine, mais aussi de l’Europe », affirme le secrétaire d’Etat américain, John Kerry.

Lors de leur réunion à Athènes samedi, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont menacé Moscou de sanctions économiques, tout en assurant Kiev de leur soutien. « Si la main était de nouveau portée sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine, nous devrions procéder à des sanctions économiques », a averti la chancelière allemande, Angela Merkel, tout en plaidant pour la poursuite du dialogue. Plus menaçante, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a de nouveau appelé Moscou à « la désescalade », évoquant de possibles « sanctions économiques si la crise s’aggrave ». « La Russie a intérêt à ce que l’Ukraine ne s’effondre pas sur les plans économique comme politique. L’augmentation à 80 % du prix d’achat du gaz russe mènera à l’effondrement économique de l’Ukraine », a averti, pour sa part, le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier.

Accentuant la pression sur Moscou, l’Otan a suspendu sa coopération civile et militaire avec la Russie, en riposte à son intervention en Ukraine, tout en maintenant le dialogue politique avec Moscou, en vue de favoriser une solution à la crise. Pour le moment, les pays de l’Otan préfèrent s’en tenir aux mesures prises ces dernières semaines, à savoir le déploiement temporaire d’avions-radars Awacs de l’Otan, et d’appareils F-15 et F-16 des Etats-Unis en Lituanie et en Pologne. « Ces moyens sont suffisants à l’heure actuelle », selon les responsables militaires de l’Alliance. Parallèlement, le Parlement ukrainien a décidé l’organisation cette année de manoeuvres communes avec l’Otan sur le territoire ukrainien et la mer Noire, qui devraient susciter de vives réactions à Moscou. Selon les experts militaires, l’armée ukrainienne ne serait pas en mesure de repousser « une nouvelle attaque russe ». Si l’Occident et Moscou ne contiennent pas vite leur bras de fer, l’Ukraine en paiera un prix assez cher .

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