A quatre mois des présidentielles prévues en août, les Turcs (52,7 millions) étaient appelés aux urnes dimanche pour un scrutin municipal qui a pris l’allure de « référendum » pour le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, qui règne depuis douze ans sans partage. Malgré les critiques sur sa dérive autoritaire et de graves accusations de corruption qui éclaboussent son pouvoir depuis trois mois, le « Sultan » — comme se moquent ses rivaux — a déclenché une surprise lundi en balayant, dans les urnes, ses adversaires et les accusations de corruption, prenant nettement la tête du vote.
Selon les chiffres définitifs, l’AKP a recueilli 45,5 % des suffrages largement devant son principal rival de l’opposition (CHP, centre-gauche) qui a remporté 27,9 % des voix. Les résultats étaient beaucoup plus serrés à Istanbul et Ankara, les deux premières métropoles de Turquie. A Ankara, l’AKP a remporté 44,7 % contre 43,8 % pour le CHP, les deux partis célébrant leur victoire dans une atmosphère alimentée de fraudes et de craintes. L’ampleur du score de l’AKP dans ces deux plus grandes villes du pays va déterminer la stratégie à venir de M. Erdogan, dont le troisième et dernier mandat de premier ministre s’achève en 2015.
Selon les experts, ce résultat a prouvé que M. Erdogan reste le personnage le plus charismatique et le plus populaire du pays depuis Mustafa Kemal Atatürk, le « père » de la Turquie moderne, avec pour principal crédit une décennie de succès économiques et de stabilité politique. De quoi paver la voie au « Sultan » pour briguer en août la présidence de la République disputée pour la première fois au suffrage universel direct.
Montrant les dents juste après sa victoire, l’homme fort du pays a repris sa rhétorique agressive de campagne pour s’en prendre fort à l’opposition et surtout aux « traîtres » de l’organisation de l’Imam Fethullah Gülen, qu’il accuse de comploter contre son régime. « Le peuple a aujourd’hui déjoué les plans sournois et les pièges immoraux de ceux qui ont attaqué la Turquie. Il n’y aura pas d’Etat dans l’Etat, l’heure est venue de les éliminer », a-t-il paradé devant des milliers de partisans à Ankara. De l’avis des analystes, la victoire d’Erdogan ne devrait toutefois pas signer la fin de la crise politique en Turquie, au contraire, la tension devrait encore croître d’ici à la présidentielle d’août. Et l’avenir de l’homme fort de la Turquie semble toujours entre parenthèses, surtout qu’il est fort malmené par une cascade de fuites sur Internet qui l’ont poussé à bloquer les réseaux sociaux Twitter et Youtube la semaine dernière. Ce qui lui a valu une avalanche de critiques, notamment de l’étranger mais n’a eu aucune influence sur sa popularité à l’intérieur. La seule rançon que pourrait payer Erdogan c’est de perdre son rêve d’adhérer au club européen à cause de ses dérives autoritaires. Coûte que coûte, Erdogan sèmera à tout vent pour briguer la présidentielle d’août.
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