Al-Ahram Hebdo : Nous sommes à un mois de la présidentielle américaine, et les sondages font état de l’avancée de la candidate démocrate Kamala Harris. Est-ce déjà joué ?
Dr Hanan Abou Skeen : Non bien sûr. Les sondages ne sont pas toujours exacts. En 2016, tous les sondages prédisaient la victoire de Hillary Clinton contre Donald Trump ; c’est Trump qui avait gagné. Et ce n’est pas la seule fois où les sondages se sont avérés faux. D’autant plus qu’il y a beaucoup d’indécis et ces fameux « Swing States » qui peuvent changer la donne à la dernière minute.
— On a l’impression que la campagne se limite à la critique de l’autre candidat. Pourquoi ?
— Pas totalement. Trump veut se présenter comme le candidat des jeunes et des marginalisés. Il tente de leur parler avec leur propre langue. Par exemple, dans sa campagne, il y a des jeux en ligne comme « The Political Machine », un jeu de simulation de campagne dans lequel on incarne les vrais candidats.
Mais il est vrai qu’il est beaucoup question de la mauvaise performance du président actuel, Joe Biden, dans les débats avec Trump.
Au contraire, Harris maintient une campagne plutôt classique, gardant son calme et son prestige. Elle parle des minorités, de leur droit, de l’avortement, du chômage, etc. Les questions internes qui intéressent les électeurs.
— Mais outre les questions internes, les questions de politique étrangère influencent-elles le choix des électeurs, notamment avec la guerre à Gaza et au Liban, le soutien à Israël, ou encore la guerre en Ukraine ?
— En réalité, seuls les électeurs d’origine arabe s’intéressent à ce genre de sujets. Même si plusieurs universités ont été secouées par des manifestations à cause de la guerre de Gaza, son influence reste limitée. La question palestinienne n’a pas d’influence efficace dans l’élection présidentielle américaine. En fait, la politique étrangère n’influence qu’indirectement les élections américaines. Les Américains s’intéressent à des questions internes comme les impôts, le chômage, l’immigration, etc. Dans ce sens, c’est le financement de ces guerres qui peut influencer les électeurs.
Et puis, il y a des constantes, comme le soutien à Israël, qu’il soit politique, financier ou militaire. Le lobby juif est très influent aux Etats-Unis. C’est pourquoi les deux candidats se précipitent pour soutenir les décisions d’Israël et son fameux droit à se défendre. Qu’il soit démocrate ou républicain, tout président américain est un soutien indéfectible à Israël. Même si Donald Trump l’affiche plus ouvertement, Kamala Harris elle aussi est tout à fait aux côtés d’Israël. Comme Trump, Harris dit soutenir la solution à deux Etats, mais sans avoir un plan clair pour régler la question palestinienne ou pour ramener Israël à la table des négociations. Aussi, elle est tout à fait pour les aides militaires et financières accordées à Israël. Trump, lui, affirme ouvertement son soutien à l’attaque, par Israël, de sites nucléaires iraniens.
Tout cela profite à Netanyahu, cette période électorale constitue pour lui le moment idéal pour étendre sa guerre, comme il le fait maintenant au Liban et comme il risque de le faire contre l’Iran.
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