Les Etats-Unis cherchent-ils une amélioration des relations avec leur rival chinois ou juste une accalmie ? Une interrogation suscitée à la suite de la visite en Chine du conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, du 27 au 29 août. Cette visite, la première d’un conseiller à la sécurité nationale américaine en Chine depuis 2016, intervient sur fond de tensions entre Pékin et des alliés-clés de Washington en Asie (le Japon, les Philippines et Taïwan) que les Etats-Unis se sont engagés à soutenir. Sullivan s’est entretenu avec le président chinois et le ministre des Affaires étrangères, ainsi qu’avec un haut responsable de l’armée. Et lui et ses interlocuteurs ont affiché leur désir de ne pas transformer leur rivalité en conflit militaire.
Le timing de cette visite est aussi important, puisqu’elle a eu lieu à deux mois de la présidentielle américaine, prévue le 5 novembre. Selon des analystes, elle a une portée symbolique : le président américain, Joe Biden, et son Parti démocrate veulent envoyer le message selon lequel ils sont ouverts à maintenir un dialogue avec la Chine malgré leurs différends. « Washington a besoin de calmer le jeu à la veille des élections », explique Ihab Omar, analyste, rappelant qu’il ne s’agit pas de la première tentative américaine d’apaiser les tensions avec Pékin. En novembre 2022, Joe Biden et son homologue chinois, Xi Jinping, s’étaient rencontrés en Indonésie, à l’occasion du Sommet du G20.
De son côté, la Chine cherche elle aussi à ne pas aggraver la situation avec son rival américain tout en gardant sa position ferme envers certaines questions qu’elle considère comme des lignes rouges. « Nous espérons que les Etats-Unis travailleront avec la Chine pour se retrouver à mi-chemin », a indiqué Xi Jinping lors de sa réunion avec Sullivan, tout en assurant qu’en dépit d’« importants changements », l’engagement en faveur d’un développement « stable, sain et durable des relations entre la Chine et les Etats-Unis » n’avait pas changé. Dans ce cadre, les deux pays ont, selon la Maison Blanche, commencé à préparer un possible échange téléphonique entre les deux présidents. « Le président Biden a hâte d’engager une nouvelle fois le dialogue avec vous dans les prochaines semaines », a ainsi indiqué Jake Sullivan à Xi Jinping.
Fermeté de part et d’autre
Cependant, si les deux parties cherchent un certain apaisement, leurs positions restent fermes à l’égard d’un certain nombre de questions. Lors d’un rare tête-à-tête sur l’île autonome de Taïwan, le vice-président de la Commission militaire centrale chinoise, le général Zhang Youxia, a prévenu l’émissaire américain que le statut de l’île constituait « la première ligne rouge ne pouvant être franchie », tout en mettant en garde concernant le fait que l’indépendance de Taïwan est « incompatible avec la paix et la stabilité recherchées ». La Chine, qui considère Taïwan comme faisant partie intégrante de son territoire, accuse régulièrement les Etats-Unis, principal fournisseur d’armes de l’île, de soutenir tacitement le courant indépendantiste. Et Pékin a mainte fois averti Washington de ne pas « jouer avec le feu » en poussant plus loin le bouchon sur cette affaire, tout en prévenant qu’elle se « battrait jusqu’au bout » pour empêcher l’indépendance de l’île. Pékin n’écarte d’ailleurs pas l’option militaire pour faire revenir Taïwan un jour dans son giron.
Outre Taïwan, le désaccord sur la mer de Chine méridionale est un autre sujet de désaccord à nouveau révélé lors de la rencontre de l’émissaire américain avec le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi. Pékin a mis Washington en garde contre tout soutien aux Philippines en mer de Chine méridionale, alors que les Etats-Unis ont précisément répété leur engagement à défendre leurs alliés dans la région. « Les Etats-Unis ne doivent pas utiliser les traités bilatéraux comme un prétexte pour saper la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine », avait ainsi averti le chef de la diplomatie chinoise. Sullivan, de son côté, a insisté sur l’importance de la « liberté de navigation » en mer de Chine méridionale, théâtre d’incidents continuels entre Pékin et Manille.
Bref, les désaccords persistent sur des questions importantes, mais ni Pékin ni Washington n’entendent aller plus loin dans leur rivalité.
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