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Un avis « historique »

Maha Salem , Mercredi, 24 juillet 2024

La Cour Internationale de Justice (CIJ) a jugé illégale l’occupation par Israël des territoires palestiniens et a demandé qu’elle devait cesser le plus rapidement possible.

Un avis « historique »
(Photo : AFP)

La plus haute juridiction de l’ONU, la Cour Internationale de Justice (CIJ), a jugé, vendredi 19 juillet, que l’occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967 était « illégale » et qu’elle devait cesser « le plus rapidement possible » et « l’Etat d’Israël est dans l’obligation de réparer les dommages causés à toutes les personnes morales et physiques concernées, de cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation et d’évacuer tous les colons du territoire palestinien occupé ».

C’est vrai que l’avis rendu par la CIJ, qui siège à La Haye, est consultatif et n’est pas contraignant mais il pourrait accroître la pression juridique internationale sur Israël pour arrêter son agression sur les territoires palestiniens, surtout pour arrêter la guerre contre la bande de Gaza. Une cinquantaine d’Etats ont témoigné dans cette affaire sans précédent. La plupart des intervenants ont appelé, au cours d’audiences en février, à ce qu’Israël mette fin à l’occupation qui a suivi la guerre de 1967 et certains ont averti qu’une occupation prolongée faisait courir un « danger extrême » à la stabilité au Moyen-Orient et au-delà.

Le 31 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations-Unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ un « avis consultatif » sur les « conséquences juridiques découlant des politiques et des pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem-Est ». Cela concerne « l’occupation prolongée » de territoires palestiniens depuis 1967. L’Autorité palestinienne a jugé « historique » l’avis de la CIJ qu’elle a considéré comme « une victoire », demandant à Israël de « mettre fin à l’occupation » et aux « colonies ». La ministre déléguée aux Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Varsen Aghabekian Chahine, a estimé que « c’est un grand jour pour la Palestine. C’est la plus haute juridiction de l’ONU qui a présenté une analyse très détaillée de ce qui se passe à travers l’occupation et la colonisation prolongées par Israël du territoire palestinien, en violation du droit international ». Partageant le même avis, le Hamas a « salué » l’avis de la CIJ qui place, selon lui, la communauté internationale « face à l’impératif d’agir immédiatement pour mettre fin à l’occupation ».

« La communauté arabe et surtout l’Autorité palestinienne doivent profiter de cet avis pour entamer un procès à l’Assemblée générale de l’ONU, pour faire pression sur la conscience mondiale afin d’aboutir à un règlement à la question palestinienne. Cet avis a été décidé après une étude faite par une équipe professionnelle dépendant de la CIJ depuis décembre 2022. En plus des documents, des informations et des événements enregistrés, cette équipe s’est déplacée dans les territoires palestiniens pour témoigner de tous les actes afin que leur jugement soit objectif », explique Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.

En revanche, l’avis de la CIJ a causé la colère des Israéliens, leur premier ministre l’a rejeté, le jugeant comme une « décision mensongère » : « Les juifs ne sont pas des occupants sur leur propre terre. Aucune décision mensongère à La Haye ne peut déformer la vérité historique et la légalité des colonies israéliennes ne peut pas être contestée ». Netanyahu, à la tête d’un gouvernement composé de plusieurs ministres d’extrême droite, colons et partisans de l’annexion pure et simple de la Cisjordanie, a également jugé l’avis de la CIJ comme « absurde » selon un document officiel transmis par son bureau.

« Ces déclarations israéliennes sont des mensonges et déforment la vérité. Le premier ministre israélien et son gouvernement doivent être jugés à cause de leurs déclarations graves et critiques. Les Israéliens savent qu’ils sont des occupants », explique Tarek Fahmy, ajoutant qu’une voix discordante en Israël, l’ONG anticolonisation B’Tselem, a jugé qu’avec l’avis de la CIJ, la communauté internationale n’avait « plus aucun prétexte » pour s’affranchir de « son devoir de protéger les Palestiniens » et devait désormais « utiliser tous les outils — pénaux, diplomatiques et économiques — (dont elle dispose) pour forcer les dirigeants israéliens à mettre un terme à l’occupation ».

L’avis de la CIJ est basé sur le fait que pendant la guerre israélo-arabe de juin 1967, Israël s’est emparé de la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) alors annexée par la Jordanie, de la bande de Gaza alors sous administration égyptienne, ainsi que du Sinaï égyptien et de la majeure partie du plateau du Golan syrien. Israël a ensuite commencé à occuper les 70 000 kilomètres carrés de territoires arabes saisis, une occupation plus tard qualifiée d’illégale par les Nations-Unies.

Réactions internationales divergentes

En réaction à l’avis de la CIJ, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a indiqué qu’il transmettrait dans les plus brefs délais l’avis consultatif à l’Assemblée générale des Nations-Unies. « Il appartient à l’Assemblée générale de décider de la manière de procéder dans cette affaire », a précisé son porte-parole. « Le secrétaire général réitère que les parties doivent se réengager sur la voie politique, longtemps retardée, visant à mettre fin à l’occupation et à résoudre le conflit conformément au droit international, aux résolutions pertinentes de l’ONU et aux accords bilatéraux. La seule voie viable est la vision de deux Etats — Israël et un Etat palestinien pleinement indépendant, démocratique, contigu, viable et souverain — vivant côte à côte dans la paix et la sécurité au sein de frontières sûres et reconnues, sur la base des lignes d’avant 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux Etats », a souligné son porte-parole, tout en ajoutant que le secrétaire général réitère son appel urgent à un cessez-le-feu humanitaire et à la libération inconditionnelle de tous les otages détenus à Gaza.

Comme d’habitude, Washington a pris la défense de son allié, affirmant qu’Israël ne devrait pas être légalement obligé de se retirer sans prendre en compte ses « besoins très réels en matière de sécurité ». Par contre, l’Union Européenne (UE) a jugé que cet avis est « largement cohérent » avec les positions de l’UE, a estimé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. « Dans un monde de violations constantes et croissantes du droit international, il est de notre devoir moral de réaffirmer notre engagement indéfectible envers toutes les décisions de la CIJ de manière cohérente, quel que soit le sujet en question », a ajouté le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères.

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