Cela ne s’était pas passé depuis longtemps : un appel entre les ministres de la Défense russe et américain. C’est Moscou qui l’a annoncé, vendredi 12 juillet. Lors de cet appel entre le Russe Andreï Belooussov et l’Américain Lloyd Austin, « la question de la prévention de menaces à la sécurité et de la réduction du risque d’une possible escalade a été évoquée », selon les termes du communiqué du ministère russe de la Défense.
Un appel pour éviter le pire, alors qu’à Moscou, le terme « Guerre froide » a été lâché. C’est le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, qui l’a dit à la suite du Sommet de l’OTAN, tenu la semaine dernière, notamment pour célébrer le 75e anniversaire de la création de l’Alliance atlantique. « L’Allemagne, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni participent directement au conflit autour de l’Ukraine. Tous les attributs de la Guerre froide reviennent, avec une confrontation, avec un affrontement direct. Tout cela est entrepris pour assurer notre défaite stratégique sur le champ de bataille », a-t-il lancé jeudi 11 juillet, dans un entretien à la télévision publique.
La réaction russe est à la hauteur des décisions prises lors du Sommet de l’OTAN : livraisons d’avions de combat et 40 milliards d’euros d’aide financière promis à Kiev en 2025. Un montant « minimum » qui pourra être révisé en fonction des besoins de l’Ukraine, dit l’OTAN. « Nous ne faisons pas cela parce que nous voulons prolonger la guerre. Nous le faisons car nous souhaitons que la guerre se termine au plus vite », a déclaré le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.
Les F-16 « voleront dans le ciel ukrainien cet été », a précisé le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, lors du Sommet de l’OTAN. Cette livraison d’avions, sur laquelle les Pays- Bas, le Danemark, la Norvège et la Belgique s’étaient engagés il y a près d’un an, était très attendue par Kiev. Washington a également promis que les alliés allaient aussi fournir à l’Ukraine un total de cinq systèmes de défense antiaérienne supplémentaires, dont quatre batteries de type Patriot, des missiles sol-air particulièrement efficaces pour intercepter les missiles balistiques russes. L’Allemagne, les Pays-Bas, la Roumanie et l’Italie doivent également y contribuer. Des négociations sont en revanche encore en cours pour la livraison de Mirage 2000-5 par la France et d’autres avions de combat par la Suède et la Croatie.
Autant de mesures que l’Occident espère à même d’inverser la tendance, alors que sur le terrain, la Russie prend clairement le dessus. C’est pourquoi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, invité par les pays membres de l’Alliance atlantique, a réitéré sa demande de voir la levée des restrictions concernant l’usage de leurs armes sur le sol russe.
Et ce n’est pas tout. Les membres de l’organisation ont par ailleurs assuré que l’avenir de l’Ukraine était dans l’OTAN. « Nous continuerons de l’aider à suivre sa trajectoire irréversible vers l’intégration euro-atlantique pleine et entière, y compris vers l’adhésion à l’OTAN », ont-ils promis, même si la voie n’est pas encore totalement dégagée pour Kiev, plusieurs pays restent réticents à son adhésion à l’OTAN.
Renforcer les capacités de l’OTAN en Europe
Pour Moscou, ce sont des annonces à haut risque. Inquiète, la Russie prévoit des « mesures » pour « contrer la menace sérieuse » posée par l’OTAN, jugée « de facto pleinement impliquée dans le conflit autour de l’Ukraine », a déclaré jeudi 11 juillet le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par les agences russes.
Mais il ne s’agit pas que de l’Ukraine. Certes, les membres de l’Alliance ont affiché un très fort soutien à l’Ukraine, il n’en demeure pas moins que ce qui fâche Moscou dépasse de loin ce soutien. La Maison Blanche a en effet annoncé, en marge du sommet, l’envoi d’armes neuves et plus performantes à ses alliés européens. Les Etats- Unis vont, en effet, déployer de façon ponctuelle, à partir de 2026, de nouveaux armements en Allemagne, afin de permettre des frappes plus lointaines que les systèmes américains actuellement positionnés en Europe. D’après Washington et Berlin, il s’agit d’un déploiement « temporaire » sur une base non encore définie de missiles Tomahawk, de missiles sol-air multi-usages à très longue portée de type SM-6 et d’armes hypersoniques, en voie de développement. Dans le même registre, la France, l’Allemagne, l’Italie et la Pologne ont également signé jeudi 11 juillet une lettre d’intention portant sur le développement et la production de capacités dans le domaine des frappes de longue portée.
Une annonce surprenante, voire à haut risque. Les Etats- Unis n’avaient pas déployé de missiles longue portée dans ce pays depuis la fin de la Guerre froide. Le symbole est d’autant plus grand que le chancelier Olaf Scholz, signataire de cet accord, s’était opposé au déploiement de missiles américains Pershing sur le territoire ouest allemand dans les années 1980. Or, cette fois-ci, sa réaction est complètement différente. « C’est une très bonne décision de la part des Américains », a dit Olaf Scholz devant la presse, défendant « une bonne décision au bon moment » et parlant de « mesures de dissuasion » à même « d’assurer la paix ».
Mais tout ceci n’est certainement pas du goût de la Russie. « Nous sommes obligés d’analyser très profondément les décisions qui ont été prises (au Sommet de l’OTAN), les discussions qui ont eu lieu, d’analyser très attentivement le texte de la déclaration qui a été adopté. Il s’agit d’une menace très sérieuse pour la sécurité nationale », qui « nous obligera à prendre des mesures réfléchies, coordonnées et efficaces pour contenir l’OTAN », a averti le porte-parole du Kremlin.
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