Au menu de la visite de Vladimir Poutine en Chine figurait notamment la cérémonie d'ouverture de la 8e exposition Chine-Russie, à Harbin, dans la province chinoise du Heilongjiang (nord-est), vendredi 17 mai. Un déplacement qui s'inscrit dans la volonté russe d'accroître la relation commerciale entre les deux pays. Située à quelques centaines de kilomètres de la frontière russe, la ville de 10 millions d'habitants est, en effet, cruciale pour les échanges commerciaux et culturels entre Pékin et Moscou.
C’est en compagnie du vice-président chinois, Han Zheng, que le président russe a assisté à cette cérémonie. Les deux hommes s’étaient rencontrés la veille à Pékin, pour élaborer conjointement « une nouvelle vision et un nouveau plan d'action pour le développement du partenariat stratégique global de coordination Chine-Russie pour la nouvelle ère », selon Han Zheng cité par l’agence Xinhua.
A Harbin, Poutine a promis de « renforcer » les liens en matière d'énergie entre les deux pays. « La Russie est prête et capable d'alimenter sans interruption l'économie chinoise, les entreprises, villes et villages, avec une énergie abordable et écologiquement propre. Alors que le monde est à l'aube de la prochaine révolution technologique, nous sommes déterminés à approfondir constamment la coopération bilatérale dans le domaine de la haute technologie et de l'innovation », a-t-il déclaré.
Quant au président chinois, Xi Jinping, il a affirmé que « les deux pays doivent apporter de nouvelles améliorations structurelles à leur coopération, consolider la bonne dynamique dans le commerce et les autres domaines traditionnels de coopération, soutenir la formation de plateformes et de réseaux pour la recherche fondamentale, continuer à libérer le potentiel de coopération dans les domaines de pointe, intensifier la coopération dans les ports, les transports et la logistique, et contribuer au maintien de la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement mondiales ».
Sur un autre volet de la coopération, en février dernier, Poutine évoquait des projets visant à porter à 210 millions de tonnes la capacité annuelle de transport des deux plus longues voies ferrées de Russie, le Transsibérien et la ligne principale Baïkal-Amour d’ici à 2030, qui forment un réseau de transport vital pour le commerce extérieur russe vers la Chine et le Pacifique.
« Entre les deux pays, c’est un partenariat essentiellement économique dans lequel la Chine prend évidemment le dessus. D’abord parce que c’est la deuxième puissance économique mondiale, ensuite parce que la Russie est sous le joug de sévères sanctions occidentales et subit un embargo sur ses exportations en hydrocarbures, sa principale source de revenu », explique Hicham Mourad, professeur de sciences politiques. Et pour la Chine, poursuit-il, c’est une occasion en or. « C’est un gros consommateur de pétrole et dans la conjoncture actuelle, elle l’importe de Russie à des prix bas ».
Plus de 240 milliards de dollars d’échanges en 2023
C’est, en effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a plus de deux ans, que Moscou, justement en raison des sanctions notamment, a accru sa relation économique avec la Chine. Selon les chiffres officiels chinois rendus publics début 2024 par l’Administration des douanes chinoises, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint un niveau record en 2023 : l’année dernière, ils ont ainsi échangé pour 240,1 milliards de dollars de biens et services, soit une hausse de 26,3 % sur un an. Cela représente plus du double de 2018 et dépasse l’objectif des 200 milliards de dollars fixé pour 2024 par les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping.
Un rapprochement qui n’est pas du goût des Etats-Unis. Et pas seulement parce que le commerce entre la Chine et les Etats-Unis a, lui, connu l’an dernier son premier repli depuis 2019 dans un contexte de tensions géopolitiques entre les deux premières puissances économiques. L’Ukraine est en toile de fond : début avril, Washington s’était dit « passablement inquiet » de l'appui économique et industriel qu'offre la Chine à la Russie. Ce que Pékin nie : la Chine a « toujours contrôlé » les exportations de produits à double usage dont les applications militaires auraient pu contribuer à aider l'armée russe en Ukraine, avait alors rétorqué une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Pour autant, les relations économiques entre la Chine et la Russie sont jugées, par de nombreux analystes, comme un mariage de circonstance plutôt qu’une alliance économique durable. Car en matière d’échanges économiques, la Chine, économiquement bien plus forte, semble gagnante. La Chine est, en effet, la deuxième puissance économique mondiale, la Russie, la 11e. Et pour certains économistes, il s’agit d’une relation asymétrique. Mais ce n’est pas tout : « En permettant à Moscou de détourner les sanctions, Pékin a la main haute en quelque sorte », estime Mourad.
Ce qui est contesté par le Kremlin, qui avait déclaré, en mars 2023, que « dans ces relations, il n'y a pas de leader, pas de suiveur », mais « deux partenaires qui se font confiance et partagent largement les mêmes objectifs ».
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