L’armée ukrainienne a reconnu lundi « des succès tactiques » de la Russie dans la région de Kharkiv. (Photo : AFP)
Entre menace d’un conflit nucléaire, d’acquisition des avoirs de Moscou gelés et d’une riposte rude russe, le bras de fer entre la Russie et les Occidentaux ne cesse de s’accentuer avec, en toile de fond, la guerre en Ukraine qui n’est pas près de prendre fin. Signe que l’on se dirige vers une nouvelle phase dans la guerre, le président russe, Vladimir Poutine, a limogé son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou. Ce dernier a été nommé secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie et a été remplacé par Andreï Belooussov, un économiste de formation qui est premier vice-président du dernier gouvernement depuis 2020 et l’un des principaux conseillers économiques de Poutine ces dernières années. En proposant ce nom, le Kremlin envoie donc un message clair : le conflit contre l’Ukraine se transforme en guerre d’usure, dans laquelle l’économie et la production d’armement se placent au coeur de la stratégie.
Cette annonce intervient alors que cette semaine, les combats ont repris de plus belle dans la région de Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine, près de la frontière russe. Moscou a annoncé avoir « conquis » plusieurs localités dans cette région, alors que Kiev a reconnu des « combats acharnés » et a lancé des contre-attaques pour « perturber les plans d’offensive russe », comme l’a dit le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Des contre-attaques qui ne parviennent pas à freiner l’avancée de l’armée russe à l’est. D’après l’Institut américain pour l’étude de la guerre (Institute for the Study of War), cité par l’AFP, la Russie a réalisé des « gains tactiques significatifs », mais l’objectif principal de l’opération est « d’attirer les capacités humaines et le matériel ukrainiens d’autres secteurs critiques du front ».
Cela fait plusieurs mois, depuis l’échec de sa contre-offensive l’été dernier, que l’armée ukrainienne est à la défensive et qu’elle fait face à une reprise d’initiative russe après la chute de la ville forteresse d’Avdiïvka, dans l’est, en février dernier. C’est depuis la mi-février, en effet, que l’armée russe avance sur le terrain en prenant des localités stratégiquement et historiquement d’une grande importance pour Moscou. « La Russie veut prendre le contrôle de la totalité de la région de l’Est, ce qui représenterait une victoire majeure, notamment avant de passer, en position de force, à la table des négociations. Pour le moment, elle a réalisé une partie de ses objectifs », explique Bahaa Mahmoud, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram et spécialiste des affaires européennes.
Soutien occidental à Kiev
Pour tenter de reprendre l’initiative, Kiev compte avant tout sur l’aide occidentale. Une nouvelle aide militaire de 400 millions de dollars a été annoncée vendredi 10 mai par Washington pour « porter assistance à l’Ukraine », alors que l’offensive russe va « s’intensifier », selon la Maison Blanche.
Parallèlement à la guerre, l’Occident poursuit sa pression sur la Russie. L’Europe et les Etats-Unis ont indiqué qu’ils examinaient les possibilités de confisquer les avoirs russes gelés chez eux pour les donner à l’Ukraine. Une démarche qui a suscité le mécontentement de la Russie qui a affirmé, à son tour, que toute tentative de s’emparer de son capital ou de ses intérêts relèverait du « banditisme ». « Moscou a ses moyens de répondre, les Européens et les Etats-Unis ont aussi des avoirs chez les Russes. En plus, la riposte de la Russie pourra être dans ses nouvelles régions d’influence comme l’Afrique, où elle peut nuire aux intérêts occidentaux », estime Bahaa Mahmoud.
Entre l’Occident et la Russie, le ton ne cesse donc de monter. Pas seulement au sujet du gel des avoirs, mais aussi et surtout au sujet de la question très épineuse du nucléaire. La semaine dernière, Poutine a ordonné la tenue d’exercices nucléaires « dans un futur proche ». Sans doute en réponse à l’idée évoquée par le président français, Emmanuel Macron, d’envoyer des troupes en soutien à Kiev.
Cependant, selon les analystes, aucune partie ne veut d’une extension du conflit. « Le président russe veut montrer ses muscles, mais ne veut pas d’un conflit plus élargi, les Etats-Unis non plus », explique Bahaa Mahmoud, tout en estimant que l’Occident vise une guerre d’usure pour affaiblir les capacités militaires et économiques russes.
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