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Entre Washington et Moscou, une lutte d’influence en terre africaine

Sabah Sabet , Mercredi, 08 mai 2024

Les Russes ont commencé à remplacer les Américains au Niger moins d’un mois après l’annonce du retrait des soldats américains de la base d’Agadez. Mais si Moscou étend son influence en Afrique, Washington ne lâche pas prise.

Entre Washington et Moscou, une lutte d’influence en terre africaine
Photo d’archives de la base aérienne de l’US Force d’Agadez, où flottaient côte à côte les drapeaux américain et nigérien

Après la france, c’est le tour des Etats-Unis de quitter le Niger. Et aux Russes de prendre place. Mais la situation n’est pas si simple. Sur place, c’est la confusion qui règne à l’heure actuelle. Dans l’une des scènes qui ne se répètent que rarement et en pleine tension entre Washington et Moscou en raison du conflit de l’Ukraine, des soldats russes et américains stationnaient sur la même base militaire au Niger. Les premiers arrivent, les seconds s’apprêtent à partir.

Après que Niamey eut exigé le retrait des forces américaines, des soldats russes ont été déployés cette semaine dans une base aérienne au Niger où se trouvent également des soldats américains. C’est ce qu’a indiqué, le 3 mai, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin. « La base aérienne 101, où sont nos forces, est une base des forces aériennes nigériennes qui est située à côté de l’aéroport international dans la capitale. Les Russes sont dans un bâtiment séparé et n’ont accès ni aux forces américaines ni à nos équipements », a-t-il dit lors d’une conférence de presse à Hawaï. De son côté, interrogé lors d’un point de presse à Moscou, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, n’a ni confirmé ni démenti la présence russe dans la base, indiquant simplement que Moscou développait ses relations avec les pays africains dans tous les domaines, y compris militaire.

En mars dernier, le régime nigérien a dénoncé l’accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que celui-ci avait été « imposé unilatéralement » par Washington et que la présence américaine était désormais « illégale ». Mi-avril, Washington a accepté de retirer du pays plus d’un millier de soldats. Des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sont toujours en cours concernant les modalités de ce retrait, a indiqué la semaine dernière le chef du commandement militaire américain pour l’Afrique. Les Etats-Unis disposent notamment d’une importante base de drones près d’Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Un retrait, mais …

Le régime de Niamey, issu d’un coup d’Etat perpétré en juillet 2023, avait pris la même position avec la France, juste après son arrivée au pouvoir et les derniers soldats français ont quitté le Niger fin décembre 2023. « La présence étrangère, surtout occidentale, exaspère la jeunesse africaine. Les Africains ont désormais une approche pragmatique pour réaliser leurs intérêts, ils veulent sortir du joug de l’autorité occidentale. Ils préfèrent les partenariats avec les Russes et les Chinois qui n’imposent pas de conditions et qu’ils considèrent gagnants-gagnants, à l’encontre des relations avec les Occidentaux », explique Mohamed Abdel-Wahed, expert sécuritaire et spécialiste de l’Afrique.

Selon des observateurs, le retrait américain de cet ancien allié-clé représente une perte stratégique majeure. « Le Niger représentait l’une des présences les plus importantes des Etats-Unis en Afrique. Grâce à l’emplacement géographique stratégique du Niger, les Etats-Unis surveillaient toute la région et menaient des opérations de renseignement sur les groupes armés en Libye et sur les groupes terroristes dans toute la région du Sahel », souligne Abdel-Wahed. En effet, Washington investissait des millions de dollars dans la base d’Agadez au Niger, essentielle aux opérations antiterroristes américaines au Sahel. Les Etats-Unis ont également investi des centaines de millions de dollars dans la formation de l’armée nigérienne depuis le début de leurs opérations dans ce pays en 2013. Selon certains observateurs, le retrait des troupes américaines pourrait affaiblir les capacités de lutte contre les groupes terroristes opérant dans la région, tels que Boko Haram, Daech dans le Grand Sahara (EIGS) et d’autres groupes affiliés à Al-Qaëda.

Pour autant, Washington n’a pas contesté la demande de Niamey. « Les Américains ne veulent pas de nouveaux fronts, c’est pour cela qu’ils ont accepté de rompre la coopération militaire avec le Niger. En plus, ils tendent à se désengager des zones de conflits. Il n’en demeure pas moins que la demande du Niger les a agacés et que Washington a ainsi perdu un round face à Moscou », explique l’expert. Outre le Niger, les Etats-Unis disposent également de la force AFRICOM qui coordonne toutes les activités militaires et sécuritaires en Afrique. Une partie importante de la mission de cette force américaine consiste à former et à entraîner les forces militaires des pays partenaires en Afrique pour renforcer leurs capacités à lutter contre le terrorisme et d’autres menaces sécuritaires. « Si les Américains ont perdu une position importante au Niger face aux Russes, leur existence reste forte et leurs partenariats avec les Africains vont se renforcer », conclut Abdel-Wahed.

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