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Bahaa Mahmoud : On a affaire à des menaces réciproques irréalistes

Ines Eissa , Mercredi, 06 mars 2024

Bahaa Mahmoud, chercheur en relations internationales et spécialiste de l’Europe au CEPS d’Al-Ahram, sur les perspectives de la guerre en Ukraine.

Bahaa Mahmoud

Al-Ahram Hebdo : Le président russe, Vladimir Poutine, s’est engagé à atteindre ses objectifs en Ukraine et a sévèrement mis en garde l’Occident contre une plus grande implication dans les combats, affirmant qu’une telle action comporte le risque d’un conflit nucléaire mondial. Qu’en est-il ?

Bahaa Mahmoud : Les propos du président russe me semblent inexacts puisque l’objectif de la guerre annoncé par Moscou au début des opérations suggérait l’annexion des quatre régions de l’est de l’Ukraine, un objectif qui n’est toujours pas atteint. Ceci étant, Poutine joue la carte de la dissuasion nucléaire à l’encontre de toutes les tentatives des pays de l’ouest de compromettre ses ambitions. Dans ce contexte, je pense notamment à la Finlande qui est devenue membre de l’OTAN et qui partage les plus longues frontières avec la Russie. Et aussi à la Suède qui s’apprête à rejoindre l’Alliance atlantique. Tout cela resserre l’étau autour de la Russie. C’est dans ce contexte que s’inscrit la réaction de Poutine qui brandit la carte du nucléaire.

— Mais il y a aussi des menaces occidentales d’autant plus que le président français, Emmanuel Macron, a récemment évoqué l’envoi de troupes au sol … Est-ce un scénario envisageable ?

— On a affaire à des menaces réciproques irréalistes. La déclaration de Macron est à mon sens irréaliste et relève plutôt de la spéculation. L’envoi de troupes militaires en Ukraine changerait fondamentalement la donne de la guerre, cela serait une expansion géostratégique de la confrontation avec la Russie. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe et la Russie se sont accordées sur le principe de contenir la guerre dans la limite de l’est de l’Ukraine et ce, pour éviter le risque de basculer dans une guerre globale. L’implication de la France ou d’autres pays européens dans cette guerre poserait un risque sérieux d’escalade infernale. Au cas où la France déciderait de s’aventurer dans cette guerre, elle risque de se trouver confrontée, isolée, à la Russie qui, elle, serait sans merci.

— Quels sont les scénarios à venir dans la guerre ?

— La défaite de la Russie semble improbable. D’autre part, le soutien euro-américain estimé à hauteur de 350 milliards de dollars depuis le début de la guerre n’a pas été suffisant pour faire reculer Moscou. Les élections américaines seront décisives pour la guerre en Ukraine. L’élection de Donald Trump va sans aucun doute limiter les ambitions de l’Ukraine. Par ailleurs, la fatigue des Européens mènerait à un ralentissement du soutien apporté à Kiev depuis le début de la guerre. Dans ce contexte, je pense qu’un compromis assurant le contrôle des territoires de l’est Ukrainien déjà occupé par la Russie en échange de certaines garanties de sécurité pour Kiev s’avère le dénouement le plus réaliste.

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