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Iran : le plus dur reste à faire

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 26 novembre 2013

Les Six et l'Iran sont parvenus à un accord de 6 mois selon lequel Téhéran limitera son programme nucléaire en échange d'un allégement des sanctions. Cela pourrait aboutir à la conclusion d’un accord final ou l’avorter à jamais.

Iran : le plus dur reste à faire
L'accord de Genève a été largement salué par le peuple iranien. Photo:(AP)

Après une décennie de négociations stériles, un accord historique a été enfin scellé entre Téhéran et les Six. Conclu dimanche à l’arrache-pied après 5 jours d’âpres négociations à Genève, cet accord met fin au plus grand casse-tête de Washington et de l’Occident. Un accord qui a été rendu possible grâce à la collaboration sérieuse du nouveau régime modéré du président iranien, Hassan Rohani — soutenu par le guide, Ali Khamenei — qui a fait de la levée des sanctions économiques contre son pays sa priorité par excellence dès son accession au pouvoir en août. Cette ouverture iranienne est largement dictée par la grave crise qui étrangle l’économie iranienne sous le poids des sanctions internationales qui ne cessent de se renforcer depuis 2006. Dimanche à l’aube, la diplomate en chef de l’Union Européenne (UE), Catherine Ashton, entourée de tous les ministres engagés dans la négociation, a annonçé à Genève « un accord sur un plan d’action », a-t-elle dit, avec à ses côtés le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Les ministres des 5+1 (Etats-Unis, Chine, Russie, Grande-Bretagne, France et Allemagne) se sont ensuite chaleureusement congratulés entre eux et avec Zarif. « Nous avons cherché à répondre aux préoccupations de la communauté internationale et de le faire d’une manière respectueuse pour le gouvernement et le peuple d’Iran », a affirmé Ashton, précisant que l’accord, d’une validité de 6 mois, limite les activités nucléaires iraniennes contre une levée partielle de certaines sanctions.

Selon les analystes, ces 6 mois à venir sont les plus « difficiles » et les plus « délicats » car ils ouvrent la voie à des tractations serrées pour obtenir un accord complet avec l’Iran. Selon les termes du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, « le plus dur est à venir ». « Il faut un effort pour obtenir un accord complet qui demandera d’énormes engagements en termes de vérification, de transparence et de responsabilité », a mis en garde Kerry. Bien plus, cette période de six mois sera fort envenimée par la colère d’un Israël de plus en plus isolé ainsi que par la réticence des faucons du régime américain et iranien, opposés à tout accord. A Washington, de nombreux parlementaires ont réagi avec scepticisme ou hostilité à l’accord de Genève et plusieurs élus du Congrès ont insisté sur le fait qu’il faudrait renforcer les sanctions contre l’Iran, mais ces sanctions ne rentreraient en vigueur que si Téhéran ne respectait pas l’accord de Genève. « Ce n’est pas le moment d’imposer de nouvelles sanctions », a fustigé le président Obama, qui faisait campagne, depuis des semaines, auprès des parlementaires américains pour qu’ils attendent avant de voter un renforcement des sanctions pour donner chance aux pourparlers. De nombreux sénateurs démocrates et républicains sont pourtant hostiles à toute suspension des sanctions. Selon les analystes, « Bibi » va exploiter cette chance pour pêcher dans les eaux troubles et convaincre les durs du régime américain de renforcer les sanctions afin d’avorter un accord dans son berceau. A ce propos, il ne faut pas oublier aussi la réticence des durs du régime iranien qui rejettent toute concession en matière nucléaire, même si l’influence de ces derniers reste plus ou moins limitée tant que le guide suprême, qui tient les ficelles du jeu nucléaire, soutient la politique d’ouverture de Rohani.

Une vague d’enthousiasme

Loin de l’Etat hébreu et des faucons des deux régimes, l’accord a largement réconforté les deux parties vu les déclarations prometteuses qui l’ont suivi de part et d’autre. Côté iranien, l’enthousiasme abonde. Le président iranien, Hassan Rohani, a salué un « immense succès » car l’accord accepte le principe de l’enrichissement d’uranium en Iran, ajoutant que les sanctions avaient commencé à se fissurer. « L’Iran n’a jamais cherché et ne cherchera jamais à fabriquer l’arme atomique », a affirmé Rohani, alors que le guide suprême iranien, Ali Khamenei, était plus qu’optimiste : « Il faut remercier l’équipe de négociateurs nucléaires pour cet acquis ».

Passant au camp occidental, l’enthousiasme était de même. Mais, la position la plus remarquable était celle du chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, qui tranche de loin avec le dernier round — du 9 novembre — où il a entravé par sa réticence la conclusion d’un accord. Cette fois-ci, Fabius était le premier à saluer l’accord qualifié d’« avancée importante pour la sécurité et pour la paix ». Prouvant la bonne intention des Six, Fabius a affirmé lundi que les sanctions de l’UE commenceront à être levées depuis décembre. Cet enthousiasme français prouve que l’accord de Genève était « solide » et « apaisant » pour un Paris inquiet et toujours sceptique face à un Téhéran qui souffle le chaud et le froid, et maintient toujours l’ambiguïté.

Réalisant les défis et les pressions qui l’attendent pendant les six prochains mois, le président américain, Barack Obama, a paru cette semaine « optimiste », mais « prudent », soulignant que l’accord est une « étape importante » mais d’« énormes difficultés » persistent dans ce dossier avant de conclure un accord final. Tant que d’énormes difficultés persistent, il faut reporter cette vague d’optimisme jusqu’à la conclusion d’un accord final après 6 mois. Sans nier que l’accord de cette semaine est un pas important sur un long chemin semé d’embûches.

L’accord en lignes

Côté iranien, l’accord prévoit que l’Iran prendra les mesures suivantes pour limiter l'enrichissement d'uranium :

— L’Iran n’enrichira pas d’uranium à plus de 5 % pendant 6 mois.

— L’Iran ne poursuivra pas ses activités à l’usine de Natanz, à celle de Fordo ou à Arak.

— Il n’y aura pas de nouveaux sites d’enrichissement.

— Les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique bénéficieront d’un accès sans annonce préalable aux sites de Fordo et de Natanz.

Côté occidental, les Six s’engagent à alléger les sanctions de la façon suivante :

— Suspension des sanctions des Etats-Unis sur l’industrie automobile de l’Iran et sur les services qui y sont liés.

— Pas de nouvelles sanctions du Conseil de sécurité en rapport avec le nucléaire.

— Pas de nouvelles sanctions de l’UE en rapport avec le nucléaire.

— L’Administration américaine s’abstiendra de prendre des nouvelles sanctions en rapport avec le nucléaire.

— Suspension des sanctions de l’UE et des Etats-Unis sur l’or et les exportations pétrochimiques iraniennes.

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