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Immunité des soldats américains : probable refus afghan

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 19 novembre 2013

Sous forte menace talibane, la Loya Jirga — assemblée traditionnelle afghane — se réunit à partir du 21 novembre. Elle doit se prononcer sur le maintien d'une présence américaine dans le pays après le retrait des troupes de l'Otan fin 2014.

Cela fait 11 mois que Washington et Kaboul discutent dans la dou­leur un traité bilatéral de sécurité pour encadrer la présence américaine dans le pays après la fin de la mission de l’Otan : nombre de bases et statut des soldats qui resteraient sur place.

Mais, l’accord achoppe sur l’épi­neuse question de « l’immunité judi­ciaire des soldats américains ». Pour trancher cette pomme de discorde qui pourrait entraver la conclusion d’un accord crucial, la Loya Jirga, grande assemblée traditionnelle afghane, se réunira pendant 4 jours à partir du 21 novembre pour se prononcer sur le cadre du maintien d’une présence militaire américaine dans le pays après 2014. Cette grande assemblée, qui ne se réunit qu’exceptionnelle­ment pour décider des grandes orien­tations en Afghanistan, renferme entre 2 500 et 3 000 chefs de tribus et représentants de la société civile. Le président afghan, Hamid Karzaï, serait aussi présent. A l’issue de 4 jours de discussions, la Loya Jirga rendra une décision sur le traité de sécurité, qui sera ensuite soumise au Parlement. S’il est approuvé, cet accord permettra aux forces afghanes de compter sur un soutien américain, notamment aérien, après le départ des 87 000 soldats de l’Otan d’ici fin 2014, un départ qui fait craindre une flambée de violence dans un pays en partie contrôlé par la rébellion des talibans. La plupart des experts esti­ment que la Loya Jirga pourrait refu­ser d’accorder l’immunité aux mili­taires américains comme l’a fait en octobre le président Karzaï, à l’issue de ses longues tractations à Kaboul avec le secrétaire d’Etat américain, John Kerry. Pourtant, cette immunité reste un élément fondamental pour Washington qui exige que ses soldats, qui se rendraient coupables de crimes en Afghanistan, soient jugés par des juridictions américaines. « Si cette question n’était pas résolue, malheu­reusement il ne pourra pas y avoir d’accord de sécurité », affirme-t-on à Washington. En Iraq, les Etats-Unis comptaient maintenir un contingent au-delà de 2011, mais ils avaient fina­lement rapatrié l’ensemble de leurs troupes, car Bagdad avait refusé de leur accorder cette immunité.

Les talibans sortent leurs griffes

Dans une tentative d’intégrer les rebelles à cette décision cruciale, le président Karzaï a invité samedi les talibans à participer à la Loya Jirga. « Nous prions les insurgés de partici­per pour exprimer leur point de vue. Ils font partie du peuple afghan », a affirmé Karzaï. Un appel qui a été rejeté par les talibans qui considèrent cette Loya Jirga comme une « farce » et ses participants comme des « traîtres » et des « cibles » s’ils se prononcent en faveur du maintien d’une présence militaire américaine dans le pays. Passant à l’acte, les rebelles ont commis samedi 16 novembre un grave attentat à la voi­ture piégée près du site de la Loya Jirga, faisant 6 morts et 22 blessés. Cette attaque sonne comme un aver­tissement à quelques jours de ce ren­dez-vous crucial pour l’avenir du pays, affirment les experts.

Hormis toutes ces menaces qui assombrissent l’avenir du pays, le départ des forces de l’Otan s’effec­tuera dans un contexte politique sen­sible, une élection présidentielle étant prévue le 5 avril. Les autorités électo­rales afghanes s’apprêtent à publier cette semaine la liste finale des pré­tendants à la succession de Karzaï sur laquelle espèrent figurer une quin­zaine de candidats disqualifiés, injus­tement selon eux. La Commission électorale indépendante avait publié fin octobre une liste préliminaire ne retenant que 10 candidatures sur 26 comme l’ancien chef de la diplomatie afghane, Abdullah Abdullah, le frère du président Karzaï, Qayyum Karzaï, et l’ex-ministre des Finances, Ashraf Ghani. Sans la moindre surprise, les rebelles ont appelé à un boycott de l’élection et annoncé qu’ils ne recon­naîtraient pas plus la légitimité du futur président que celle de Karzaï, qu’ils considèrent comme une « marionnette » de Washington. Il semble que les talibans sont détermi­nés à envenimer l’après-2014 par tous les moyens pour récupérer par la force leur pouvoir perdu en 2001.

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