Cela fait 11 mois que Washington et Kaboul discutent dans la douleur un traité bilatéral de sécurité pour encadrer la présence américaine dans le pays après la fin de la mission de l’Otan : nombre de bases et statut des soldats qui resteraient sur place.
Mais, l’accord achoppe sur l’épineuse question de « l’immunité judiciaire des soldats américains ». Pour trancher cette pomme de discorde qui pourrait entraver la conclusion d’un accord crucial, la Loya Jirga, grande assemblée traditionnelle afghane, se réunira pendant 4 jours à partir du 21 novembre pour se prononcer sur le cadre du maintien d’une présence militaire américaine dans le pays après 2014. Cette grande assemblée, qui ne se réunit qu’exceptionnellement pour décider des grandes orientations en Afghanistan, renferme entre 2 500 et 3 000 chefs de tribus et représentants de la société civile. Le président afghan, Hamid Karzaï, serait aussi présent. A l’issue de 4 jours de discussions, la Loya Jirga rendra une décision sur le traité de sécurité, qui sera ensuite soumise au Parlement. S’il est approuvé, cet accord permettra aux forces afghanes de compter sur un soutien américain, notamment aérien, après le départ des 87 000 soldats de l’Otan d’ici fin 2014, un départ qui fait craindre une flambée de violence dans un pays en partie contrôlé par la rébellion des talibans. La plupart des experts estiment que la Loya Jirga pourrait refuser d’accorder l’immunité aux militaires américains comme l’a fait en octobre le président Karzaï, à l’issue de ses longues tractations à Kaboul avec le secrétaire d’Etat américain, John Kerry. Pourtant, cette immunité reste un élément fondamental pour Washington qui exige que ses soldats, qui se rendraient coupables de crimes en Afghanistan, soient jugés par des juridictions américaines. « Si cette question n’était pas résolue, malheureusement il ne pourra pas y avoir d’accord de sécurité », affirme-t-on à Washington. En Iraq, les Etats-Unis comptaient maintenir un contingent au-delà de 2011, mais ils avaient finalement rapatrié l’ensemble de leurs troupes, car Bagdad avait refusé de leur accorder cette immunité.
Les talibans sortent leurs griffes
Dans une tentative d’intégrer les rebelles à cette décision cruciale, le président Karzaï a invité samedi les talibans à participer à la Loya Jirga. « Nous prions les insurgés de participer pour exprimer leur point de vue. Ils font partie du peuple afghan », a affirmé Karzaï. Un appel qui a été rejeté par les talibans qui considèrent cette Loya Jirga comme une « farce » et ses participants comme des « traîtres » et des « cibles » s’ils se prononcent en faveur du maintien d’une présence militaire américaine dans le pays. Passant à l’acte, les rebelles ont commis samedi 16 novembre un grave attentat à la voiture piégée près du site de la Loya Jirga, faisant 6 morts et 22 blessés. Cette attaque sonne comme un avertissement à quelques jours de ce rendez-vous crucial pour l’avenir du pays, affirment les experts.
Hormis toutes ces menaces qui assombrissent l’avenir du pays, le départ des forces de l’Otan s’effectuera dans un contexte politique sensible, une élection présidentielle étant prévue le 5 avril. Les autorités électorales afghanes s’apprêtent à publier cette semaine la liste finale des prétendants à la succession de Karzaï sur laquelle espèrent figurer une quinzaine de candidats disqualifiés, injustement selon eux. La Commission électorale indépendante avait publié fin octobre une liste préliminaire ne retenant que 10 candidatures sur 26 comme l’ancien chef de la diplomatie afghane, Abdullah Abdullah, le frère du président Karzaï, Qayyum Karzaï, et l’ex-ministre des Finances, Ashraf Ghani. Sans la moindre surprise, les rebelles ont appelé à un boycott de l’élection et annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas plus la légitimité du futur président que celle de Karzaï, qu’ils considèrent comme une « marionnette » de Washington. Il semble que les talibans sont déterminés à envenimer l’après-2014 par tous les moyens pour récupérer par la force leur pouvoir perdu en 2001.
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