Même entre les alliés historiques, les différends peuvent surgir. C’est le cas actuellement entre les Etats-Unis et Israël, principalement au sujet de la Palestine. Les Etats-Unis ne cessent de présenter la création d’un Etat palestinien comme la condition d’une « véritable sécurité » au Proche-Orient. Une fois de plus, au Forum économique de Davos, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a réitéré son appel à trouver une « voie vers un Etat palestinien », faisant valoir qu’« il sera impossible d’obtenir une véritable sécurité sans cela ». Mais suite à ces déclarations, le premier ministre israélien a publiquement affirmé son opposition à l’existence d’une « souveraineté palestinienne ». « Israël doit avoir le contrôle de la sécurité sur l’ensemble du territoire situé à l’ouest du Jourdain. Il s’agit d’une condition nécessaire, qui est en contradiction avec l’idée de souveraineté (palestinienne) », a tout simplement déclaré Benyamin Netanyahu, jeudi 18 janvier, précisant l’avoir dit ouvertement aux Américains. « Un premier ministre israélien devrait être capable de dire non — même à nos meilleurs amis — quand c’est nécessaire, et de dire oui si c’est possible », a ajouté le premier ministre.
En première réaction, le porte-parole du Conseil national de sécurité américain, John Kirby, a dit : « Nous voyons évidemment les choses de façon différente », puisque le président américain, Joe Biden, croit toujours à la perspective et à la possibilité d’un Etat palestinien. L’affaire a sans doute été évoquée lors de l’appel téléphonique entre Biden et Netanyahu, le 19 janvier, la première conversation entre les deux hommes depuis près d’un mois, qui intervient alors que Washington et Tel-Aviv continuent de diverger quant à la conduite de la guerre et de l’après-guerre à Gaza. Leurs principaux différends concernent la reconstruction de la bande de Gaza, ainsi que la création d’un Etat palestinien. « Pour Washington, il est aussi question de crédibilité et d’influence. Les Etats-Unis, qui se présentent comme des défenseurs des droits de l’homme, sont certainement embarrassés par l’agression israélienne contre la bande de Gaza », estime Dr Saïd Okasha, chercheur spécialiste des affaires israéliennes au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. D’après l’analyste, plusieurs questions opposent les deux alliés depuis des années. « Ces différends ont augmenté sous l’Administration du président américain, Joe Biden. Ce dernier, à l’encontre de son précédent, ne se plie pas facilement à la volonté de l’Etat hébreu, il privilégie les intérêts américains », explique Okasha, tout en ajoutant que Washington a été soumis à de sérieuses critiques en raison de son soutien inconditionnel à Israël.
Plusieurs points de divergence
Un soutien éternel, certes, politique, financier et militaire, mais qui n’empêche pas l’existence de profondes divergences, notamment depuis le début du mandat de Biden en 2021. « Avant le début de la guerre à Gaza, les relations américano-israéliennes étaient marquées par des désaccords sur quatre dossiers », affirme Okasha. Le premier est la question palestinienne. « L’Administration Biden est arrivée au pouvoir en 2021 avec l’intention d’annuler l’accord du siècle élaboré par Donald Trump et celle de relancer le processus de paix sur la base d’une solution à deux Etats. Or, le gouvernement de Netanyahu est opposé à la création d’un Etat palestinien. Le deuxième sujet est lié au premier. Il concerne la volonté américaine d’élargir les Accords d’Abraham initiés sous Trump avec pour objectif une normalisation avec encore plus de pays arabes en contrepartie de la relance des discussions avec, à terme, la mise en place de la solution à deux Etats », explique-t-il. Et d’ajouter : « Le troisième sujet de discorde est l’Iran. Tel-Aviv était opposé à l’accord nucléaire de 2015 et était très satisfait du retrait américain acté par Trump en 2018 et la réimposition de sanctions contre l’Iran. Sous Biden, les discussions ont repris dans un premier temps avant d’être suspendues et il y a eu un allègement des sanctions contre la libération d’un certain nombre d’Américains détenus dans les prisons iraniennes. Mais les Israéliens veulent une ligne plus dure à l’égard de l’Iran ». Quant au quatrième, reprend Dr Saïd Okasha, il concerne Netanyahu lui-même et son retour au pourvoir. Selon l’analyste, Washington ne voit pas d’un bon oeil le projet de réforme judiciaire porté par Netanyahu. « Ces tensions se poursuivront tant que Biden et Netanyahu resteront au pouvoir et ne disparaîtront qu’avec le départ de l’un d’eux », conclut le chercheur.
C’est donc un antagonisme entre deux hommes, avec en toile de fond des désaccords de vue quant aux questions régionales avec en tête la question palestinienne. Des divergences qui, toutefois, ne remettent pas en cause l’alliance entre Washington et Tel-Aviv.
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