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Bahaa Mahmoud : La négociation est la seule voie à même de mettre fin à cette guerre

Maha Salem , Samedi, 02 décembre 2023

Dr Bahaa Mahmoud, expert des affaires européennes au CEPS d’Al-Ahram, explique les évolutions du conflit en Ukraine, occulté par la guerre à Gaza. Entretien.

Bahaa Mahmoud

Al-Ahram Hebdo : La guerre à Gaza a fait oublier celle en Ukraine, où en est-on dans ce conflit pourtant important ?

Dr Bahaa Mahmoud : C’est dans les médias que la guerre en Ukraine est oubliée. Mais aux niveaux politique, économique et militaire, non. Les pays occidentaux s’intéressent davantage à la guerre en Ukraine qu’à celle à Gaza, car elle se heurte directement contre leurs propres intérêts. Dans leurs discussions prévues courant décembre, les membres de l’Union Européenne (UE) vont aborder la question de l’ouverture de négociations de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Ce qui signifie que l’Ukraine reste, pour les Européens, une priorité. Les Occidentaux continuent de soutenir Kiev, et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, continue de demander plus. Ce qui semble porter ses fruits : Washington a annoncé, le 20 novembre, à l’occasion de la visite du secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, à Kiev, une nouvelle aide militaire de 100 millions de dollars, comprenant notamment des moyens de défense anti-aérienne. Les Etats-Unis disent être en mesure de fournir une assistance à la fois aux Ukrainiens et aux Israéliens. Et ils ne sont pas les seuls à aider les Ukrainiens. Le ministre allemand de la Défense a lui aussi récemment visité Kiev et a annoncé une nouvelle aide de 1,3 milliard d’euros à l’Ukraine sur 4 ans, sous forme d’aide humanitaire, financière et militaire. Et avant cela, les députés européens ont voté en faveur d’une aide de 50 milliards d’euros à condition qu’une partie de cette somme soit consacrée à la reconstruction de l’Ukraine.

— Mais Kiev semble craindre une baisse du soutien occidental. Jusqu’où iront les Européens dans leur soutien ?

— Tout d’abord, on doit faire une distinction entre les pays occidentaux, car chacun a ses propres intérêts. Il est dans l’intérêt de Washington, par exemple, que la guerre se prolonge, car cela affaiblit ses adversaires, la Russie bien sûr, mais aussi les alliés de Moscou, l’Iran et la Chine. En même temps, Washington tire profit de la guerre en vendant son gaz à l’Europe. Les bénéfices tirés par la vente du gaz dépassent le montant des aides. En revanche, les pays européens veulent la fin de la guerre le plus vite possible. Ils sont inquiets que les opinions publiques s’insurgent contre les grosses dépenses sans résultat tangible. Cette guerre a fait monter la droite et l’extrême droite, qui s’opposent à l’implication dans de ce genre de conflit. Si les Européens soutiennent financièrement l’Ukraine, c’est pour se plier à la volonté de Washington.

— Sur le terrain, où en est-on après l’échec de la contre-offensive ukrainienne et l’approche de l’hiver ?

— Kiev a, en effet, reconnu l’échec de sa contre-attaque. Avec l’approche de l’hiver et ses données militaires différentes, Kiev essaie de gagner des territoires et réaliser un quelconque gain. Cependant, les forces ukrainiennes n’ont pas réalisé la moindre avancée. Cette semaine, l’Ukraine a accusé Moscou d’avoir mené sa plus importante attaque de drones sur Kiev depuis le début de la guerre en février 2022. L’armée de l’air ukrainienne a affirmé avoir abattu 71 drones d’attaque Shahed lancés par la Russie. Ce bombardement massif a plusieurs raisons : tout d’abord, la Russie a voulu répondre sévèrement aux aides fournies par la communauté internationale à l’Ukraine. Deuxièmement, avec l’approche de l’hiver, le rythme de bombardement et des frappes terrestres va diminuer, alors Moscou essaye de gagner du terrain.

— Quels sont donc les scénarios à venir ?

— La Russie a d’ores et déjà réalisé ses objectifs et a annexé des territoires stratégiques. Aujourd’hui, elle va oeuvrer à un arrêt des combats et au lancement de négociations. Ses alliés, la Chine et l’Iran, ne veulent pas s’impliquer dans la guerre de l’Ukraine. Bref, la négociation est la seule voie à même de mettre fin à cette guerre. Et déjà, certaines informations parlent de négociations indirectes entre les deux parties.

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