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Le Haut-Karabakh au coeur des tractations régionales

Abir Taleb , (avec Agences) , Mercredi, 11 octobre 2023

Bakou et Erevan doivent prochainement entamer des discussions sous l’égide de l’UE pour tenter de réduire les tensions du Haut-Karabakh. Une enclave dont la reprise par l’Azerbaïdjan suscite aussi des inquiétudes régionales et internationales.

Le Haut-Karabakh au coeur des tractations régionales
Quelque 100 000 Arméniens du Haut-Karabakh ont fui l’enclave vers l’Arménie. (Photo : AFP)

Bakou est prêt à des discussions avec Erevan. C’est ce qu’a annoncé, jeudi 5 octobre, un conseiller du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, sur X (ex-Twitter), près d’un mois après l’offensive victorieuse de l’Azerbaïdjan dans la province du Haut-Karabakh. Selon Hikmet Hajiev, le conseiller d’Ilham Aliev, « l’Azerbaïdjan est prêt à participer prochainement à Bruxelles à des réunions tripartites entre l’Union Européenne (UE), l’Azerbaïdjan et l’Arménie ».

Bakou se rend donc aux discussions en position de force. Et c’est sans doute pour cela que le président azerbaïdjanais a refusé de participer au sommet de la Communauté Politique Européenne (CPE), tenu le même jour à Grenade, en Espagne, un sommet au cours duquel la question du Haut-Karabakh a été discutée. A la veille des discussions à Grenade, Ilham Aliev avait déclaré qu’il n’y participerait pas, et ce, en raison d’une « atmosphère anti-azerbaïdjanaise », selon un responsable azerbaïdjanais. L’Azerbaïdjan a choisi de s’abstenir à cause de la « politique de militarisation » de la France dans le Caucase, de l’attitude de l’UE vis-à-vis de la région et de l’absence de la Turquie, ce qui ne revient pas à « refuser des discussions avec l’Arménie », avait insisté le même responsable. Le chef du gouvernement arménien, qui était, quant à lui, présent jeudi dans le sud de l’Espagne, avait déploré cette décision.

Moscou critiqué par l’Arménie et les Occidentaux

En attendant ces discussions, l’Arménie et l’Azerbaïdjan s’accusent encore mutuellement de tirs. Ces frappes, qui ont lieu en début de semaine près de la frontière, n’ont pas fait de blessés. Sur le terrain également, les forces russes de maintien de paix ont démantelé, jeudi 5 octobre, trois postes d’observation sur la ligne de front au Haut-Karabakh. Ce contingent de maintien de la paix est présent dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu qui avait mis fin aux précédentes hostilités dans cette zone en 2020. Vladimir Poutine a, de son côté, jugé jeudi que la reprise du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan était « inévitable », après des critiques du gouvernement arménien, qui accuse la Russie d’inaction. Cela « était inévitable après la reconnaissance de la souveraineté de l’Azerbaïdjan (sur le Karabakh) par les autorités arméniennes », a lancé le président russe, précisant que l’Arménie était « toujours » l’alliée de Moscou. « Ce n’était qu’une question de temps avant que l’Azerbaïdjan ne commence à rétablir l’ordre constitutionnel dans cette région », a-t-il ajouté.

Côté occidental, c’est une occasion en or de s’en prendre à la Russie. « Il est clair pour tout le monde que la Russie a trahi le peuple arménien », a déclaré, la semaine dernière, le président du Conseil européen, Charles Michel, ajoutant : « La Russie voulait avoir des soldats sur le terrain pour garantir cet accord de paix et de sécurité. Mais on voit que l’opération militaire a été lancée sans la moindre réaction des forces russes de maintien de la paix sur le territoire ». Une occasion en or pour les Européens de rapprocher l’Arménie de l’Occident, sans pour autant s’en prendre trop ouvertement à Bakou. En effet, pour diversifier ses approvisionnements après la guerre en Ukraine, l’UE s’est tournée vers le gaz azerbaïdjanais en concluant un accord en juillet 2022 avec Bakou, afin de doubler les exportations azerbaïdjanaises vers l’UE d’ici 2027. D’où la décision européenne de ne pas opter, pour l’heure, pour des sanctions contre Bakou, Paris allant jusqu’à les estimer contre-productives.

Traditionnellement proches des Russes, les Arméniens, eux, ne cachent pas leur déception de l’« inaction russe ». Le premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a condamné la Russie pour avoir ignoré les signes d’escalade de Bakou et n’avoir pas protégé les Arméniens résidant dans cette région montagneuse et isolée. Le Kremlin a réagi en accusant Pashinyan de « succomber à l’influence occidentale ».

Ce retrait russe laisse toute la place à une autre puissance régionale, la Turquie, qui apporte un soutien militaire décisif à l’Azerbaïdjan. Alors que l’Iran, rival historique de la Turquie dans la région, a dit reconnaître la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh, mais être « opposé à la modification des frontières internationales et aux changements géopolitiques dans la région ».

Bref, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh, c’est aussi une question de lutte d’influence entre les grandes puissances et les puissances régionales.

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