Les efforts déployés pour résoudre la crise qui oppose la communauté internationale à Téhéran au sujet des activités nucléaires de ce dernier, donnent lieu à de petits succès. Même si la réunion qui a rassemblé, les 15 et 16 octobre, Téhéran et le groupe dit «
5+1 » (regroupant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne) à Genève n’a pas abouti à des résultats tangibles, elle a pavé le chemin à une autre rencontre plus importante, les 7 et 8 novembre, qui discutera d’une solution concrète à la crise.
Dans leur déclaration finale, les Six ont fait part de leur « optimisme mesuré » et ont évoqué, pour la première fois depuis dix ans, une importante contribution de Téhéran. Selon les experts, l’existence d’un communiqué commun, événement rare dans les négociations entre Téhéran et les grandes puissances, témoigne du changement d’attitude iranien depuis l’élection à la présidence du modéré Hassan Rohani, partisan d’un ton plus mesuré envers l’Occident que son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad. Signes de cette nouvelle atmosphère : pour la première fois, les discussions se sont déroulées en anglais, et la délégation américaine, dirigée par la secrétaire d’Etat adjointe aux affaires politiques, Wendy Sherman, est venue accompagnée des responsables des sanctions économiques contre l’Iran. Cette présence est perçue comme un signe d’ouverture de Washington.
Conséquence de ces évolutions, la réunion de Genève a rencontré un écho positif chez les protagonistes et dans le monde. Côté iranien, le ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, a affirmé qu’elle a apporté l’espoir « d’une nouvelle phase dans les relations » entre son pays et la communauté internationale. Le ministre a pourtant rappelé que l’Iran « ne renoncerait pas à ses droits nucléaires ». Enthousiaste, Catherine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a déclaré que les discussions de Genève étaient les plus détaillées que le groupe ait eues depuis longtemps avec les Iraniens. Elle a indiqué que des spécialistes des questions nucléaires et scientifiques et des sanctions se réuniraient avant la prochaine rencontre pour étudier les détails des propositions iraniennes, encore confidentielles, et préparer les mesures qu’ils comptent prendre pour récompenser les ouvertures iraniennes. Selon les analystes, la tenue d’une telle réunion avant les pourparlers de novembre montre le sérieux des promesses de l’Occident qui allégera les sanctions contre l’Iran.
Des propositions encore secrètes
Pour l’heure, les deux délégations n’ont pas divulgué la nature des propositions iraniennes. Selon les analystes, les deux parties ne veulent pas donner de précisions afin de ne pas provoquer de réactions à Téhéran, où les durs du régime suivent avec scepticisme les ouvertures iraniennes, et à Washington, où les « faucons » restent méfiants vis-à-vis de la République islamique. Le négociateur iranien, Abbas Araghchi, s’est contenté d’indiquer que l’Iran a présenté un plan en deux phases : une première phase, qui doit durer six mois, permettrait de rétablir la confiance, et une phase finale comprendrait l’application par l’Iran des mesures de vérification de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), pour faire la transparence sur son programme nucléaire, en échange de la levée des sanctions.
En outre, des sources diplomatiques ont affirmé que Téhéran offrait de réduire ses opérations d’enrichissement d’uranium et de transformer une partie de son stock actuel d’uranium enrichi à 20 % en oxyde d’uranium destiné au fonctionnement des réacteurs civils. L’Iran pourrait également accorder aux inspecteurs de l’AIEA un accès plus large à ses sites nucléaires, acceptant même le principe d’inspection surprise de ses sites nucléaires, réclamé avec insistance par Washington. « Le guide, Ali Khamenei, qui a la haute main sur le nucléaire, a enfin réalisé que la politique de la confrontation ne profitera jamais à son pays, pénalisé par les sanctions. C’est pourquoi il soutient la politique d’ouverture du président Rohani », explique Mohamed Abbas, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Entre prudence et scepticisme
Malgré l’optimisme général, une question s’impose : quelle solution peut-on attendre de la réunion du mois prochain, alors que les positions des deux parties restent largement inconciliables ? Les Six veulent obtenir la suspension de l’enrichissement d’uranium par l’Iran, mais Téhéran ne cesse d’affirmer qu’il ne cédera pas d’un iota sur ses droits nucléaires. C’est pourquoi certains diplomates restent prudents quant aux progrès qui pourraient être enregistrés lors des prochains pourparlers. Depuis dix ans, les pourparlers entre Téhéran et l’Occident connaissent des hauts et des bas : le régime iranien n’a cessé de souffler le chaud et le froid. De quoi semer le doute sur l’éventualité d’une solution définitive à une crise chronique.
Sceptique, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a estimé samedi qu’il était « trop tôt pour tirer des conclusions, d’autant que ce que nous avons connu de la part de l’Iran depuis quelques années nous incite à une ouverture prudente », ajoutant : « Il y a depuis l’élection de Hassan Rohani un changement de ton incontestable ». De même, la Russie, alliée traditionnelle de Téhéran, a déclaré qu’il n’y avait « pas de raisons d’applaudir » les négociations de Genève, qui auraient pu donner lieu à davantage de progrès. « Les résultats sont meilleurs que ceux d’Almaty en février, a commenté le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, mais cela ne garantit pas les progrès ultérieurs ».
Etonnamment, les Etats-Unis ont été les plus encourageants, et ont salué « l’approche plus sérieuse » qu’autrefois de l’Iran dans les discussions. A Washington, la porte-parole du Département d’Etat, Jen Psaki, est apparue optimiste : « Pour la première fois, notre équipe a eu des discussions très détaillées, s’est-elle félicitée. Mais malgré les signaux positifs, personne ne doit s’attendre à une percée du jour au lendemain. Ce sont des problèmes très compliqués ». La porte-parole américaine a ajouté qu’elle plaçait de grands espoirs dans la réunion de novembre. Une rencontre qui, de fait, constituera un test de crédibilité, pour Téhéran comme pour le groupe des Six.
Lien court: