Après des discussions acharnées, Anwarul- Haq Kakara a été nommé premier ministre par intérim par la coalition des deux partis dynastiques habituellement en conflit, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) et le Parti du Peuple Pakistanais (PPP). Sénateur de la province la moins peuplée du Pakistan, Kakara a pour tâche essentielle de diriger le Pakistan jusqu’à l’organisation d’élections générales prévues dans 90 jours conformément à la Constitution. Une tâche difficile car le pays est secoué par une crise économique, politique et sécuritaire et certains analystes prévoient le report des élections.
Le mois dernier, la coalition du PML-N et du PPP a réussi à pousser le parlement à adopter à la hâte une loi donnant au gouvernement intérimaire plus de pouvoir pour négocier avec des organismes internationaux tels que le Fonds monétaire international. Un indice laissant présager qu’il pourrait rester en place pendant un certain temps.
Certains analystes pensent qu’un report des élections pourrait donner du temps aux principaux partenaires de la coalition pour affûter une stratégie contre le parti de l’ancien premier ministre Imran Khan, démis de ses fonctions en avril 2022. En effet, le report des élections donnera le temps à Kakara de s’entendre avec l’armée. Au Pakistan, derrière toute élection se cache l’armée, qui a organisé au moins 3 coups d’Etat réussis depuis que le pays avait été forgé à partir de la partition de l’Inde en 1947.
Selon le chef de l’opposition Raja Riaz Ahmad, le choix de Kakara a plusieurs raisons. « Nous avons d’abord convenu du fait que quel que soit le premier ministre, il devrait être issu d’une plus petite province, de manière à ce que les revendications des plus petites provinces soient traitées », a déclaré Raja Riaz Ahmad à l’issue d’une réunion avec le premier ministre sortant, Shehbaz Sharif. Cette réunion a eu lieu après la dissolution du parlement pakistanais. « Le gouvernement a attendu le jugement de l’ancien premier ministre Imran Khan pour prendre ces décisions critiques. Et, il essayera de retarder les élections. La classe politique veut un peu de calme et de temps pour s’organiser et bien préparer les prochaines élections. Pour elle, l’élimination de Khan était le premier but. L’ancien premier ministre a été reconnu coupable de corruption la semaine dernière et condamné à 3 ans de prison », explique Sameh Rashed, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, ajoutant qu’après ce jugement, on s’attend à un apaisement sur la scène politique. En effet, le pays est en proie à une crise politique depuis que Khan a été démis de ses fonctions par un vote de défiance en avril 2022.
Ces derniers mois, les autorités ont sévèrement réprimé le parti de Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI). Des heurts meurtriers avaient éclaté en mai entre ses partisans manifestant par milliers dans la rue et les forces de l’ordre. La quasi-totalité des dirigeants de son parti avaient été arrêtés ou contraints à se cacher. Khan a bénéficié d’un véritable soutien populaire lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2018, mais les analystes estiment que ce n’était qu’avec la bénédiction des puissants généraux du pays, avec lesquels il se serait brouillé dans les mois qui ont précédé son éviction.
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