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Le Niger, nouveau foyer de tension en Afrique de l’Ouest

Ines Eissa , (avec Agences) , Jeudi, 03 août 2023

Quelques jours après le coup d’Etat au Niger, la Cédéao a fixé le 30 juillet un ultimatum d’une semaine à la junte putschiste, affirmant ne pas exclure un « recours à la force ». La situation reste extrêmement tendue.

Le Niger, nouveau foyer de tension en Afrique de l’Ouest
La CEDEAO a vite réagi suite au coup de force au Niger. (Photo : AP)

Comme prévu, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a vite réagi suite au coup de force du Niger. Les dirigeants de la Cédéao, dont le Niger est lui-même membre avec 14 autres Etats, se sont réunis lors d’un sommet extraordinaire dimanche 30 juillet à Abuja, quelques jours après le coup d’Etat, sous l’égide du président du Nigeria, Bola Tinubu, à la tête de l’institution régionale depuis le début du mois. La Cédéao a fixé un ultimatum d’une semaine aux putschistes pour le « retour complet à l’ordre constitutionnel en République du Niger », a affirmé ne pas exclure un « recours à la force » et a ordonné un blocus économique. La Cédéao a également exigé « la libération immédiate » du président Bazoum. A l’ouverture du sommet, le président nigérian, Bola Tinubu, à la tête de la Cédéao, a dénoncé « la prise d’otage » du président nigérien Bazoum par les putschistes et l’« assaut » fait à la démocratie. « Il n’est plus temps pour nous d’envoyer des signaux d’alarme. Le temps est à l’action ». L’organisation régionale a également décidé de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses Etats membres et le Niger et de geler les avoirs des « responsables militaires impliqués dans la tentative de ce coup ».

Tout a commencé le mercredi 24 juillet, quand le président Bazoum s’est trouvé séquestré par sa garde présidentielle. Après quelques heures de confusion dans les rues de Niamey, les putschistes ont annoncé la suspension de « toutes les institutions issues de la VIIe République », la fermeture des frontières, « la suspension jusqu’à nouvel ordre des activités des partis politiques » et l’instauration d’un couvre-feu. Le lendemain, l’armée a apporté son soutien aux putschistes. « Le commandement militaire des Forces armées nigériennes a décidé de souscrire à la déclaration des Forces de défense et de sécurité », a indiqué un communiqué signé du chef d’état-major, le général Abdou Sidikou Issa, afin d’« éviter une confrontation meurtrière entre les différentes forces ». Auparavant, le président Bazoum avait rejeté le coup d’Etat. « Les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés. Tous les Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront », avait-il déclaré sur Twitter, rebaptisé X, quelques heures après l’annonce par les putschistes qu’il était renversé. « Nous sommes les autorités légitimes et légales », avait de son côté déclaré sur France 24 Hamoudi Massoudou, chef de la diplomatie nigérienne et chef du gouvernement par intérim en l’absence du premier ministre qui était en déplacement au moment du putsch.

Inquiétude internationale

La communauté internationale a elle aussi vite réagi. Washington a fait part de son « indéfectible soutien » à M. Bazoum, assurant que le coup d’Etat mettait en péril le « partenariat » entre les Etats-Unis et le Niger. La France et le chef de l’Onu ont chacun condamné toute « tentative de prise de pouvoir par la force ». Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a, lui, condamné une « tentative pour déstabiliser la démocratie ». « Nous voyons une tendance inquiétante dans la région du Sahel. Les changements anticonstitutionnels et successifs de gouvernement ont des effets terribles sur le développement et la vie des populations civiles », a déploré Antonio Guterres, secrétaire général de l’Onu. En plus, les opérations humanitaires de l’Onu au Niger « sont suspendues » en raison du coup d’Etat, alors que le pays fait déjà face à une situation humanitaire « complexe », a annoncé Stéphane Dujarric, porteparole de l’organisation.

Mais les putschistes persistent et signent. Quelques heures avant le sommet, ils ont dénoncé la réunion de la Cédéao qui a pour objectif, selon eux, « la validation d’un plan d’agression contre le Niger ». Ils y voient la menace d’une « intervention militaire imminente à Niamey en collaboration avec les pays africains non membres de l’organisation et certains pays occidentaux », selon un communiqué lu à la télévision nationale.

Or, la situation ne risque pas de s’arranger de sitôt. Fin 2022, la Cédéao avait décidé de créer une force régionale destinée à intervenir contre des djihadistes, mais aussi en cas de coup d’Etat. Mais bien que les décisions de l’organisation régionale semblent ambitieuses, le recours à une intervention militaire paraît invraisemblable. Le risque est d’autant plus grand que toute intervention militaire au Niger risque de s’élargir au cas où le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, eux aussi dirigés par les militaires, décideraient de soutenir Niamey. D’où l’inquiétude des pays occidentaux, qui craignent la perte d’un allié-clé dans la lutte antiterroriste au Sahel. En effet, après le Mali et le Burkina Faso, le Niger devient le troisième pays du Sahel à connaître un coup d’Etat depuis 2020. Ces pays se tournent désormais vers la Russie. Un coup dur pour les Occidentaux, notamment la France, dont le Niger était le dernier allié dans la région.

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