Malgré l’apaisement, les deux parties ont confirmé que la question de Taïwan reste au coeur des tensions. (Photo : AP)
C’est une visite haute en symboles. Celle du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, à Pékin. La visite de plus haut niveau d’un diplomate des Etats-Unis en près de cinq ans. Le chef de la diplomatie américaine s’est rendu, dimanche 18 et lundi 19 juin, en Chine avec l’objectif affiché d’apaiser les tensions entre les deux grandes puissances. Au premier jour de la visite, Washington a salué des discussions « constructives » et « honnêtes » et s’est félicité de l’accord donné par le chef de la diplomatie chinoise à une visite prochaine aux Etats-Unis. « Si personne ne s’attend à des avancées majeures tant les sujets de friction sont nombreux, l’idée reste toutefois d’amorcer un dégel diplomatique et de maintenir un dialogue pour gérer de façon responsable la relation sino-américaine », a dit le département d’Etat. Blinken a rencontré son homologue chinois, Qin Gang. Les deux hommes ont eu des entretiens francs, substantiels et constructifs, a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller, au terme de l’entretien, alors que le secrétaire d’Etat américain a souligné l’importance de la diplomatie et du maintien de canaux de communication ouverts pour l’ensemble des questions, afin de réduire le risque de perception erronée et d’erreur de calcul.
De son côté, le ministre chinois des Affaires étrangères a rappelé à son homologue américain que les relations entre Pékin et Washington sont au point le plus bas depuis le début de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, en 1979, selon des propos rapportés par la télévision d’Etat. Parmi les points de friction, il a fait savoir que Taïwan est le plus sensible.
De son côté, le président américain a dit espérer une nouvelle rencontre avec le président Xi Jinping au cours des prochains mois pour « parler de nos différences légitimes, mais aussi des domaines dans lesquels nous pouvons nous entendre ». La dernière rencontre des deux leaders remonte à novembre 2022, en marge du sommet du G20 à Bali.
La visite de Blinken est la première d’un secrétaire d’Etat américain en Chine depuis le voyage, en octobre 2018, de son prédécesseur, Mike Pompeo, qui a ensuite été le maître d’oeuvre de la stratégie d’affrontement avec Pékin lors des dernières années de la présidence de Donald Trump. L’Administration Biden a depuis lors maintenu cette ligne dure, allant même plus loin dans certains domaines, notamment avec l’imposition de contrôles à l’exportation pour limiter l’achat et la fabrication par Pékin de puces haut de gamme utilisées dans des applications militaires. Cependant, elle veut coopérer avec la Chine sur des sujets cruciaux. Car, selon les analystes, le temps presse. L’année prochaine sera une échéance électorale à la fois aux Etats-Unis et à Taïwan, que la Chine considère comme l’une de ses provinces qu’elle doit réunifier, par la force si nécessaire comme le prévoient les analystes. « Biden tente de stabiliser les relations bilatérales entre les deux pays rivaux. Cependant, cette visite peut simplement faire bouger les choses, mais ne suffit pas à régler les problèmes de fond », estime Dr Moataz Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Présence chinoise accrue au Moyen-Orient
Selon l’analyste, « Washington veut également freiner l’influence croissante de Pékin au Moyen-Orient ». Car, outre sa présence économique, la Chine entend jouer un rôle politique plus grand dans la région et dans le monde. En effet, la visite de Blinken intervient quelques jours après celle du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, en quête de soutien politique dans sa cause. « La Chine attache une grande importance à la question palestinienne et a toujours fermement soutenu la juste cause du peuple palestinien pour le rétablissement de ses droits nationaux légitimes », a déclaré Qin Gang.
Définie par les Etats-Unis comme un rival, la Chine a renforcé ces dernières années ses relations commerciales et diplomatiques avec les pays du Moyen-Orient, dont une grande partie est traditionnellement sous influence américaine. Réalisant une vraie victoire, Pékin a supervisé et facilité le récent spectaculaire rapprochement diplomatique entre deux grandes puissances régionales, l’Iran et l’Arabie saoudite. « La Chine renforce son rôle politique au Moyen-Orient et en Afrique pour protéger ses intérêts économiques. Elle jouit d’une grande crédibilité car ses relations avec les autres pays sont basées sur l’échange des intérêts, la non-interférence dans les affaires internes des pays et la coopération avec tous les pays sous réserve des différents régimes et tendances politiques », explique Dr Mona Soliman, politologue. D’où ses relations privilégiées avec les pays du Sud. « La Chine est, pour de nombreux pays, un partenaire idéal non seulement du fait de sa force économique, militaire et technologique, mais aussi grâce à son rôle diplomatique équilibré et son adoption d’une politique étrangère active de par le monde et son lancement de grandes initiatives de réconciliation entre les camps rivaux », estime Dr Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire et à l’AUC. En effet, Pékin s’active, depuis plusieurs années, pour résoudre, par la voie pacifique, les problèmes politiques et sécuritaires dont souffre la région. Elle tente aussi d’augmenter ses investissements et oeuvre à accélérer le développement dans les pays de la région en lançant plusieurs initiatives avec la Ligue arabe, comme l’initiative de coopération dans le domaine de la sécurité des informations, l’initiative de la sécurité mondiale et celle de la création d’un cadre sécuritaire commun, complémentaire, coopératif et durable au Moyen-Orient. Pékin a également développé ses relations avec les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) et est devenue le premier partenaire commercial du monde arabe depuis 2020.
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