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Afghanistan : une campagne électorale sous haute tension

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 08 octobre 2013

L'Afghanistan se prépare pour l'élection présidentielle d'avril prochain. Le scrutin, qui coïncidera avec le retrait prévu des troupes de l'Otan, sera un test pour la sécurité du pays.

Afghanistan
Principal rival de Karazaï en 2009, Abdullah Abdullah (au centre) risque de perdre l'élection à cause de son origine tadjike (Photo: Reuters)

La course à l’élection présidentielle de 2014 bat son plein en Afghanistan. Le dépôt des candidatures pour cette échéance cruciale a pris fin dimanche 6 octobre. L’importance particulière de cette élection tient au fait qu’elle désignera le suc­cesseur de Hamid Karzaï, seul homme à avoir dirigé le pays depuis la chute des talibans en 2001. Depuis un mois, les tractations s’intensi­fient en vue de constituer des coalitions sus­ceptibles d’élargir la base électorale des candi­dats. Dans ce pays multiethnique qu’est l’Afghanistan, aucune ethnie n’a la majorité absolue, et les alliances sont indispensables pour avoir une chance de remporter les élec­tions. S’ils veulent avoir une chance d’être élus, les candidats doivent choisir un vice-pré­sident d’une ethnie différente, capable d’attirer les voix de leur communauté. Le président Karzaï, issu de l’ethnie pachtoune, s’était ainsi allié à deux vice-présidents, l’un tadjik, l’autre hazara.

Les ténors de l’opposition, à savoir Abdullah Abdullah, ancien chef de guerre et principal rival de Karzaï lors de la présidentielle de 2009, et le seigneur de guerre Abdul Rashid Dostum, ont formé une coalition dans la pers­pective des présidentielles.

Cette nouvelle alliance est composée de Tadjiks, d’Ouzbeks et de Hazaras, mais compte peu d’appuis chez les Pachtounes, l’ethnie la plus nombreuse du pays. Sans surprise, Abdullah Abdullah a annoncé sa candidature cette semaine. Ancien porte-parole du com­mandant Massoud, assassiné le 9 septembre 2001, l’homme fut ensuite ministre des Affaires étrangères du premier gouvernement Karzaï. «ferons en sorte que cette élec­tion soit juste », a lancé Abdullah Abdullah, se présentant comme le candidat du rassemble­ment, prêt à discuter avec les talibans. Selon des experts, son seul point faible est qu’il est tadjik, ce qui pourrait amenuiser ses chances. Il doit donc trouver un vice-président pachtoune pour attirer les voix de cette communauté.

Deuxième personnalité politique de poids à déposer sa candidature, l’ancien chef de guerre controversé, Abdul Rasul Sayyaf serait l’un des mentors du cerveau des attentats du 11 septembre. Mais il n’a que peu de chance de remporter les élections, car Washington ne l’acceptera probablement jamais. Outre ces deux candidats, d’autres personnalités se sont présentées dimanche à la dernière minute. Deux d’entre elles sont proches de Hamid Karzaï. La première est le ministre des Affaires étrangères démissionnaire, Zalmai Rassoul. Lors du dépôt de sa candidature dimanche, il a déclaré que son programme visait « à protéger l’unité nationale et à renforcer la démocratie et l’économie ». Selon Mohamad Fayez, cher­cheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Zalmai Rassoul a une chance de remporter le scrutin, car il est d’origine pachtoune, il est soutenu par Karzaï et tout le monde reconnaît sa volonté de réformer l’Etat et de lutter contre la corruption. Il lui reste à trouver un vice-prési­dent tadjik pour soutenir sa candidature.

Le second candidat remarquable est l’ancien ministre des Finances, Ashraf Ghani, écono­miste de stature internationale. Cet ancien cadre de la Banque mondiale avait déjà été candidat aux élections présidentielles de 2009, auxquelles il était arrivé en quatrième position au premier tour. « Nous avons besoin de pro­fondes réformes », a déclaré dimanche Ashraf Ghani, en promettant de combattre la corrup­tion et de faire de la jeunesse l’une de ses priorités.

La violence en toile de fond

Le scrutin de 2014 sera observé avec atten­tion par la communauté internationale, qui craint une réédition des élections de 2009 mar­quées par les fraudes et les violences talibanes. En effet, les élections présidentielles du 5 avril auront lieu dans un contexte d’incertitudes, alimenté par l’instabilité et les violences per­sistantes dans le pays. Le départ, prévu fin 2014, de la majorité des 87 000 soldats de l’Otan, n’arrange pas ces craintes. Douze ans de guerre et des moyens militaires colossaux déployés par l’Otan n’ont pas réussi à mater les talibans ; par ailleurs, les tentatives de négociations de paix n’ont débouché sur aucune avancée. Ces échecs menacent le pro­cessus électoral en cours. D’ores et déjà, les rebelles ont fait savoir qu’ils ne reconnaî­traient pas le futur président et ont menacé de saper les prochaines élections. Samedi, trois personnes ont été tuées, dont un chef tribal, dans l’explosion d’une bombe au passage de leur véhicule dans la province de Farah, à l’ouest du pays.

Dans ce contexte de violence, aucun accord militaire n’a encore été conclu entre Washington et Kaboul sur le maintien des troupes américaines après 2014, dans un but de lutte antiterroriste et de formation des forces afghanes. Inquiet, le secrétaire d’Etat améri­cain à la Défense, Chuck Hagel, a espéré que l’accord serait signé « d’ici fin octobre ». D’après le chef du Pentagone, « tout le monde comprend qu’un accord bilatéral de sécurité constituera la structure qui nous permettra, ainsi qu’à nos partenaires, d’avancer et de prendre des décisions. Nous ne pouvons rien faire sans lui ».

Les Etats-Unis négocient cet accord depuis plusieurs mois avec le président afghan, sans succès. Selon la présidence, l’accord achoppe à cause des exigences américaines en matière d’opérations militaires. « Les Etats-Unis sou­haiteraient pouvoir mener à leur guise des opérations militaires et des raids nocturnes en Afghanistan », explique son porte-parole Aimal Faizi, qui considère cette demande comme inacceptable. Hamid Karzaï a laissé entendre que l’accord pourrait ne pas être signé avant les prochaines présidentielles. « Nous ne sommes pas pressés, a-t-il indiqué. Si cela arrive pendant mon mandat, tant mieux, sinon, le nouveau président s’en char­gera et l’acceptera ou le rejettera ».

Cette fermeté afghane inquiète les experts qui craignent de voir le scénario cauchemar­desque de l’Iraq se répéter en Afghanistan. En Iraq, les Etats-Unis comptaient maintenir un contingent au-delà de 2011, mais faute d’ac­cord, ils avaient finalement dû rapatrier l’en­semble de leurs troupes, Bagdad ayant refusé d’accorder l’immunité juridique aux forces américaines. Selon Mohamad Fayez, « l’Afghanistan pourrait plonger dans la vio­lence et l’instabilité si aucun accord sécuri­taire pour l’après-2014 n’est conclu. Les tali­bans vont propager la terreur pour reprendre le pouvoir par la force et le pays retournera à la case départ ». Une hypothèse que personne ne souhaite voir se réaliser.

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