La contre-offensive ukrainienne, annoncée maintenant depuis des semaines, semble être passée dans la phase supérieure des préparatifs. Quand et où, personne ne le sait. Mais les spéculations sur les capacités ukrainiennes à réaliser les objectifs affichés vont bon train. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait annoncé il y a maintenant un mois préparer une contreoffensive d’ampleur et vouloir récupérer les territoires pris par l’armée russe, y compris la Crimée annexée en 2014. Mais de nombreuses interrogations demeurent.
Vendredi 21 avril, en marge d’une réunion des soutiens à l’Ukraine sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne, le secrétaire général de l’Otan s’est dit être « confiant dans le fait qu’ils (les Ukrainiens) seront désormais en mesure de libérer encore plus de terrain ». Sollicitée par l’Ukraine qui nécessite toujours plus d’armes face au géant russe, la rencontre a réuni une cinquantaine de pays et visait à coordonner le soutien militaire à Kiev. Elle a été initiée par le secrétaire d’Etat américain, Lloyd Austin, qui a déclaré : « Tous ensemble, on va s’assurer que l’Ukraine dispose de tout ce dont elle a besoin pour vivre en liberté », avant de souligner que les « munitions et outils de défense aérienne » étaient à l’ordre du jour. « Confiant », c’est ce que veut aussi montrer le président ukrainien. Avec l’arrivée du printemps et des chars occidentaux sur le terrain, la contre-offensive semble imminente. Et, de l’état-major ukrainien aux réseaux sociaux, l’Ukraine montre sa détermination et ses capacités. Depuis quelques jours, des vidéos où des centaines de soldats ukrainiens défilent ou s’entraînent apparaissent un peu partout sur les réseaux sociaux et les chaînes nationales, y compris russes. D’après Reuters, l’Ukraine aurait formé 40 000 nouveaux soldats pour le printemps. Optimisme versus logistique Optimiste, la communication soutenue des derniers jours cherche aussi à effacer un doute qui, pourtant, persiste sur les capacités de l’Ukraine à réaliser les objectifs affichés : la logistique et le nombre. Car, au-delà du moral des soldats ukrainiens, tel est bien aujourd’hui l’impératif qui s’impose. Et pour certains, le calcul est simple. L’Ukraine annonce 40 000 nouveaux soldats et l’arrivée de 230 chars occidentaux pour faire face à une ligne de front de 800 km tout droit sortie des livres d’Histoire et qui peut potentiellement être renouvelée par des centaines de milliers d’hommes. Et, les dernières lois adoptées à la va-vite cette semaine au parlement russe pour faciliter les procédures de mobilisation montrent que, du côté du Kremlin, envoyer de la chair fraîche n’est plus un problème.
L’optimisme militaire ukrainien a donc plus d’un talon d’Achille. D’abord, le renouvellement des armes et des soldats. Au milieu d’une guerre d’usure, voire d’attrition, percer la ligne de front de façon décisive face à un ennemi qui n’a pas peur des pertes va demander à l’Ukraine un sur-effort logistique et humain répété sur une zone précise. En ce sens, l’échec de cette contre-offensive pourrait aussi être fatal pour l’Ukraine. Ensuite, vient l’appui aérien — meilleure option face à une ligne de tranchée ennemie et couvrir l’avancée des hommes à terre. Mais celui-ci, comme le renouvellement des munitions et des armes, est conditionné au soutien, à la cohésion et à la rapidité de décision des soutiens militaires de l’Ukraine.
De l’autre côté, cependant, si la Russie impressionne, la professionnalisation de ses soldats interroge et peut légèrement rééquilibrer l’équation. Le choix du Kremlin d’édifier une ligne de défense massive qui, à bien des égards, date du siècle dernier, montre aussi une perte de qualité au sein de ses rangs, essentiellement composés désormais de mobilisés et de volontaires. Plutôt que de jouer la tactique et la mobilité, n’ayant pas les troupes suffisamment formées pour, Moscou joue une nouvelle fois sa meilleure carte : la saturation du terrain, dans l’espoir d’épuiser toutes les ressources de son adversaire et passer la contre-offensive.
Si l’issue est difficile à prévoir, la contreoffensive ukrainienne aura pour sûr un impact décisif sur le cours de la guerre au vu des coûts humains et matériels engagés des deux côtés. Le plus probable est que l’armée ukrainienne obtiendra, effectivement, des succès sur le terrain, mais seront-ils suffisants pour faire passer Moscou à la table des négociations ou, mieux encore, libérer l’Ukraine ? Depuis septembre et les victoires raflées par surprise à Kherson et Kharkiv, Kiev a récupéré 4 % supplémentaires des territoires occupés par la Russie.
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