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Quand Israël joue avec le feu

Maha Salem , (avec Agences) , Mercredi, 12 avril 2023

La violente interruption de la police israélienne à la mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem a mis le feu aux poudres. Le Proche-Orient connaît une recrudescence des violences.

Quand Israël joue avec le feu
(Photo : AP)

Frappes aériennes israéliennes, attentats meurtriers et tirs de roquettes en provenance de Gaza, du Liban et de la Syrie. La région est en proie à une vague de violences. Tout a commencé quand les forces israéliennes ont fait irruption le 5 avril par deux fois dans la mosquée d’Al-Aqsa de Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam, et ont délogé des fidèles rassemblés pour des prières nocturnes, en plein Ramadan. Les forces israéliennes ont arrêté plus de 350 personnes en une seule nuit. Cette irruption a suscité une série de condamnations internationales, locales et régionales et une brusque flambée des tensions. Pour les autorités israéliennes, il s’agit de « rétablir l’ordre ».

« Mais il s’agit surtout de faire digression », estime Dr Mona Soliman, politologue. « Il est vrai que le Ramadan est toujours une période sous haute tension et qu’Israël a l’habitude de ce genre d’agression, mais cette année, la situation est quelque peu différente. Car Israël fait face à une vague de contestation sans précédent au sujet du projet de réforme judiciaire. Le gouvernement et la classe politique ne savent quoi faire pour arrêter cette vague. Alors, leur dernière chance est de profiter de ces événements pour détourner l’attention des manifestants, calmer leur colère et leur dire qu’il existe un autre danger plus important. Mais la réalité est que les manifestations se poursuivent quand même », affirme l’analyste.

Embrasement général

La Ville Sainte est certes l’épicentre des tensions, mais celles-ci se sont vite étendues. Dès le lendemain de l’irruption d’Al-Aqsa, une trentaine de roquettes ont été tirées du Liban vers Israël, blessant une personne et causant des dégâts matériels. L’armée israélienne a riposté en menant des frappes sur Gaza et sur le sud du Liban. Une escalade sans précédent sur le front israélo-libanais depuis 2006. Israël et le Liban sont techniquement en état de guerre après différents conflits, et la ligne de cessez-le-feu est contrôlée par la Force intérimaire des Nations-Unies (Finul), déployée dans le sud du Liban.

L’armée israélienne a affirmé que ces tirs, non revendiqués, étaient « palestiniens », et très vraisemblablement du mouvement islamiste Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza. Une accusation non prouvée, mais une excuse pour frapper Gaza.

Très vite, la situation s’est embrasée et on est entré dans un cercle vicieux de représailles et de contre-représailles. Vendredi 7 avril, un attentat à la voiture-bélier à Tel-Aviv a coûté la vie à un touriste italien, alors que deux soeurs israéliennes sont mortes dans une autre attaque en Cisjordanie occupée. Sans la revendiquer, le Jihad islamique, groupe armé palestinien, a qualifié l’attentat de Tel-Aviv de « réponse naturelle et légitime aux crimes et aux attaques de l’occupation contre notre peuple et nos lieux saints ».

Le premier ministre Netanyahu a promis de faire payer aux « ennemis » d’Israël « le prix fort » pour « chaque agression » contre son pays. Et Israël a annoncé la mobilisation d’unités de policiers de réserve et de renforts militaires. « Netanyahu a donné l’ordre à la police de mobiliser toutes les unités de réserve de la police aux frontières, et à l’armée de mobiliser des forces supplémentaires », a affirmé un communiqué du ministère de la Défense, qui a confirmé la mobilisation des soldats pour appuyer la police, et a annoncé le renforcement des restrictions d’entrée en Israël pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, notamment les travailleurs. L’armée israélienne a également annoncé, dimanche 9 avril, avoir frappé la Syrie en riposte à des tirs de roquettes vers la partie du Plateau du Golan annexée par Israël. Il s’agit d’une région stratégique, patrouillée par ses soldats et aussi limitrophe du Liban. En effet, les tirs de roquettes depuis la Syrie en direction du Golan ont été revendiqués par les brigades Al-Qods, la branche armée du Jihad islamique. « Le groupe armé palestinien basé à Damas et fidèle au régime de Bachar Al-Assad dit avoir tiré en réponse à l’entrée de la police israélienne dans l’enceinte de la mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem », indique le communiqué du groupe.

Un « axe de la résistance »

En première réaction, les chefs du Hezbollah pro-iranien au Liban, Hassan Nasrallah, et du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, se sont réunis dimanche 9 avril au Liban et ont évoqué la « coopération » face à Israël. Le Hezbollah, organisation chiite très présente dans le sud du Liban, a affirmé que « tout l’axe de résistance est en état d’alerte », après avoir ouvertement soutenu les groupes palestiniens contre Israël. L’« axe de la résistance » est le terme employé pour évoquer les mouvements palestiniens, libanais, syriens et autres, proches de l’Iran et opposés à Israël. Lors de leur entretien, les chefs des deux mouvements ont souligné que « l’axe de la résistance se tient prêt » face aux développements et que « ses composantes coopèrent » dans la région, selon un communiqué du Hezbollah. Les deux hommes ont également évoqué « l’intensification de la résistance en Cisjordanie et à Gaza » et « les événements à la mosquée d’Al-Aqsa », selon le communiqué. Essayant d’inquiéter Tel-Aviv, le Hamas et le Jihad islamique ont fait savoir que « les factions palestiniennes poursuivront les tirs de roquettes si Israël continue ses agressions et raids aériens », ont affirmé à l’AFP des sources de ces mouvements palestiniens à Gaza.

Le ministère libanais des Affaires étrangères a assuré, quant à lui, que le Liban voulait préserver le calme dans le sud, appelant la communauté internationale à faire pression sur Israël pour arrêter l’escalade. Quant au président palestinien, Mahmoud Abbas, son porte-parole, Nabil Abou Roudeina, a estimé que la nouvelle attaque israélienne contre la mosquée d’Al-Aqsa soulignait la volonté du gouvernement israélien « de précipiter la région dans l’instabilité ».

Si le conflit israélo-palestinien connaît une nouvelle flambée de violences depuis l’investiture, fin décembre, d’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël, une autre donne est venue s’ajouter et explique la récente escalade : la réconciliation entre Téhéran et Riyad. « Alors que l’Iran reste l’ennemi numéro un d’Israël, le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran inquiète l’Etat hébreu au plus haut niveau. Israël veut ainsi envoyer un message à la communauté internationale selon lequel il peut embraser toute la région et la plonger dans l’instabilité. Il veut pousser la communauté internationale à freiner ce rapprochement, afin de protéger ses intérêts », conclut Dr Mona Soliman.

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