Aux Etats-Unis, l’affaire est retentissante. Donald Trump, ancien président et candidat pour la présidentielle de 2024, a été inculpé au pénal jeudi 30 mars par un grand jury de New York. Les chefs d’accusation n’ont pas encore été rendus publics. Mais l’affaire concerne un versement de 130 000 dollars réalisé par son avocat, Michael Cohen, à la faveur de Stormy Daniels, de son vrai nom Stephanie Clifford — une actrice de film pornographique, avec laquelle l’ex-président américain aurait eu une liaison un an après son mariage avec Melania, et dont il aurait cherché à acheter le silence lors de sa campagne présidentielle. Le bureau du procureur de Manhattan a indiqué à la presse new-yorkaise qu’il cherchait à établir si l’ancien président, en remboursant les 130 000 dollars à son avocat via les fonds de sa société, la Trump Organization, avait ainsi « falsifié les comptes (de sa société) pour dissimuler le paiement et violé la loi sur les dépenses électorales ».
Michael Cohen, condamné dans la même affaire en 2018 pour fraude fiscale et infraction aux lois sur le financement électoral, a reconnu avoir effectué le paiement quelques jours avant l’élection, sans fournir d’explication. La justice américaine met donc désormais en cause la responsabilité de Donald Trump et le soupçonne d’avoir utilisé sa société pour rembourser son avocat. Dans le livre des comptes de la société utilisée, un paiement du même montant à Michael Cohen est signalé comme une « couverture de frais juridique ». Ce dont doute probablement le jury de New York.
S’il est bel et bien établi que l’ancien président a utilisé sa société pour rembourser l’avocat, ce versement constitue un don dissimulé à la campagne présidentielle. Et donc, une infraction aux lois américaines de financement électoral. Un délit passible de 4 ans d’emprisonnement.
L’ancien président des Etats-Unis est attendu le mardi 4 avril devant la cour de New York afin d’y recevoir la notification officielle de son inculpation (ndlr: résultats non connus au moment de l’impression du journal). Il peut choisir de ne pas s’y rendre et fuir en Floride, son lieu de résidence, au risque d’être arrêté. Ou bien, se présenter à la justice et être placé brièvement et symboliquement en arrestation après sa notification. Pour la première fois de l’Histoire, un ancien président américain serait alors placé en arrestation : empreintes, photos, garde à vue. L’image est rocambolesque pour un ancien locataire de la Maison Blanche.
Lors de la notification de son inculpation, Donald Trump devra alors se déclarer « coupable » ou bien « non coupable ». Dans le premier cas, la peine sera allégée, et le procès évité. Mais c’est mal connaître celui que l’on nomme déjà « l’homme le plus combatif des Etats-Unis ».
Des conséquences imprévisibles
Après l’assaut du Capitole, la fraude fiscale, ou encore la non-restitution de documents confidentiels, c’est finalement la tentative de couvrir une affaire extraconjugale datant de 2006 qui amènera à comparaître l’ancien président devant la justice. Mais, face à un entrepreneur de colère politique avisé, cette procédure judiciaire peut-elle vraiment inquiéter l’avenir de Donald Trump ? Juridiquement parlant, l’ancien président, même condamné, peut toujours se présenter à la présidentielle. Politiquement, le bras de fer vient d’être engagé entre l’homme et les institutions américaines. Et les conséquences peuvent être inattendues.
Donald Trump, qui nie tout en bloc, a aussitôt dénoncé une « chasse aux sorcières », une « persécution politique » orchestrée par le « marais démocrate » de la Maison Blanche et de la magistrature américaine contre lui. A l’annonce de la nouvelle, la classe politique républicaine a montré un soutien inconditionnel. Même ses adversaires potentiels à la présidentielle, Ron DeSantis, Mike Pence, Nikki Haley … Tous ont dénoncé la procédure de la cour de New York comme un « abus de pouvoir » de l’administration démocrate et envoyé des messages de soutien à l’ancien président américain.
Le camp républicain mise sur l’outrage face à l’évidence. C’est que l’ancien milliardaire avait déjà préparé le terrain. Le 18 mars dernier, le milliardaire avait ainsi annoncé sur Twitter que, lui, « candidat du parti républicain (...) et ancien président des Etats-Unis, va être arrêté », avant d’appeler ses partisans: « Manifestez, reprenez notre nation ! ». Un air de déjà-vu.
Si la classe républicaine a resserré ses rangs autour du milliardaire, ses partisans continueront-ils d’en faire autant? L’ancien président sera-t-il condamné par la justice et honni? Ou bien s’en sortira-t-il indemne après, sûrement, une longue bataille juridique dont il capitalisera le retentissement médiatique ?
A l’heure où le monde ne cesse déjà d’interroger la démocratie, la plus grande d’entre elles vient tout juste d’être mise à l’épreuve d’elle-même.
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