Les contestataires, descendus dans la rue pour la treizième semaine consécutive, réclament une annulation pure et simple de la réforme judiciaire. (Photo : AP)
Treizième semaine de manifestation. Malgré la « pause » annoncée par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, dans le projet de réforme judiciaire après un début de grève générale et l’apparition de tensions au sein de la majorité, les contestataires sont à nouveau descendus dans les rues samedi 2 avril, comme chaque samedi, car, comme l’ont affirmé les organisateurs, « nous sommes à quatre semaines du moment où le gouvernement soumettra les lois de la dictature au vote à la Knesset ». « Ces manifestations et celles des semaines à venir seront cruciales pour l’avenir d’Israël », ont-ils ajouté.
C’est dire que si la tension a baissé, elle est loin d’avoir disparu. De nombreux Israéliens considèrent la pause comme une simple manoeuvre. Et la défiance est à la mesure des enjeux. Car le projet de réforme voulu par Netanyahu donnerait un pouvoir absolu à l’exécutif et diminuerait celui de la Cour suprême. Or, dans le système israélien, où le gouvernement est issu de la coalition majoritaire au parlement, et oeuvre donc de concert avec les députés, c’est la Cour suprême qui constitue le seul véritable contrepouvoir. La réforme voulue permettrait aussi à la Knesset d’annuler toute décision de la Cour suprême à la majorité simple et donnerait plus de poids à l’exécutif dans le choix des magistrats de la Cour suprême. Une sorte de porte de sortie à Netanyahu, sous le coup de plusieurs poursuites en justice pour corruption.
Les enjeux sont tels qu’il est difficile de voir Netanyahu renoncer à son projet. L’heure est aujourd’hui aux négociations. Les premières discussions concernant la réforme ont commencé dès le lendemain de l’annonce de Benyamin Netanyahu, qui a déclaré qu’il avait pris cette décision afin de donner « une chance à un vrai dialogue » en vue de l’adoption d’un texte plus consensuel lors de la session parlementaire d’été qui commence le 30 avril. Les premières « rencontres de dialogue » se sont tenues la semaine dernière à la résidence du président israélien, Isaac Herzog, « dans un esprit positif » entre « les équipes de travail représentant la coalition au pouvoir », ainsi que les formations d’opposition Yesh Atid et le Parti de l’unité nationale, selon un communiqué officiel. Pour autant, aucun détail n’a été fourni sur le contenu des discussions et sur d’éventuelles modifications dans le projet de réforme.
Or, il ne reste plus que moins d’un mois à toutes les parties pour parvenir à un compromis. Le temps est donc compté, puisque le texte sera à nouveau examiné lors de la prochaine session parlementaire qui s’ouvre le 30 avril. Mais les divisions sont profondes et un compromis semble, pour l’heure, difficile à atteindre. Plusieurs membres de la majorité assureraient, dans les coulisses, que la réforme sera votée quoi qu’il arrive. Et selon certains observateurs, le premier ministre israélien entend profiter de cette trêve avant tout pour resserrer les liens au sein de sa coalition.
Brouille avec Washington
Netanyahu doit aussi resserrer les liens avec Washington, son allié de toujours, après un rare différend public entre les deux alliés. Jamais, depuis la naissance d’Israël, la tension entre les deux partenaires n’avait été aussi palpable. La tension est quelque peu tombée entre Tel-Aviv et Washington après avoir atteint son apogée la semaine dernière, toujours au sujet de la fameuse réforme. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, et son homologue israélien, Eli Cohen, ont réaffirmé, jeudi 30 mars, « l’importance » des liens entre les Etats-Unis et Israël, a indiqué le Département d’Etat. Quelques jours auparavant, le président américain, Joe Biden, avait appelé le premier ministre israélien à renoncer à son projet controversé. « Ils ne peuvent pas continuer sur cette voie », avait-il dit. « Espérons que le premier ministre fera en sorte de trouver un véritable compromis, mais cela reste à voir », a déclaré Biden, en insistant sur le mot « véritable ».
Autre sujet de friction, mais pas aussi pesant, la relation avec les Palestiniens. Blinken a réaffirmé le soutien américain à la création d’un Etat palestinien, éventualité que rejettent la plupart des membres du gouvernement Netanyahu, le plus à droite de l’histoire d’Israël. Le secrétaire d’Etat américain a « souligné l’importance de s’abstenir de toute action unilatérale susceptible d’exacerber les tensions », a rapporté le porte-parole du Département d’Etat. Mais à ce sujet, les déclarations américaines en faveur de la paix n’ont jamais affecté, et n’affecteront jamais, les relations entre Tel-Aviv et Washington.
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