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Iran: prémices d’un dégel

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 01 octobre 2013

Lors de leurs réunions en marge de l’Assemblée générale de l’Onu, l’Iran et les grandes puissances ont convenu de parvenir à un accord sur le nucléaire « d’ici un an ». Une nouvelle réunion entre Téhéran et les Six aura lieu à Genève les 15 et 16 octobre.

Premice
A son retour à Téhéran, Rohani est accueilli triomphalement par ses partisans. (Photo: AP)

Optimisme démesuré ? A en croire le prési­dent iranien modéré Hassan Rohani, la crise nucléaire iranienne, dans l’impasse depuis une décennie, pourrait être résolue avant un an. « D’ici trois à six mois, mon gou­vernement aura conclu un accord », a déclaré Rohani, lors de ses réu­nions avec les grandes puissances en marge de la 68e Assemblée géné­rale de l’Onu. Ce ton conciliant, qui tranche avec celui de son prédéces­seur Ahmadinejad, a quelque peu décrispé les relations entre Téhéran et les Occidentaux.

Les prémices de ce dégel sont venues avec l’élection de Rohani à la présidence de la République en Iran. Pour la première fois depuis 2005, le président français, François Hollande, s’est entretenu avec son homologue iranien. Après avoir longtemps fait figure de faucon, Paris semble intégrer la nouvelle donne et le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a parlé d’un « changement d’attitude très très net » chez les Iraniens. Plus important, pour la première fois depuis 1980, le chef de la diploma­tie iranienne, Javad Zarif, a eu une rencontre sans précédent à New York avec ses homologues des grandes puissances, dont celui des Etats-Unis, John Kerry, sur le nucléaire iranien. « C’était une réu­nion dense, l’atmosphère était bonne et énergique », a précisé la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton. Les deux parties ont convenu d’engager de nouvelles négociations sur le nucléaire à Genève les 15 et 16 octobre.

Teheran

Une évolution plus prometteuse a eu lieu aussi cette semaine quand Zarif et Kerry se sont parlé en tête-à-tête et se sont serrés la main à l’issue de cette réunion sans précé­dent où Zarif a promis de résoudre la crise « d’ici un an ». Pour encou­rager l’ouverture iranienne, Kerry a laissé entrevoir une levée de cer­taines sanctions « s’il existe un pro­cessus transparent par lequel nous saurons exactement ce que l’Iran compte faire de ce programme », a-t-il affirmé.

La dernière des prémices de dégel semble la plus spectaculaire : un contact téléphonique « historique » est survenu vendredi entre Obama et Rohani, marquant « la fin d’un tabou vieux de 35 ans », puisque les deux pays n’entretiennent plus de relations depuis 1980.

Quelles issues à la crise ?

Dans cette ambiance promet­teuse plusieurs questions se posent : comment cette crise sera-t-elle résolue en l’espace de quelques mois alors que les posi­tions des deux parties restent inconciliables ? L’opération de séduction de Rohani va-t-elle se traduire en actes ? Sur la forme, le contraste avec Ahmadinejad est flagrant. Mais, sur le fond, le chan­gement reste mineur. Rohani était clair dès le premier jour. « L’Iran ne va faire aucune concession sur ses droits nucléaires ». De quoi avorter d’avance toute percée à la crise. Selon les analystes, la seule bouée de sauvetage est que Téhéran accepte l’offre faite en avril lors de la réunion des 5+1 à Almaty au Kazakhstan. Cette offre prévoyait la « suspension » et non plus « l’arrêt » des activités d’en­richissement d’uranium à 20 % en Iran en échange de l’atténuation de certaines sanctions sur le com­merce de l’or et le secteur pétro­chimique, qui étranglent l’écono­mie iranienne. Samedi, Pékin et Washington ont saisi l’occasion pour rappeler à l’Iran qu’il y a une offre sur la table depuis avril et que Téhéran doit y répondre de « façon positive ». Dimanche, le vice-ministre iranien des Affaires étran­gères, Abbas Araghchi, a fait un pas en avant en affirmant que son pays est prêt à discuter d’une limi­tation du niveau d’enrichissement mais ne suspendra jamais totale­ment cette activité.

Or, ce pas en avant ne signifie pas que la crise nucléaire est résolue surtout avec un régime ambigu qui a longtemps fait des pas en avant et d’autres en arrière. Personne ne possède la baguette magique qui va faire oublier à Téhéran et Washington trois décennies de rancoeur et de méfiance. En fait, le nucléaire n’est pas la seule pomme de discorde entre les deux pays. Il y a aussi des dossiers de litige comme le terrorisme et la Syrie. Mais ce qui rend encore plus douteux un vrai dégel c’est la réticence des faucons des deux régimes, iranien et américain. Pour un simple coup de téléphone, Rohani et Obama se sont attiré la colère de l’aile dure de leurs régimes. Le plus dur est que ces deux chefs réussissent à convaincre leur propre camp qu’un accord est possible. Une mission difficile. A son retour à Téhéran samedi, Rohani a reçu un accueil mitigé. Alors que des banderoles portaient : « Rohani merci », d’autres portaient « Mort à l’Amé­rique » et «à Israël », l’un des manifestants jetant même une chaussure contre la voiture prési­dentielle, sans l’atteindre. Pour se justifier, Rohani a expliqué qu’il avait défendu à New York la posi­tion de l’Iran dans le dossier nucléaire dans le cadre de la poli­tique de « souplesse héroïque » définie par le guide suprême. La même réticence a été affichée par les faucons américains qui ne croient plus aux promesses ira­niennes. Sans oublier les pressions que va exercer Israël pour entraver tout rapprochement avec Téhéran.

A la lumière de ces tensions, la seule issue est d’alléger les sanc­tions internationales contre Téhéran à condition que ce pays accepte l’offre nucléaire d’Almaty, et fasse pression sur le Hezbollah afin qu’il cesse de soutenir le régime d’Assad. L’Iran peut en effet aider à trouver une issue poli­tique à la crise syrienne.

Rencontre fructueuse entre Téhéran et l'AIEA

L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) a eu vendredi une réunion « constructive » avec les responsables iraniens. Une autre rencontre aura lieu le 28 octobre pour résoudre la crise nucléaire. Il s’agit de la 11e rencontre entre Téhéran et l’AIEA depuis un an et demi et la première depuis l’élection du président Rohani. A l’issue de cette réunion, qualifiée de « très constructive », les deux côtés ont décidé de se rencontrer à nouveau le 28 octobre. « Le 28 octobre, nous entamerons les discus­sions sur la façon de résoudre toutes les questions en suspens », a déclaré le chef des inspecteurs de l’agence, Herman Nackaerts, tout en saluant la volonté iranienne de résoudre la question nucléaire rapidement. Enthousiaste, le nouvel ambassadeur iranien auprès de l’AIEA, Reza Najafi, lui, a souligné que les deux camps avaient mené des « discussions utiles sur différents sujets ». Il s’agit d’un nouveau signal positif après l’offensive diplomatique de Rohani à la tribune de l’Onu. L’AIEA, qui vérifie régulièrement les installations nucléaires de l’Iran, enquête sur le pays depuis plus d’une décennie afin de déterminer si son programme est purement pacifique, ce qu’elle n’est toujours pas en mesure de dire faute, selon elle, de coopération du régime islamique. L’objet de ces négociations consiste à mettre au point un accord permettant à ses inspecteurs de vérifier si ses soupçons sont fondés ou non

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