« Nous leur avons dit : Ecoutez, si vous n’extradez pas les terroristes que vous avez, nous ne pourrons pas ratifier cette adhésion à l’Otan dans notre parlement ». Par cette déclaration faite dimanche 15 janvier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a fait savoir que son pays n’allait pas ratifier de sitôt l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan, rappelant que l’extradition des « terroristes » était une « condition préalable » pour que les deux pays nordiques deviennent membres de l’Alliance atlantique. Ibrahim Kalin, proche conseiller d’Erdogan, avait déclaré la veille que son pays n’était pas « en situation d’envoyer la loi (pour ratification) au parlement ».
Ces déclarations interviennent alors qu’Ankara a dénoncé, jeudi, un montage vidéo réalisé par un groupe proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Suède, montrant le président Erdogan en pendu et traité de « dictateur ». Pour Ankara, c’est « la preuve que les autorités suédoises n’ont pas pris les mesures nécessaires contre le terrorisme, comme elles le prétendent ces derniers temps ». Pour Stockholm, c’est « un sabotage contre la demande suédoise et finlandaise ».
Car la Turquie bloque toujours l’entrée de ces deux pays dans l’Otan. Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, prévoyait pourtant l’une des candidatures les plus rapides de l’histoire de l’alliance, lorsque la procédure a débuté mi-mai suite à la guerre en Ukraine. Début janvier, dans une interview à l’AFP, il a mis de l’eau dans son vin, déclarant que la Suède et la Finlande pourraient accéder à l’organisation courant 2023.
Mais ce ne sera sans doute pas de sitôt. Ibrahim Kalin a rappelé aux gouvernements suédois et finlandais que le parlement actuel changerait dans six mois, lorsque des élections auraient lieu. Rien à attendre avant, donc. En effet, estime Dr Mona Soliman, spécialiste de la Turquie, « Erdogan va continuer à faire pression sur l’Otan jusqu’aux élections, et ce, afin de renforcer sa popularité chez les nationalistes antikurdes. Bref, il ne faut pas prévoir le feu vert turc à l’adhésion de ces deux pays avant sa réélection ».
En attendant, Ankara tente de gagner du temps. Kalin a affirmé que la Turquie « ne demande rien à la Suède ou à la Finlande qui ne soit conforme à leur loi : nous sommes très réalistes ». Le gouvernement turc a notamment réclamé l’expulsion de plusieurs membres du PKK et du mouvement de Fethullah Gülen, accusé d’avoir fomenté la tentative de coup d’Etat de 2016.
Par ailleurs, Ankara poursuit un marchandage d’un autre genre : exclue par l’Administration Trump du programme F-35, dont elle était l’un des partenaires, pour avoir acquis et mis en service des systèmes russes de défense aérienne S-400 « Triumph », la Turquie, soulignant l’importance de sa place au sein de l’Otan, sa position géographique lui assurant le contrôle des accès à la mer Noire, a demandé aux Etats-Unis de lui livrer 40 chasseurs-bombardiers F-16 « Viper », ainsi que 80 kits pour porter d’anciens appareils de ce type à ce nouveau standard. Et, selon le Wall Street Journal, l’Administration Biden a l’intention de demander au Congrès d’approuver ces ventes. Dans ce dossier, la candidature de la Suède et de la Finlande à l’Otan a donné un moyen de pression supplémentaire à la Turquie.
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