La trêve unilatérale annoncée par Moscou pour le Noël orthodoxe n’a pas été respectée. (Photo : AFP)
A chacun sa version des choses. L’Ukraine et la Russie multiplient les annonces, souvent contradictoires. Dimanche 8 janvier, la Russie a revendiqué une attaque sur Kramatorsk, affirmant avoir mené des frappes sur des casernes militaires dans cette ville de l’est de l’Ukraine et infligé de lourdes pertes à son adversaire en « représailles » au bombardement ukrainien sur Makiïvka. Une information démentie par Kiev. « Les troupes russes n’ont pas la capacité de délivrer des frappes de haute précision », a déclaré Serhi Cheravaty, un porte-parole du commandement est de l’armée ukrainienne, au média Suspilne, en dénonçant une « opération de communication » russe face aux succès ukrainiens. Les autorités ukrainiennes locales ont, pour leur part, rapporté que Kramatorsk a été touchée par sept roquettes au cours de la nuit, mais pas des installations militaires.
Ces développements interviennent après une trêve de deux jours, décrétée unilatéralement par la Russie à l’occasion du Noël orthodoxe, le 7 janvier. Une trêve qui n’a finalement pas été respectée. Mais là aussi, chaque partie a livré sa propre vision. L’Ukraine a accusé l’armée russe de ne pas l’avoir respectée et la Russie a accusé en retour les Ukrainiens d’en avoir empêché l’application en la forçant à riposter.
D’ailleurs, avant même son entrée en vigueur hypothétique, la trêve a été jugée par Kiev et ses alliés comme une chance que Moscou veut se donner pour gagner du temps. « Illogique », estime Dr Sameh Rashed, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Deux jours sont insuffisants pour organiser les rangs de n’importe quelle armée. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, profite de l’hostilité de l’Occident envers la Russie pour obtenir le maximum aux niveaux politique, militaire et économique », estime l’analyste, ajoutant que les Occidentaux continuent de gaver le régime de Kiev d’armes et d’équipements militaires et de lui fournir des informations opérationnelles et de ciblage, ce qui ne fait que prolonger le conflit.
En effet, Washington a annoncé, vendredi 6 janvier, une aide militaire record de 3 milliards de dollars à Kiev. La nouvelle aide, qui comprend 50 blindés d’infanterie de type Bradley et des dizaines d’autres véhicules blindés, mais pas les chars d’assaut que Kiev réclame aux Occidentaux, renforcera les capacités de mouvement des forces ukrainiennes. Cette nouvelle tranche de 2,85 milliards de dollars d’armement tirés des stocks de l’armée américaine et 225 millions de commandes à l’industrie de défense est « la plus élevée en valeur totale que nous ayons promise jusqu’ici », a déclaré à la presse Laura Cooper, vice-secrétaire adjointe de la Défense chargée de la Russie au Pentagone, ajoutant que « les Bradley vont encore renforcer la capacité de l’Ukraine à mener des manoeuvres complexes dans pratiquement toutes les conditions météo et sur tous les terrains, notamment dans le sud et l’est du pays ».
Washington met le paquet
Le président Zelensky a salué cette nouvelle tranche d’aide, qui porte à 24,2 milliards de dollars l’aide militaire totale des Etats-Unis depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février 2022. Quant aux Européens, l’Allemagne va envoyer à l’armée ukrainienne 40 blindés Marder au premier trimestre 2023 et dispenser une formation de 8 semaines sur leur maniement, a affirmé le gouvernement allemand. En service depuis les années 1970, les Marder sont des blindés légers destinés au transport de troupes. L’Allemagne s’est par ailleurs aussi engagée à fournir une batterie de défense antiaérienne Patriot, comme l’ont déjà fait de leur côté les Etats-Unis. Pour sa part, la France a indiqué envoyer un nombre non précisé de chars de combat légers. En effet, les livraisons d’armes occidentales sont cruciales pour Kiev et lui ont notamment permis de mener une contre-offensive efficace qui a chassé les forces russes de la région de Kharkiv dans le nord-est et de la ville de Kherson dans le sud.
Un lourd prix que payent les Occidentaux pour contrer la Russie. « Car les pays qui fournissent des armes à l’Ukraine envoient aussi des experts et des conseillers militaires pour entraîner les officiers et les soldats ukrainiens, ce qui augmente le coût du soutien à l’Ukraine », estime Dr Rashed. « L’Occident, surtout les Etats-Unis, y ont consacré plus de 30 % de leurs réserves en armes. Des armes qui n’ont pas été vendues, mais offertes en aide. Cette guerre va donc provoquer une évolution importante dans l’industrie de l’armement, les usines ont déjà commencé à augmenter leur production », ajoute-t-il.
Dans ces conditions, y a-t-il une chance pour le dialogue ? Difficile d’y croire malgré l’annonce, à plusieurs reprises, du président russe, Vladimir Poutine, affirmant être prêt à un « dialogue sérieux » avec l’Ukraine, à condition que celle-ci se plie aux exigences russes et accepte les « nouvelles réalités territoriales » nées de l’invasion de ce pays en février. Moscou a revendiqué en septembre l’annexion de 4 régions occupées au moins partiellement par son armée en Ukraine, malgré de multiples revers militaires sur le terrain, sur le schéma de celle de la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014. Par ailleurs, Volodymyr Zelensky insiste pour un retrait total des forces russes de son pays, Crimée comprise, avant tout dialogue avec Moscou. Dans le cas contraire, il promet de reprendre par la force les territoires occupés.
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