Parallèlement aux manifestations anti-régime, des manifestations anti-Amérique ont eu lieu.
« Nous avons fourni à la Russie un nombre limité de drones, des mois avant la guerre en Ukraine ». C’est ce qu’a annoncé samedi 5 novembre le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, cité par l’agence officielle Irna. C’est la première fois que l’Iran reconnaît avoir fourni des drones à la Russie, après l’avoir nié dans un premier temps. Des aveux qui marquent encore un peu plus le rapprochement entre la Russie et l’Iran, au moment où ses relations avec l’Occident, notamment avec le blocage total des négociations sur le nucléaire, mais aussi avec son voisinage, sont au plus bas. La veille, le président iranien, Ebrahim Raïssi, accusait les Etats-Unis de vouloir déstabiliser l’Iran, « mais ils ont échoué », a-t-il dit. L’Iran est cependant traversé depuis presque six semaines par une vague de mécontentement et de manifestations déclenchée à la mi-septembre après la mort de Mahsa Amini, une jeune femme kurde iranienne, qui avait été détenue par la police des moeurs pour avoir enfreint des lois sur la tenue vestimentaire des femmes. Les villes iraniennes sont désormais « saines et sauves », a dit Ebrahim Raïssi.
Et pourtant, la vague de contestation est sans précédent par son ampleur et sa nature depuis la Révolution islamique de 1979, disent les analystes. Au fil des jours, les manifestations en faveur de la liberté des femmes se sont transformées en contestation dirigée contre le pouvoir, pendant que le régime iranien dénonce des « émeutes ». Samedi 5 novembre, de nouvelles manifestations d’étudiants accompagnées de grèves ont eu lieu dans différentes villes iraniennes, selon l’AFP. Une vidéo publiée par la BBC Persian montre des étudiants en train de manifester à l’Université islamique de Machhad, dans le nord-est de l’Iran. Une autre, mise en ligne par un militant, montre une manifestation à l’Université de Gilan, à Rasht, dans le nord. Une vidéo diffusée par Manoto, une chaîne de télévision basée à l’étranger et interdite en Iran, semblait montrer des étudiants enfermés à l’intérieur de l’Université islamique Azad de Téhéran. D’autres images diffusées sur les réseaux sociaux montraient des manifestants appelant à la mort du Guide suprême, Ali Khamenei.
Mais il est impossible de vérifier l’authenticité de ces vidéos. Ni le bilan de la vague de protestation. Des ONG, dont Iran Human Rights (IHR) basée en Norvège, parlent de près de 200 morts et de milliers d’arrestations. Jeudi 3 novembre, la télévision iranienne a exceptionnellement montré des images d’affrontements qui ont eu lieu près de Téhéran. Un homme a été passé à tabac par les forces de l’ordre. La colère est telle que la police a dû ouvrir une enquête. Ce jour-là, les Iraniens commémoraient les 40 jours de la mort de Mahsa Amini. Un poste de police a été incendié. Le rassemblement s’est terminé dans la violence.
L’Occident pointé du doigt
Dans un climat de tension avec l’Occident, notamment en raison du blocage dans le dossier des négociations sur le nucléaire, qui a fait un gros pas en arrière, Téhéran pointe du doigt l’Occident. Avant le président, le commandant en chef des Gardiens de la Révolution, le général Hossein Salami, déclarait : « Ce projet sinistre a éclos (...) à la Maison Blanche et au sein du régime sioniste ». « Ne vendez pas votre honneur à l’Amérique et ne frappez pas en plein visage les forces de sécurité qui vous défendent », a-t-il ajouté. C’était le 29 octobre et Hossein Salami mettait en garde les manifestants : « Ne descendez pas dans les rues ! », a dit le général Hossein Salami, jouant la carte du complot ourdi par l’étranger pour sensibiliser ses concitoyens.
En effet, le ministère du Renseignement et le service de renseignement des Gardiens de la Révolution accusent les services américains, britanniques, israéliens et saoudiens d’avoir orchestré les troubles pour déstabiliser la République islamique. Parallèlement, les services secrets saoudiens ont averti les Etats-Unis que l’Iran préparerait une attaque imminente contre des cibles en Arabie saoudite, selon le Wall Street Journal. Selon le journal, les informations que les services saoudiens ont partagées avec leurs homologues américains sont prises au sérieux à Washington. A la Maison Blanche, le Conseil de sécurité nationale se dit préoccupé par ces avertissements et prêt à réagir. A tel point que les Etats-Unis ont relevé leur niveau d’alerte.
Pour les observateurs occidentaux, fragilisé, le régime de Téhéran a besoin de désigner, à l’extérieur des frontières, des organisateurs des troubles et aussi des adversaires étrangers susceptibles de détourner la colère des Iraniens. Pourtant, le président américain, Joe Biden, a clairement soutenu les manifestants en déclarant: « Nous allons libérer l’Iran. Ils vont se libérer eux-mêmes très bientôt », tablant sur la colère du peuple. Une colère dont on ne connaît pas la réelle ampleur. A en croire les médias occidentaux, ce serait l’une des plus fortes vagues de protestations dans le pays depuis la Révolution islamique de 1979, qui a renversé le Chah.
Mais toutes ces informations sont à mettre au conditionnel. Les semaines à venir apporteront la réponse.
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