Al-Ahram Hebdo : L’Iran est accusé par les Occidentaux de fournir des drones kamikazes à la Russie. Téhéran nie …
Dr Ali Atef: Un rapport des renseignements américains faisait état, dès juillet dernier, de l’envoi d’armes iraniennes à la Russie. Le mois suivant, des rapports de renseignements européens ont affirmé que des militaires russes se sont rendus à Téhéran pour s’entraîner sur des armes iraniennes et que des généraux des Gardiens de la Révolution ont visité la Russie. En septembre, Kiev a fait état de la présence d’armes iraniennes sur les territoires ukrainiens. Et la semaine dernière, la Maison Blanche a dit que des militaires iraniens se trouvaient en Crimée. Mais toutes ces affirmations sont faites sans donner de preuves, et de l’autre côté, Moscou et Téhéran nient. Il faut mener des enquêtes neutres, mais l’Onu ne peut pas se prononcer à ce sujet à cause du droit de veto russe.
— L’Union européenne a sanctionné trois généraux iraniens, dont le chef d’état-major, ainsi que le fabricant de drones. La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont réclamé une enquête « impartiale ». Jusqu’où peut-on aller ?
— L’Union européenne et le Royaume-Uni ont en effet annoncé de nouvelles sanctions contre l’Iran, visant trois généraux, le chef d’état-major des forces armées iraniennes, Mohammed Hossein Bagheri, le responsable de la logistique, le général Sayed Hojatollah Qureishi, et le commandant des drones des Gardiens de la Révolution, le général de brigade Saeed Aghajani. Les sanctions ciblent aussi la compagnie iranienne Shahed Aviation Industries, liée aux puissants Gardiens de la Révolution. Tout cela aura un impact direct sur les relations jusque-là relativement stables entre les Européens et les Iraniens, alors que l’Union européenne joue depuis longtemps le rôle de médiateur entre Téhéran et Washington. L’Europe faisait d’intenses efforts pour ressusciter l’accord nucléaire. Maintenant, pour punir les Iraniens, les Européens vont cesser de jouer ce rôle, alors que cet accord est très important pour l’économie iranienne.
Aussi, avant ces accusations, l’Iran était le premier candidat susceptible de fournir du gaz et du pétrole aux pays européens, en pleine crise énergétique. Maintenant, l’Europe tente de trouver des alternatives auprès de l’Algérie, du Qatar et du Venezuela. Donc, la situation est devenue compliquée entre l’Europe et l’Iran à tous les niveaux.
— Justement, quelles sont les chances actuelles de parvenir à un tel accord, alors que le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a affirmé que l’Iran cherchait un accord nucléaire « logique » qui garantirait les intérêts de son pays ?
— Il n’y a pas longtemps, on était à un pas de cet accord, maintenant, on en est très loin. On doit attendre la fin de la guerre en Ukraine pour reprendre les négociations. Mais même cette reprise sera difficile et il se peut qu’on recommence tout à zéro. Les Iraniens ont raté plusieurs opportunités.
— La situation interne en Iran est assez tendue depuis plus d’un mois avec les manifestations qui ont suivi la mort d’une jeune femme après son arrestation par la police des moeurs. S’agit-il d’une vraie crise ou d’incidents surmédiatisés comme le suggère Amir-Abdollahian, qui a accusé Washington de faire pression sur son pays en soutenant ces manifestations pour obtenir des concessions sur le nucléaire ?
— L’Iran vit ses jours les plus durs. Les manifestations qui ont lieu depuis plus d’un mois sont d’une grande ampleur et les autorités iraniennes essayent de les réprimer à tout prix. Une répression condamnée à l’international. Mais, la mort de Mahsa Amini, décédée trois jours après son arrestation par la police des moeurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique où le voile est obligatoire pour toutes les femmes dans l’espace public, n’est pas la seule raison. Les Iraniens souffrent souvent de mauvaises conditions de vie à cause des sanctions.
Le vrai soutien vient des Iraniens opposés au régime qui vivent à l’étranger. Et il est clair que les Etats-Unis tentent d’exercer une pression politique et psychologique sur l’Iran, et ce, en se mettant du côté des opposants et des manifestants.
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