Le parlement iraqien a élu le président de la République après un an de tensions.
Après une longue attente, l’Iraq a enfin un président et un premier ministre. Jeudi 13 octobre, le parlement a élu un nouveau président de la République, optant pour un candidat de compromis en la personne de Abdel Latif Rachid, ancien ministre kurde de 78 ans versé dans les questions environnementales. Le président d’Iraq, fonction largement honorifique traditionnellement réservée à l’importante minorité kurde, a été élu après trois tentatives infructueuses cette année. Une fois élu, la première décision du président, Abdel Latif Rachid, était la désignation du premier ministre. Le choix s’est porté sur Mohamed Chia Al-Soudani, qui succède ainsi à Moustafa Al-Kazimi.
C’est avec le soutien de l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki et ses alliés, les influentes factions pro-Iran du Cadre de coordination, que Soudani doit aujourd’hui composer son gouvernement. En effet, en vertu de la Constitution, le premier ministre a 30 jours pour former un nouveau gouvernement. Issu, comme le veut la tradition, de la communauté chiite majoritaire en Iraq, le politicien de 52 ans a espéré former son équipe « le plus rapidement possible avant ce délai ».
Or, la tâche ne s’annonce pas facile. Ou du moins, la formation du gouvernement n’annonce pas la fin des divisions. Deux jours après la désignation de Soudani, le mouvement du dirigeant chiite Moqtada Sadr a annoncé samedi son refus « catégorique » de participer « à une équipe gouvernementale dirigée par le premier ministre désigné actuel », a écrit dans un communiqué Mohamed Saleh Al-Iraki, un proche de Moqtada Sadr. Pour les Sadristes, Soudani est un proche de Nouri Al-Maliki, ennemi historique de Sadr.
Car le nouveau premier ministre est le candidat des factions pro-Iran du Cadre de coordination, qui dominent l’Assemblée depuis que le leader chiite Moqtada Sadr a ordonné en juin dernier la démission de ses 73 députés et cherchent à accélérer le calendrier politique, après plus d’un an de paralysie totale dans un pays profondément polarisé. Le Cadre de coordination comprend la formation de l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki mais aussi la vitrine politique des anciens paramilitaires du Hachd Al-Chaabi.
« Washington et Téhéran ont exercé de fortes pressions sur les camps en conflit pour mettre fin à cette crise. Mais cette crise est loin d’être résolue. Plusieurs obstacles persistent et le premier ministre ne pourra pas les surmonter facilement. Le premier est que Soudani doit satisfaire tous les camps en conflit pour qu’ils soutiennent son gouvernement et le laissent accomplir sa mission », explique Dr Moatez Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Trois scénarios
La polarisation est donc loin d’être terminée. Et la question est désormais de savoir ce que feront les Sadristes dans la période à venir. Selon Dr Salama, Moqtada Sadr intensifie ses pressions pour obliger le premier ministre et ses alliés à accepter ses conditions. « On a 3 scénarios possibles. Le premier est que Sadr profite de son influence pour obliger le nouveau ministre à accepter ses revendications, notamment dans le choix des ministres et des gouverneurs. Le deuxième scénario est que les manifestations éclatent à nouveau, replongeant le pays dans le chaos. Le troisième scénario est que Soudani ne parvienne pas à former une équipe, ce qui donnera lieu à des élections anticipées », explique l’analyste, qui estime également que le vrai problème pour le leader chiite Moqtada Sadr, dont le courant a gagné les dernières élections, est qu’il doit s’allier avec d’autres partis pour réaliser ses objectifs. « Ce qu’il n’arrive pas à faire malgré son influence sur la rue iraqienne », ajoute l’analyste.
Dans un Iraq multiconfessionnel et multiethnique, si les partis politiques de la communauté chiite dominent le pouvoir, leurs différends représentent un risque majeur sur la stabilité du pays.
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