Washington craint que la levée des sanctions ne donne à l’Iran l’occasion de renflouer ses caisses et financer ses activités déstabilisatrices
au Moyen-Orient. (Photo : AP)
Optimisme européen, scepticisme américain. Le doute plane encore sur la possibilité de parvenir à un accord sur le nucléaire iranien, alors que l’espoir était grand il y a quelques jours à peine. La réponse de Téhéran dans les négociations concernant l›accord sur le nucléaire n›est pas « constructive », ont affirmé jeudi 1er septembre les Etats-Unis, faisant reculer la perspective d’un prochain retour à l’accord historique conclu en 2015. « Nous pouvons confirmer que nous avons reçu la réponse de l’Iran à travers l’Union européenne », a déclaré Vedant Patel, porte-parole adjoint du département d’Etat. « Nous l’étudions et répondrons par le biais de l’Union Européenne (UE), mais malheureusement, elle n’est pas constructive », a-t-il ajouté.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a pourtant dit la veille espérer un accord prochain. « J’espère que dans les jours à venir, nous ne perdrons pas cet élan et que nous pourrons conclure l’accord », a déclaré Borrell à l’issue d’une réunion informelle des ministres européens des Affaires étrangères à Prague, tout en ajoutant: « Il est clair qu’il existe un terrain d’entente, que nous avons un accord qui tient compte, je pense, des préoccupations de chacun ».
Que faut-il donc comprendre de ces déclarations contradictoires? « Les Européens, qui font face à une crise énergétique, poussent vers un accord car ils ont besoin des hydrocarbures iraniennes pour remplacer le gaz et le pétrole russes », explique Dr Ali Atef, spécialiste des affaires iraniennes, tout en expliquant d’autres raisons derrière le forcing européen. « Les négociations ont duré trop longtemps, plus que celles qui ont abouti à l’accord de 2015, ce qui embarrasse les Européens. Et ils le seront encore plus si ces négociations n’aboutissent pas au bout du compte. C’est pour cela qu’un accord est devenu une nécessité pour l’UE ». D’autre part, ajoute l’analyste, « les déclarations lancées de part et d’autre constituent une sorte de guerre verbale car les deux camps essayent de tirer le maximum de profit avant de signer cet accord, car une fois signé, son application sera très stricte ».
Plusieurs sujets sensibles
Washington craint que la levée des sanctions sur les marchandises iraniennes, surtout les énergétiques, ne donne à l’Iran l’occasion de renflouer ses caisses grâce aux ventes de pétrole seulement, et ainsi de financer ses activités déstabilisatrices au Moyen-Orient, tout en menaçant les intérêts américains dans la région et les intérêts de ses alliés. Washington assure pourtant que l’Iran a fait des concessions cruciales et aurait en particulier abandonné sa demande visant à bloquer certaines inspections de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), mais il demande plus de concessions de la part de Téhéran. Ce sujet des inspections reste toutefois ultrasensible de part et d’autre. Téhéran a ainsi récemment demandé la clôture d’une enquête de l’AIEA concernant des traces d’uranium enrichi retrouvées sur trois sites non déclarés, ce que le patron de l’agence, Rafael Grossi, refuse. Le gendarme onusien du nucléaire avait, lui, déploré l’absence de réponses crédibles de Téhéran concernant ces traces.
De l’autre côté, l’Iran affirme son droit d’avoir des garanties applicables et exigeantes. « L’Iran veut des garanties plus solides à inclure dans la proposition d’accord soumise par l’Union européenne sur le dossier du nucléaire iranien. Nous réfléchissons à la manière de parvenir à un texte fort et d’obtenir des garanties plus solides. Nous voulons renforcer dans le texte l’idée que l’Agence internationale de l’énergie atomique se concentre sur sa tâche technique et s’éloigne de son rôle politique. Dans le domaine des garanties, la résolution des questions en suspens liées à l’AIEA nous préoccupe également sérieusement. Si nous pouvons renforcer le texte existant, nous ne serons pas loin de parvenir à un accord », a annoncé le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian. L’Iran y a proposé des changements, globalement acceptés par les Européens, et auxquels les Etats-Unis ont répondu via les médiateurs. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Karani, avait déclaré plus tôt que Téhéran avait envoyé une nouvelle réponse après celle des Etats-Unis.
Pressions israéliennes
Pendant ce temps, Israël poursuit son offensive de « dernière minute » pour tenter de convaincre les Occidentaux de ne pas renouveler le JCPOA. Le premier ministre israélien, Yaïr Lapid, s’est entretenu mercredi 31 août au téléphone avec le président américain, Joe Biden, des négociations sur le programme nucléaire iranien, ont indiqué ses services. Les deux dirigeants « ont longuement discuté des négociations à propos d’un accord sur le nucléaire », de leur « engagement à stopper les progrès de l’Iran pour se doter de l’arme nucléaire » et de l’influence régionale iranienne, selon un communiqué du bureau de Lapid. Le compte-rendu de l’appel émis par la Maison Blanche, plusieurs heures après la version israélienne, indique pour sa part que Lapid et Biden ont discuté des « défis de la sécurité mondiale et régionale, y compris les menaces posées par l’Iran ». Le communiqué indique que Biden a souligné « l’engagement des Etats-Unis à ne jamais laisser l’Iran acquérir l’arme nucléaire ».
Les puissances occidentales doivent « cesser » de négocier car un accord permettra à l’Iran de gagner des « milliards » de dollars et « déstabilisera » le Moyen-Orient, a ainsi plaidé la semaine dernière Lapid lors d’une rencontre avec la presse étrangère à Jérusalem. Après le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, et le conseiller à la sécurité nationale du premier ministre, c’est au tour du chef du Mossad, responsable des services de renseignements extérieurs, de se rendre dans les jours à venir à Washington pour continuer de faire pression sur les Américains.
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