Al-Ahram Hebdo : Le chef de la diplomatie de l’Union Européenne (UE), Josep Borrell, s’est rendu le 25 juin en Iran. Quels étaient les objectifs de sa visite ?
Ali Atef: Josep Borrell a annoncé à plusieurs reprises que le principal objectif de sa visite est de briser la dynamique de l’escalade et de sortir les pourparlers de l’impasse. Pour réaliser cet objectif, Borrell et le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, sont convenus à Téhéran de la reprise dans les prochains jours des pourparlers sur le dossier nucléaire. Mais aucune date n’a été annoncée.
— Pourquoi les négociations ont-elles été suspendues ?
— Depuis le début des négociations en avril 2021, chaque camp a essayé d’imposer ses revendications et ses conditions. Le dernier point d’achoppement des pourparlers de Vienne était le refus des Etats-Unis de céder à une demande-clé de Téhéran: la levée du Corps des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, de la liste américaine des organisations terroristes. Mais cette demande iranienne est refusée totalement au Congrès américain, et Washington a plusieurs raisons de la rejeter, dont la plus importante est de limiter le rôle iranien dans la région.
— Pourquoi les Européens ont-ils voulu résoudre ce problème après trois mois d’impasse ?
— La communauté internationale sait bien que le temps joue en faveur de l’Iran. En effet, l’Iran profite de la longue durée de négociations pour renforcer sa position et ses intérêts. Par exemple, l’Iran vient de signer des accords de coopération dans plusieurs domaines avec le Venezuela. Une coopération qui a inquiété Washington. L’Iran essaie de profiter du temps pour renforcer ses relations et trouver des alliés, mais aussi pour développer et faire avancer son programme nucléaire.
— Quelles sont les pressions exercées sur l’Iran pour le faire retourner à la table des négociations ?
— Début juin, les Etats-Unis et les Européens ont fait voter une résolution à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) dénonçant le manque de coopération de Téhéran. A son tour, l’Iran a déconnecté certaines caméras de surveillance de l’AIEA sur ses sites nucléaires. L’Iran a néanmoins précisé par la suite que ces mesures étaient réversibles si un accord était conclu. Juste après la désactivation des caméras, le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a affirmé que si le blocage persiste, l’AIEA ne sera plus en mesure, dans trois ou quatre semaines, de fournir les informations nécessaires au suivi du programme nucléaire iranien.
Les pays européens et Washington ont alors décidé de présenter le dossier au Conseil de sécurité de l’Onu. Téhéran sait bien que si l’Onu prend une décision de le sanctionner, cette décision sera obligatoire pour tous les pays. Alors, l’Iran a décidé de revenir à la table des négociations.
— Quels sont les enjeux d’un possible accord entre l’Iran et les grandes puissances ?
— Les pourparlers lancés à Vienne en avril 2021 entre l’Iran et les grandes puissances (Russie, Etats-Unis, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) sont au point mort depuis mars, Américains et Iraniens s’accusant mutuellement de les bloquer. Ils visent à réintégrer les Etats-Unis à l’accord de 2015 prévoyant des limitations au programme nucléaire iranien, dénoncé en 2018 par l’ex-président américain, Donald Trump, et à ramener l’Iran au respect intégral de ses engagements dictés par ce pacte, appelé JCPOA. Conclu en 2015 par l’Iran et les six puissances, l’accord vise à garantir le caractère civil du programme nucléaire de l’Iran, accusé de chercher à se doter de l’arme atomique malgré ses démentis, en échange d’une levée progressive des sanctions internationales asphyxiant l’économie iranienne. Or, l’Administration Trump avait rétabli les sanctions américaines, provoquant l’ire de l’Iran. Le dossier nucléaire empoissonne de longue date les relations entre l’Iran et la communauté internationale.
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