Au Pakistan, depuis l’indépendance, aucun premier ministre n’a terminé son mandat. Imran Khan n’a pas fait l’exception, mais il est parti autrement. Après des semaines de crise, l’Assemblée nationale pakistanaise a destitué, dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 avril, le chef du gouvernement. La motion a été votée par 174 des 342 députés, a annoncé le président par intérim de la chambre, Sardar Ayaz Sadiq. Une première. Jamais dans l’histoire du pays un premier ministre n’a été renversé par une motion de censure. Khan pensait pourtant avoir esquivé le coup quelques jours plus tôt, en obtenant que la motion ne soit pas soumise au vote et que l’Assemblée soit dissoute. Mais la Cour suprême a jugé tout le processus inconstitutionnel. Elle a restauré l’Assemblée et ordonné qu’elle procède au vote sur la motion de censure.
Le lendemain du vote, sans surprise, le parlement a choisi Shehbaz Sharif, le leader de la Ligue musulmane Pakistan (PML-N) et frère cadet de Nawaz Sharif, qui fut trois fois premier ministre, pour lui succéder. Shehbaz Sharif va devoir former un gouvernement de coalition avec le Parti du Peuple Pakistanais (PPP, gauche) et la petite formation conservatrice Jamiatul Ulema-e-Islam-F (JUI-F). Le PPP et le PML-N sont les deux partis dynastiques qui ont dominé la vie politique pakistanaise pendant des décennies, et qui sont plus habitués à s’affronter qu’à s’entendre. Leur alliance de circonstance, forgée pour chasser Imran Khan du pouvoir, a peu de chances de survivre à l’approche des prochaines élections, prévues au plus tard en octobre 2023.
Imran Khan, de son côté, continue d’affirmer avoir été la victime d’un « changement de régime » orchestré selon lui par les Etats-Unis en raison de ses critiques à l’égard de la politique américaine dans les pays musulmans, notamment en Iraq et en Afghanistan. S’il a tout tenté pour se maintenir au pouvoir, il n’a certainement pas dit son dernier mot et ne compte pas arrêter sa carrière politique là, selon les observateurs.
En fait, c’est sa mauvaise gestion économique et ses maladresses en politique étrangère qui ont coûté son poste à Khan, élu en 2018 et confronté à sa plus grave crise politique depuis. Mais si la conjoncture économique et ses mauvais choix ont fini par le rattraper, son successeur se trouve face à un lourd héritage. Une forte inflation (12 %), en hausse depuis la dépréciation de près d’un tiers de la roupie en juillet dernier, une dette extérieure de 130 milliards de dollars et des négociations difficiles avec le Fonds Monétaire International (FMI) : le prêt échelonné de 6 milliards de dollars n’a pas été entièrement versé, car les réformes demandées par le FMI n’ont pas été menées. Or, ces réformes nécessitent des décisions courageuses de la part du gouvernement, puisqu’elles exigent notamment la réduction des subventions sur certains biens. A cela s’ajoute la détérioration de la sécurité, en particulier depuis la prise du pouvoir par les Talibans en Afghanistan mi-août, avec la reprise des attentats menés notamment par les Talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), qui a aussi contribué à ses difficultés.
Des défis que devra affronter Shehbaz Sharif, le successeur d’Imran Khan, avec l’espoir de faire, lui, l’exception, et d’arriver à terme de son mandat .
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