Alors que Biden a haussé le ton vis-à-vis de Pékin, Jinping a défendu sa volonté « d’assumer » ses « responsabilités internationales et de travailler à la paix ». (Photo : AP)
« Quelle que soit la situation internationale, le partenariat stratégique entre la Chine et la Russie restera inébranlable ». Dès le 7 mars, soit 12 jours après le début de l’offensive russe en Ukraine, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, donnait le ton. Sa déclaration, et plus globalement la position de Pékin, ne sont certainement pas du goût des Etats-Unis. Depuis le début du conflit en Ukraine, le ton monte entre Pékin et Washington.
A chacun ses priorités. Les Américains condamnent fermement la Russie, multiplient les sanctions à son encontre, aident l’Ukraine, la soutiennent coeur et âme, l’arme même, mais ils ont été clairs depuis le premier jour: pas d’intervention directe. Tout compte fait, cette guerre est une affaire européenne et les Etats-Unis laissent leurs alliés européens se charger de l’affaire… De là à laisser la Russie et la Chine former une sorte d’« alliance », pas question! La guerre en Ukraine vient envenimer un peu plus les relations entre Washington et Pékin, alors que le président américain, Joe Biden, ne cache pas, depuis son arrivée au pouvoir début 2021, son obsession chinoise. Et les regards américains sont braqués sur leur grand rival : « Ce sont maintenant les actions (de la Chine) que nous allons regarder », a déclaré la porte-parole de l’exécutif américain, Jen Psaki.
Cette semaine, Joe Biden et son homologue chinois, Xi Jinping, se sont entretenus pour la première fois depuis le début du conflit. S’ils se sont voulus conciliants, leurs divergences restent entières. Washington, qui a Pékin en ligne de mire pour bien d’autres raisons, presse les Chinois de prendre clairement leurs distances avec la Russie, alors que des informations relayées par les médias américains, démenties par la Chine, affirment qu’elle livrerait des armes à la Russie.
Pour Biden, ce serait la provocation de trop. Dans leur entretien, le président américain a « décrit les implications et conséquences si la Chine fournissait un soutien matériel à la Russie alors qu’elle mène une attaque brutale contre les villes et civils ukrainiens », a fait savoir de son côté la Maison Blanche, sans détailler quelles seraient les représailles. « La crise ukrainienne n’est pas quelque chose que nous souhaitions voir » arriver, a répondu le chef d’Etat chinois, selon des propos rapportés par la télévision chinoise. Xi Jinping a encouragé les Etats-Unis et l’Otan à avoir des discussions avec la Russie pour résoudre les problèmes à l’origine de la crise ukrainienne.
Des positions figées
L’entretien de ces deux personnages-clés d’une guerre à l’autre bout du monde n’a donc pas signalé d’inflexion significative dans la position des Etats-Unis ou de la Chine, qui n’a jusqu’ici jamais condamné ou critiqué ouvertement l’offensive russe en Ukraine, déplorant toutefois que « le conflit et la confrontation » ne soient « dans l’intérêt de personne ». Et après cet appel, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré que « le temps prouvera que la position de Pékin (à l’égard de la crise ukrainienne) est du bon côté de l’Histoire». Et d’ajouter: « Nous n’accepterons jamais aucune coercition ou pression extérieure, ni aucune accusation et suspicion sans fondement contre la Chine ».
Mais la Chine peut-elle elle aussi jouer avec le feu en livrant des armes à la Russie? Pour de nombreux analystes, non. D’un côté, il est difficile de savoir ce que la Chine pourrait fournir comme aide à la Russie, de l’autre, si elle y verrait un quelconque avantage. Traditionnellement, c’est plutôt la Russie qui arme la Chine. Que Moscou demande l’aide militaire de Pékin serait aussi un aveu de faiblesse, ce que Poutine ne voudrait pas montrer.
Un axe militaire Chine-Russie pour en finir avec l’Ukraine? Sans doute pas. Pékin ne prendrait pas ce risque. En revanche, un axe géopolitique, oui. Dans la guerre en Ukraine, Pékin n’entend pas dévier de son soutien, même discret, à Moscou. Bien avant, les deux puissances, quoique divergentes sur un certain nombre de questions, affichaient un front uni contre l’Occident, avec un « partenariat sans limites » signalé dans un document signé en février dernier, juste avant le déclenchement de la guerre, un document qui dénonce les « puissances extérieures grevant la sécurité et la stabilité » de la région.
Aujourd’hui, même si les intérêts de la Chine et de la Russie ne sont pas totalement alignés, tous deux ne veulent plus de l’ordre mondial actuel. Quant aux Etats-Unis, la Chine reste pour eux l’adversaire numéro un. Et la guerre en Ukraine n’est qu’une occasion de plus pour taper sur Pékin. Au-delà de la question d’une éventuelle assistance militaire à la Russie, ou même d’une éventuelle aide chinoise à Moscou à même d’atténuer l’impact des sanctions, vu de la Maison Blanche, Xi Jinping, plus que Vladimir Poutine, représente la menace à long terme. Mais avec cette optique, Washington élargit le conflit qui se tient sur le territoire européen à une rivalité planétaire. Une véritable extension du domaine de la lutte. Un danger de plus.
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