Les civils attendent, désespérément, la fin de la guerre. (Photo : AFP)
Jusqu’où l’Ukraine résistera-t-elle à l’offensive russe ? Jusqu’où la Russie résistera-t-elle aux sanctions et aux pressions internationales ? Là est la question. Quoique prévue de courte durée, vu la supériorité militaire de la Russie, la guerre est entrée dans sa troisième semaine sans que se profile une fin prochaine. Malgré l’intensification de l’opération militaire russe et son avancée sur le terrain. Malgré les tentatives de dialogue. En effet, la situation sur le terrain, les déclarations de part et d’autre et les différentes rencontres diplomatiques créent, ensemble, un sentiment de confusion totale. Avec un tas de messages contradictoires.
Ici et là, c’est toujours l’effervescence. Une rencontre entre le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, et son homologue qatari, Mohamad bin Abdel-Rahmane Al Thani, à Moscou. Une autre entre le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Un échange téléphonique entre le premier ministre israélien, Naftali Bennett, et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et un autre avec le président russe, Vladimir Poutine. Un face-à-face à Rome entre le conseiller à la Sécurité nationale du président américain, Jake Sullivan, et le plus haut responsable du Parti communiste chinois pour la diplomatie, Yang Jiechi.
Discussions versus menaces
Mais de toutes ces rencontres, la plus importante est évidemment celle qui réunit les belligérants eux-mêmes. Lundi 14 mars, les discussions entre Russes et Ukrainiens ont repris via visioconférence. Cette quatrième session de pourparlers, qui s’est tenue quelques jours après une rencontre sous l’égide de la Turquie entre les chefs de la diplomatie russe et ukrainien, jeudi 10 mars, s’est ouverte avec une mini-lueur d’espoir qui tranche avec l’échec des trois précédentes sessions. Les négociations ont toutefois été « difficiles », de l’aveu même du président ukrainien. Elles se sont interrompues « pour une pause technique » avant de reprendre le lendemain (ndlr : résultats non communiqués au moment de l’impression du journal). Et avant même cette quatrième session, les deux parties se sont montrées prudemment positives : la partie russe évoquant des « progrès significatifs » et même des « documents à signer » en préparation ; Zelensky se félicitant d’une nouvelle approche, « fondamentalement différente », de Moscou dans ses récents pourparlers avec Kiev, soulignant que la Russie ne se contentait plus de « juste poser des ultimatums ».
Trop beau pour être vrai ? La guerre, c’est changer les conditions de négociations, dit-on. Mais c’est aussi tout faire pour aller aux négociations en position de force. Car ce conflit ne peut se terminer que par la négociation, d’autant plus que la Russie, militairement supérieure, n’a pas encore mis le paquet. Mais elle menace. Alors même que se tenaient les discussions, de nombreux centres urbains du pays étaient encerclés par les forces russes, qui seraient à 15 kilomètres de la capitale Kiev. Et le Kremlin a prévenu que l’armée russe n’excluait pas de lancer des assauts pour prendre le contrôle total des grandes villes ukrainiennes, assurant toutefois que Vladimir Poutine n’avait jusqu’ici pas ordonné de mener d’assaut.
Démarches à haut risque
Bluff ? Tout conflit est un tissu de mensonges, une guerre psychologique. Et cette guerre psychologique, elle est également menée par les tierces parties. Au risque d’enflammer la situation. En effet, la guerre en Ukraine ressemble déjà à une foire aux combattants étrangers. Cette semaine, Moscou a donné son feu vert aux « volontaires » qui voudraient combattre aux côtés de l’armée russe, confirmant en quelque sorte des informations sur le recrutement, déjà en cours, de combattants syriens. Côté ukrainien aussi, l’appel aux volontaires étrangers, officiel et largement médiatisé, est relayé par les ambassades d’Ukraine à travers le monde. Kiev comme Moscou ont, d’ailleurs, tous deux précisé le même chiffre : 16 000 combattants auraient rejoint les forces ukrainiennes, 16 000 autres les forces russes.
L’entrée en jeu de ces combattants, doublée des démarches entreprises par les Occidentaux pour armer l’Ukraine, ne font que jeter de l’huile sur le feu et augmenter le risque d’une globalisation du conflit. Certes, les Occidentaux ont rejeté l’appel de Kiev d’une zone d’exclusion aérienne, ainsi que la proposition de la Pologne de livrer ses Mig-29 pour qu’ils soient ensuite remis à l’Ukraine, et ce, pour ne pas devenir de fait partie prenante du conflit, ils n’ont toutefois pas hésité à casser leur tirelire pour armer Kiev, qui a formulé des demandes très précises de matériel que les combattants sont capables d’utiliser, notamment des systèmes de défense antiaérienne et des armes antichars. L’Union européenne a décidé de débourser 549 millions de dollars, les Etats-Unis, 14 milliards. Si l’enveloppe américaine fournira « un soutien aux réfugiés » et à « l’économie ukrainienne qui est en ruine », comme l’a détaillé le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, « elle permettra aussi des transferts d’armes comme les (lance-missiles) Javelin et Stinger » et « rassurera et renforcera l’Otan ».
Acte de belligérance ? Pour les Occidentaux, non. Ils tentent de rester prudents, de garder un certain équilibre entre le soutien à l’Ukraine et la non-ingérence. Et bien que tout ceci soit officiel et rendu public, tout soutien à la Russie est, lui, largement critiqué. Selon des médias américains, Moscou aurait demandé à Pékin de lui venir en aide militairement. La Chine a démenti, mais les Etats-Unis ont lancé un avertissement à Pékin et lui ont même reproché de contribuer à propager des « mensonges » de la Russie sur de prétendus laboratoires américains d’armes biologiques et chimiques en Ukraine.
C’est donc le nouveau spectre brandi par les Etats-Unis : un axe militaire Russie-Chine pour en finir au plus vite avec l’Ukraine. Au risque de globaliser le conflit.
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