Six mois déjà. Le 15 août 2021, Kaboul tombait à nouveau aux mains des Talibans. Les chefs talibans, chassés du pouvoir vingt ans auparavant, déambulaient dans les rues de la capitale, Kaboul, et des autres villes afghanes en vainqueurs, mais aussi en « libérateurs », après des années de présence étrangère. Les semaines qui suivirent, les nouveaux maîtres de l’Afghanistan tentent de rompre avec leur image pour le moins que l’on puisse dire défavorable (on n’utilise là qu’un euphémisme), héritée de leur précédent règne (1996-2001), durant lequel ils avaient fait régner la terreur. Ils multiplient les promesses en direction des Occidentaux. Veulent se montrer moins rigoristes qu’il y a vingt ans.
Six mois plus tard, ils ont de quoi désenchanter. Privé de l’aide internationale dont le pays dépend largement, faute de reconnaissance du régime taliban, l’Afghanistan a perdu 80 % de ses revenus. Du coup, le pays subit, avec le Yémen, la plus grave crise humanitaire du monde. Selon l’Onu, 55 % de la population (23 millions d’individus) sont menacés par la famine dans les mois à venir. Autre chiffre alarmant, environ 130 000 enfants risquent de mourir de malnutrition si leurs conditions de vie ne sont pas prises en charge. Et selon un rapport de l’ONG Save the Children publié le 14 février, une famille sur trois n’a plus aucune ressource et un million d’enfants sont contraints de travailler pour se nourrir. Face à cette situation, l’Onu co-organise, en mars prochain, avec le Royaume-Uni, une conférence virtuelle visant à rassembler les 4,4 milliards de dollars nécessaires pour faire face à la crise humanitaire. Avec une condition : que la distribution de l'aide se fasse via des agences de l'Onu et des « associations sur le terrain ». Comprendre, qu’elle ne passe pas par le gouvernement.
Car, jusque-là, la communauté internationale attendait de voir ce qu’allaient faire les Talibans, notamment en matière de droits et de liberté, avant de débloquer toute aide. Les Occidentaux l’ont à nouveau dit fin aux Talibans fin janvier, après un premier déplacement de représentants talibans en Europe, à Oslo, en Norvège. Malgré cela, la démarche a été en soi critiquée, et Oslo a dû se défendre que les discussions ne sont « ni une légitimation ni une reconnaissance » du régime taliban. Les Talibans, eux, tentent de rompre leur isolement et demandent un dialogue direct avec la communauté internationale. Après Oslo, ils ont dépêché une mission à Genève puis à Doha.
Aujourd’hui, le régime taliban a deux objectifs : le plus urgent est l’aide, le plus important est la reconnaissance. Et les deux sont encore inaccessibles. La prise du pouvoir est une chose, la construction d’un Etat une autre …
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