L’UE a promis de débloquer le montant colossal de 150 milliards d’euros pour le développement des infrastructures sur le continent.
Un sommet enthousiasmant qui pourrait changer la donne : c’était un peu le ton des conclusions des dirigeants participant au 6e sommet des deux prestigieuses organisations, l’Union Européenne (UE) et l’Union Africaine (UA), tenu jeudi 17 et vendredi 18 février à Bruxelles. Un sommet qui s’est conclu dans un climat consensuel, avec l’adoption d’une déclaration finale sous des applaudissements et la naissance d’un « partenariat renouvelé pour la solidarité » entre les deux continents.
Une stratégie européenne d’investissements de 150 milliards d’euros et une aide accrue pour produire des vaccins, tels sont les fruits de ce rassemblement reporté de près de deux ans en raison de la pandémie et qui a pris la sécurité, la santé et la stabilité au coeur des discussions des 40 dirigeants africains et leurs 27 homologues européens, réunis pendant les deux jours du sommet. « Notre vision commune (...) a pour objectif de consolider un partenariat renouvelé pour la solidarité, la sécurité, la paix, le développement économique durable », ont plaidé les dirigeants africains et européens. Objectif : « réinventer » leur relation et « installer un nouveau logiciel », selon la formule du Sénégalais Macky Sall, président de l’UA. Ce sommet « constitue une occasion historique de poser, par les actes, un partenariat repensé », a estimé le président de l’UA à l’issue du sommet.
Concernant les annonces, il y a d’abord un paquet d’investissements européens d’au moins 150 milliards d’euros sur 7 ans, d’ici 2030, pour « aider des projets voulus et portés par les Africains », avec une priorité aux infrastructures de transport, de réseaux numériques et d’énergie. Le tout en garantissant « une gouvernance responsable, transparente, inclusive », selon la déclaration finale.
Parallèlement, des programmes financiers spécifiques soutiendront des projets dans la santé et l’éducation. Les Européens, qui promettent d’avoir fourni un total cumulé d’au moins 450 millions de doses de vaccins anti-Covid aux Africains, se sont également engagés à aider des pays africains à produire sur leur sol des vaccins à ARN messager (voir article page 6).
Points de discorde
Pas d’entente en revanche sur la question de la renonciation aux ADPIC (droits de propriété intellectuelle liés au commerce) et celle des licences obligatoires, qui n’ont pas abouti. Préconisant un transfert encadré de technologies, les dirigeants de l’UE ont donc rappelé leur opposition à une levée des brevets des vaccins. « Les dirigeants de l’UE et de l’UA vont chercher à résoudre leurs différends et trouver une solution pour garantir un accès plus équitable aux vaccins contre le nouveau coronavirus d’ici le printemps », a annoncé, vendredi 18 février, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Autre point de désaccord : les énergies fossiles. Le sujet a été évoqué à plusieurs reprises par le président sénégalais, Macky Sall, qui a rappelé le droit du continent à choisir son développement. « L’Afrique considère qu’elle n’est pas responsable du réchauffement climatique, elle émet moins de 4 % de CO2, c’est un continent qui n’est pas industrialisé. On ne peut donc pas exiger du continent qu’il renonce aux énergies fossiles, alors que ceux-là mêmes qui sont responsables de la pollution continuent d’utiliser des sources plus énergivores et polluantes ».
La déclaration finale a appelé par ailleurs à « des contributions volontaires et ambitieuses » des pays riches, qui peuvent redistribuer aux Africains leurs Droits de Tirage Spéciaux (DTS), des titres convertibles créés par le Fonds monétaire international et alloués à ses Etats membres, qui peuvent les dépenser sans s’endetter. Jusqu’ici, les Européens ont collectivement réalloué à l’Afrique 13 milliards de dollars de leurs DTS, sur 55 milliards réalloués par les pays riches au niveau mondial, un niveau très en-deçà de l’objectif des 100 milliards réclamés par l’UA.
Alors que coups d’Etat et terrorisme alimentent l’instabilité en Afrique, l’UE s’est également engagée à aider les missions et opérations de paix menées par les forces africaines, en les formant et en renforçant leurs équipements et capacités.
Bref, les 150 milliards sont donc l’annonce concrète de ce sommet. Les autres engagements cités dans la déclaration finale sont plutôt évasifs. Européens et Africains ont certes affiché leur satisfaction, le défi est désormais de faire en sorte que les déclarations ne restent pas lettre morte.
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