Al-Ahram Hebdo : Après plusieurs mois d’interruption les négociations sur le nucléaire iranien doivent reprendre à la fin du mois, ce seront les premières sous la présidence d’Ibrahim Raïssi …
El Sayed Ali Abou-Farha: Les négociations devaient reprendre de toutes les manières. Elles ont été reportées à cause du calendrier électoral iranien et la passation de pouvoir. Elles vont reprendre fin novembre entre l’Iran et l’Union européenne, principale médiatrice dans ces négociations indirectes entre Washington et Téhéran, et la Chine et la Russie. On doit tout d’abord noter que la scène n’est plus la même avec le changement des tendances politiques aux Etats-Unis comme en Iran. Les conservateurs ne sont plus dominants aux Etats-Unis, les démocrates les ont remplacés. Ces derniers ont une vision plus flexible au niveau des relations internationales, ils optent plutôt pour des solutions pacifiques pour résoudre les différentes crises. C’est le cas du bras de fer avec l’Iran.
Côté iranien, si le président Ibrahim Raïssi est un conservateur connu pour sa rigidité, il est obligé d’accepter la reprise des négociations. C’est un choix politique qui s’impose, alors que son pays traverse une importante crise économique à cause des sanctions américaines. D’ailleurs, le risque d’une reprise de la contestation populaire pèse toujours sur l’Iran, justement à cause de la situation économique. Et le pouvoir doit prendre cela en considération.
Depuis l’instauration de la République islamique en 1979, les relations entre Téhéran et Washington ont toujours été tendues.
— Avant même leur lancement, Washington a prévenu qu’il pouvait utiliser d’autres outils si les efforts diplomatiques échouent. S’agit-il d’une menace voilée d’un éventuel recours à la force ?
— Comme dans tous les pourparlers, le négociateur n’écarte aucune carte de pression, et la solution militaire est une carte importante qui doit être présente sur la table des négociations même si elle ne sera pas utilisée. Cela dit, les Etats-Unis viennent juste de se retirer de l’Afghanistan. Cette expérience leur a coûté cher, tant financièrement que militairement parlant. Ils ne vont donc pas s’engager dans un nouveau conflit. Ils ne vont pas répéter cette erreur surtout avec l’Iran, avec qui les relations sont motivées par des considérations géostratégiques, notamment son alignement sur la Chine. De plus, et comme j’ai déjà cité, du point de vue idéologique, les Démocrates n’optent pas pour les solutions militaires.
— Le contexte géopolitique régional est-il en faveur des Iraniens dans ce nouveau cycle de négociations ?
— La tendance actuelle dans la région est à la politique d’apaisement dans les relations avec l’Iran. C’est le cas dans les relations avec l’Arabie saoudite et les Emirats par exemple. Téhéran aussi cherche l’apaisement. Les différentes parties se sont rendues à l’évidence: la diplomatie doit prendre le dessus, d’autant plus que le face-à-face militaire au Yémen n’a pas tranché ce bras de fer régional.
— Est-ce possible de voir la participation d’autres acteurs régionaux ?
— L’Egypte peut avoir un rôle important. C’est un acteur de poids. Elle n’a pas de problèmes avec l’Iran et jouit de bonnes relations avec les pays du Golfe. Cela peut servir, surtout que Téhéran, à mon avis, va encourager un rapprochement avec un pays comme l’Egypte. Je pense aussi qu’une intervention de quelques organisations islamiques et arabes peut avoir un effet positif dans le déroulement des négociations.
— Le contexte semble plutôt positif selon vous, mais est-ce suffisant pour parvenir à un vrai résultat malgré les positions qui restent figées des parties en négociations ?
— Du point de vue technique, on ne peut pas prévenir à quoi peuvent aboutir les négociations. Mais je pense qu’avec l’expérience du négociateur iranien qui sait bien comment pensent les Américains, et aussi avec l’orientation des Européens qui veulent trouver une solution et le soutien chinois et russe aux Iraniens, l’Iran va sortir gagnant, même si à la fin on retourne au point de départ et recommence à zéro. Personnellement, je pense que les sanctions vont être levées graduellement, mais un accord définitif n’est pas encore proche.
Objectif : Relancer l’accord de 2015
Les négociations entre Téhéran et les grandes puissances ont repris après l’arrivée au pouvoir de Joe Biden. Mais elles ont été arrêtées en juin dernier en raison de la présidentielle iranienne, qui a vu l’élection d’Ibrahim Raïssi. La semaine dernière, l’Iran et l’Union européenne, principale médiatrice dans ces négociations indirectes entre Washington et Téhéran, ont annoncé de manière simultanée la date de la reprise des pourparlers, le 29 novembre prochain.
L’objectif est de relancer un accord historique de 2015 limitant drastiquement le programme nucléaire iranien en échange d’un allègement des sanctions économiques frappant le pays. Téhéran avait progressivement abandonné ses principaux engagements pris dans cet accord conclu avec les grandes puissances, un an après le retrait unilatéral en 2018 des Etats-Unis de ce pacte suivi du rétablissement des sanctions américaines.
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