L’Onu presse les autorités maliennes à revenir à un pouvoir civil.
C’est dans un contexte tendu qu’une délégation du Conseil de sécurité s’est rendue cette semaine à Bamako pour inciter le Mali à revenir à un pouvoir civil après deux putschs en neuf mois. Codirigée par l’ambassadeur du Niger auprès des Nations-Unies, Abdou Abarry, son homologue français Nicolas de Rivière et comprenant l’ambassadrice américaine à l’Onu, Linda Thomas-Greenfield, ainsi que des représentants chinois, indiens et russes, cette délégation s’est entretenue dimanche 24 octobre avec des représentants de la société civile et des groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015, après avoir été accueillie la veille par le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.
Cette visite intervient alors que le doute plane sur la volonté des autorités maliennes à discuter avec les djihadistes. Un sujet crucial pour les autorités de transition. En effet, après l’annonce faite le 19 octobre par le ministère malien des Affaires religieuses, selon laquelle « le gouvernement malien a mandaté le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) afin de négocier avec les chefs djihadistes Iyad Ag Ghaly, le chef du JNIM, et Amadou Koufa, de la Katiba Macina », le premier ministre a démenti l’information deux jours plus tard. Le ton du communiqué est ferme et se veut sans ambiguïté. « Aucune organisation nationale ou internationale n’a été officiellement mandatée pour mener une telle activité », a affirmé le premier ministre malien dans un communiqué rendu public le 21 octobre.
Or, la médiation algérienne a indiqué qu’une délégation de la junte malienne dirigée par le ministre de la Réconciliation nationale, le colonel Ismaël Wagué, a rencontré vendredi 22 et samedi 23 octobre à Alger des chefs de ces groupes armés. La rencontre « était extrêmement importante dans la mesure où elle intervient à un moment où les tensions étaient palpables entre les différentes parties signataires de l’accord » de paix, a dit, sans autres détails, le colonel Wagué, cité samedi 23 par l’agence officielle algérienne.
Une ligne rouge
Que se passe-t-il donc? Où est la vérité? Si le démenti officiel est ferme, le doute plane toujours. Le ministre et le HCIM ont-ils parlé trop vite, sans l’accord du chef de la junte, le colonel Goïta ? Ces affirmations et ces démentis reflètent-ils une cacophonie? Une gêne? Ou plutôt une discrétion de la part de Bamako à ce sujet ? Bamako serait-il en train de jouer cette carte ?
Certains experts croient y voir le résultat d’une pression extérieure, notamment avec l’opposition de nombreux partenaires du Mali, à commencer par la France. Pour cette dernière, la négociation avec les djihadistes est une ligne rouge. Pour autant, l’Elysée n’a pas officiellement réagi, bien que les relations entre Bamako et Paris traversent leur plus grave crise depuis le début de l’engagement français en 2013. En fait, la réalité de telles discussions ne fait pas de doute pour les experts depuis longtemps, avant même que l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé depuis par les militaires, ne reconnaisse en février 2020 l’existence de contacts. Selon les experts, ce dialogue a jusqu’alors concerné principalement les deux chefs djihadistes Amadou Koufa et Iyad Ag Ghaly et leurs groupes affiliés à Al-Qaëda, et non pas Daech.
D’un côté donc, le gouvernement ne veut pas frustrer ses partenaires étrangers impliqués dans la lutte contre le terrorisme, de l’autre, il joue toutes les cartes pour sortir de la crise.
Les principaux groupes djihadistes au Mali
Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM) : idéologie salafiste djihadiste, organisation formée en mars 2017.
Ansar Dine : groupe armé salafiste djihadiste fondé début 2012 et dirigé par Iyad Ag Ghali.
Al-Qaëda au Maghreb Islamique et dans le Sahel (AQMI) : groupe d’idéologie salafiste djihadiste né en 2007. Avant son allégeance à Al-Qaëda, il était connu sous le nom de Groupe salafiste pour la prédication et le combat, un groupe algérien issu d’une dissidence du Groupe islamique armé.
Katiba Macina : également appelé Front de libération du Macina, il apparaît en janvier 2015. Cette organisation est active dans les régions centre du Mali.
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