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L’Afghanistan à l’heure du « Wait and See »

Abir Taleb avec agences, Lundi, 23 août 2021

Une semaine après la chute de Kaboul, les Talibans s’activent pour constituer un gouvernement qu’ils disent « inclusif ». La communauté internationale est dans l’expectative.

L’Afghanistan à l’heure du « Wait and See »
Les Talibans veulent donner une image différente, mais restent peu crédibles. (Photo : AP)

Les Scènes de chaos se poursuivent à Kaboul, notamment à l’aéroport et dans ses alentours. Des milliers de personnes continuent d’y affluer tous les jours pour tenter de fuir. Il y a même eu des morts, 7 pour la seule journée du samedi 21 août. Des routes menant à l’aéroport congestionnées par des milliers de civils. Devant eux, des militaires américains et une brigade des forces spéciales afghanes se tenaient aux aguets pour les dissuader d’envahir les lieux. Derrière eux, des Talibans, désormais accusés de traquer des Afghans ayant travaillé pour l’Otan pour restreindre l’accès à l’aéroport. A quelques kilomètres de l’aéroport, des foules qui se rassemblent devant les ambassades étrangères, au gré des rumeurs de possibilités de visa et d’asile …

Un chaos à l’image des incertitudes sur l’avenir de l’Afghanistan. Pourtant, les nouveaux maîtres de Kaboul tentent de redorer leur image, de rassurer et de s’organiser. Après avoir passé deux jours à Kandahar, le berceau du mouvement, le numéro deux des Talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, est arrivé samedi 21 août, soit 6 jours après la prise de contrôle de l’Afghanistan par le mouvement, dans la capitale afghane, où d’autres leaders du mouvement ont été aperçus. Objectif : mener les pourparlers visant à composer « un nouveau gouvernement inclusif », selon un haut responsable taliban cité par l’AFP. Le mollah Baradar a déjà eu l’occasion d’évoquer cette notion d’inclusion, qui résume la volonté affichée des Talibans d’administrer le pays avec toutes ses composantes ethniques et les différentes factions talibanes. Il est rentré la semaine dernière à Kandahar, en provenance du Qatar, où il dirigeait le bureau politique de leur mouvement après avoir mené les discussions ayant conduit au retrait des forces étrangères d’Afghanistan. La première fois qu’un très haut dirigeant taliban en activité rentre publiquement en Afghanistan depuis qu’ils avaient été chassés du pouvoir par une coalition menée par les Etats-Unis, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

D’autres leaders talibans ont été aperçus dans la capitale ces derniers jours. Des réseaux sociaux pro-talibans ont montré Haqqani rencontrant Gulbuddin Hekmatyar, considéré comme l’un des chefs de guerre les plus cruels du pays pour avoir notamment bombardé Kaboul durant la guerre civile (1992-1996). Hekmatyar, surnommé « le boucher de Kaboul », était un rival des Talibans avant que ceux-ci ne prennent le pouvoir entre 1996 et 2001. Chef du parti Hezb-e-Islami, il a participé à des récentes réunions informelles en vue d’organiser les discussions qui commencent.

Opération séduction

En attendant de voir les contours des nouvelles autorités afghanes, les Talibans s’efforcent de rassurer le monde, alarmé par leur passif en matière de droits humains quand ils étaient au pouvoir (1996-2001) et par les images déchirantes de l’aéroport de Kaboul. « Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger », a assuré un porte-parole taliban, Zabihullah Mujahid. « Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l’islam », a ajouté M. Mujahid. Il a affirmé que les islamistes avaient appris de leur premier exercice du pouvoir et qu’il y aurait de « nombreuses différences » dans leur manière de gouverner, même si idéologiquement « il n’y a pas de différence ».

Depuis l’arrivée d’Abdul Ghani Baradar sur le sol afghan, les Talibans ont assuré que leur règne serait « différent » du précédent (1996-2001), marqué par son extrême cruauté.

Sur le plan des relations diplomatiques, les Talibans ont dit vouloir établir de « bonnes relations diplomatiques » avec tous les pays, mais prévenu qu’ils ne feraient aucun compromis sur leurs principes religieux. Certains pays ont émis des signaux d’ouverture, d’autres restent méfiants. La Chine s’est dite prête à entretenir des « relations amicales » avec eux. Pour la Russie, leurs assurances en matière de liberté d’opinion constituent un « signal positif », Vladimir Poutine a souligné que les Talibans contrôlaient « presque tout le territoire » afghan et qu’il s’agissait « d’une réalité avec laquelle il faut compter, pour ne pas permettre l’effondrement de l’Etat afghan ». La Turquie a aussi salué des « messages positifs » et l’Iran fait des gestes d’ouverture. Les Etats-Unis pourraient reconnaître un gouvernement taliban s’il « préserve les droits fondamentaux de son peuple », en particulier des femmes. Londres ne travaillera « normalement » pas avec les islamistes radicaux, qui seront jugés « sur les actes, pas sur les paroles », a averti le premier ministre britannique Boris Johnson. L’Union européenne « devra parler » aux Talibans « aussi vite que nécessaire », a déclaré Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne. Bref, la realpolitik l’emporte. Reste l’espoir que les Talibans d’aujourd’hui ne seront pas les mêmes que ceux d’hier.

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